L’avenir de la maison pavillonnaire

Vivez-vous dans une maison individuelle, comme 56% des Français ? En 2017, un sondage de Kantar Public révélait que 4 Français sur 5 rêvaient toujours de posséder une maison individuelle. Pourtant, notre amour des maisons continue à consumer nos terres chaque année, détruisant 30 000 hectares d’espaces naturels. Dans le cadre de la loi climat et résilience adoptée en août 2021, la France a fixé l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) en 2050 pour tenter d’enrayer ce processus. En tant que designer engagée au service de la transition écologique et sociétale, Léa Desmars a imaginé un nouveau type d’habitat qui impliquerait tous les acteurs : Collectivités, habitants, designers, afin de métamorphoser nos quartiers pavillonnaires en espaces durables, solidaires et conviviaux.
La désillusion pavillonnaire
Le modèle pavillonnaire représente l’archétype de l’habitat individuel français depuis 50 ans. Pourtant, l’omniprésence du pavillon sur le territoire engendre un défi de taille, celui de contrer la densification de l’habitat et ses effets délétères : pollution, dépendance à la voiture et fracture sociale entre autres. L’effet de l’étalement urbain sur l’environnement s’illustre par des chiffres sans équivoque : la surface des sols artificialisés a augmenté de 70 % entre 1982 et 2018 ce qui accélère la perte de la biodiversité et le réchauffement climatique.
Alors, comment concilier notre amour des maisons et la protection de l’environnement ? Une étude de la Direction régionale de l’environnement de la Région Centre-Val de Loire préconise une alternative : le développement de « l’habitat dense individuel » composé de logements individuels accolés à un jardin sur des parcelles de surface totale pouvant être inférieure, pour les plus petites, à la surface de la maison individuelle pure.*

Projet prospectif Habiter Demain ©Léa Desmars, City Design Lab
Une chose est sûre : les tentatives de réponse des acteurs de l’urbanisme, de l’architecture ou des politiques publiques sont nombreuses et pluriformes. Néanmoins, le design apporte une réponse particulière, car il a le pouvoir de transformer les imaginaires liés au modèle pavillonnaire.
Un pavillon vert aux espaces partagés sans compromis sur la qualité de vie
Une architecture d’économie de moyens
La designer Léa Desmars s’aligne sur le motto des designers Lacaton & Vassal : « Never demolish, always add, transform, and reuse. » Ceux-ci optimisent l’espace grâce à des structures légères et préfabriquées, bâtissant des environnements spacieux et durables en dépit de budgets limités. Leur approche prouve que l’on peut concevoir des espaces généreux et écologiques sans compromettre la qualité de vie, offrant une vision novatrice pour l’habitat futur.

Maison Latapie, Lacaton & Vassal Architectes, 1993 © Philippe Ruault
Dans cette lignée, Léa a imaginé un nouveau mode d’habitat. Son projet a germé à partir d’une interrogation fondatrice : comment favoriser la durabilité de l’habitat individuel et encourager son évolution vers des pratiques plus durables ? Habiter demain propose un mode de vie basé sur le partage, la solidarité et le respect de l’environnement.
Grâce au design, imaginez. Votre nouveau type de maison individuelle pourrait disposer :
- d’espaces modulables et partagés ;
- de jardins productifs et écologiques ;
- de systèmes d’énergie renouvelable intégrés ;
- de solutions de mobilité douce.
« Habiter demain »
Le projet de Léa Desmars consiste à proposer une stratégie prospective qui révolutionnerait le quartier pavillonnaire de la commune de Chouzy-sur-Cisse. Sa série de pavillons individuels se transformerait en un modèle d’habitat individuel plus durable.
Cette stratégie se déroulerait sur plusieurs années :
- en août 2022, une première phase de concertation aurait lieu.
- entre 2025 et 2027, une phase de sensibilisation et de concertation inclurait :
- une campagne de communication sur les enjeux et les opportunités ;
- des ateliers participatifs de co-construction de la vision d’ensemble ;
- la création d’une instance de gouvernance habitante

Projet prospectif Habiter Demain ©Léa Demars, City Design Lab
Entre 2028 et 2032, des aménagements ponctuels et des tests permettraient de :
- réaménager des circulations en zones apaisées ;
- créer des placettes de rencontres et d’espaces partagés ;
- ouvrir des ateliers collectifs et des équipements mutualisés ;
- tester des projets pilotes d’agriculture urbaine et de gestion des déchets…
Entre 2033 et 2042, l’intensification progressive donnerait lieu à :
- la densification raisonnée des îlots par des extensions/surélévations ;
- le développement de l’habitat participatif et intergénérationnel ;
- la généralisation des rénovations énergétiques et végétalisations ;
- la mise en place des réseaux d’eau, d’énergie et de mobilité douce.
La dernière phase consisterait à pérenniser cet écosystème entre 2043 et 2050 :
- finaliser des aménagements paysagers à l’échelle du quartier ;
- intégrer des activités productives et des circuits courts ;
- activer des filières d’économie circulaire et de mutualisation ;
- consolider la gouvernance partagée des communs.
Une approche systémique qui implique tous les acteurs
Cette approche systémique et progressive impliquera tous les acteurs de quartier afin d’opérer cette transition de la maison individuelle à un pavillonnaire aux espaces partagés. C’est ainsi qu’un nouveau mode de vie pavillonnaire durable, basé sur le partage, la convivialité et le respect de l’environnement pourra se créer.
Ce changement de modèle s’adaptera à chaque territoire afin de réinventer notre façon d’habiter. Ce nouveau mode de vie qui concilie intimité et interactions sociales résonne avec nos transitions sociétales actuelles.
Le projet Habiter demain propose une vision stratégique claire et prospective pour deux types d’acteurs.
Pour les collectivités :
– Un calendrier d’actions attractive du futur pavillonnaire ;
– Des outils de participation citoyenne ;
– Des objectifs concrets et mesurables.
Pour les habitants :
– Des projections visuelles et audios inspirantes ;
– Un lexique pour comprendre les enjeux ;
– Des défis pour s’impliquer au quotidien.
L’innovation de la démarche de Léa repose sur la volonté de mettre en lien l’échelle urbaine et l’échelle intime, les espaces privés, familiaux et la nécessité de repenser nos modes de vie collectifs. La designer possède une compréhension fine des vécus et attentes des citoyens, un excellent moteur pour révéler les potentiels latents de transformation urbaine. Alors ce pavillon du futur, on le bâtit quand ?
*www.observationsociete.fr/modes-de-vie/logement-modevie/habitat-pavillonnaire-le-debut-de-la-fin