La ville, laboratoire d’un futur décarboné ?

6 Juil 2015

Samedi 13 juin, dans le cadre du festival Futur en Seine, une table ronde était organisée sur le thème : « La ville, laboratoire de la transition climatique ? ». L’occasion de définir quelques priorités pour permettre aux villes d’être en première ligne dans la lutte contre le changement climatique.

Pollution à Singapour. Copyright : Wolcott / Wikimedia

La ville de Singapour noyée dans un nuage de pollution, en 2013. Copyright : Wolcott / Wikimedia

Plus des deux tiers des 9 milliards d’êtres humains qu’abritera la Terre en 2050 seront urbains. Pour éviter que cette croissance démographique n’aggrave encore l’empreinte carbone – déjà considérable – de notre espèce, il est urgent de faire des villes les laboratoires d’une transition énergétique intelligente et raisonnée. Pour débattre de cette question, le festival Futur en Seine a organisé samedi 13 juin, dans un amphithéâtre du Conservatoire National des Arts et Métiers, à Paris, une table ronde en présence de l’architecte danoise Camilla van Deurs, du physicien américain Geoffrey West, du directeur de recherches de Météo France Valéry Masson et de Valéry Peugeot, prospectiviste chez Orange et vice-présidente du Conseil national du numérique. Voici des morceaux choisis de leurs interventions respectives.

Geoffrey West, physicien, professeur au Santa Fe Institute (Nouveau-Mexique)

« En 1800, seulement 4% de la population américaine était urbanisée, contre plus de 80% aujourd’hui. Pour vous donner un ordre de grandeur, c’est comme si on rajoutait 1 million d’urbains par semaine entre 2015 et 2050 ! Autrement dit, le destin de notre planète est lié au destin de nos villes. L’urbanisation du monde est à la fois le problème et la solution. En tant que physicien théoricien, je m’intéresse de près au problème de l’entropie, du coût énergétique. Et je peux vous assurer que les propriétés des organismes vivants sont transposables à l’échelle des villes, qui sont en fait des réseaux d’infrastructures. Le problème, c’est que plus une ville a d’habitants, et plus il faut aménager de stations essence, plus il y a de criminalité, plus il y a de tout en fait… C’est exponentiel ! La grande différence avec les organismes vivants, c’est que plus les villes grandissent vite et plus le rythme des activités augmente, tandis que plus un être vivant est grand et fort, et moins son cœur bat vite par exemple. »

Valéry Masson, directeur de recherches au Centre de recherches de Météo France

« La canicule de 2003 a montré à quel point les villes étaient vulnérables face au changement climatique. La grande question, c’est donc celle de l’adaptation de l’espace urbain à ce changement climatique. Par exemple, les systèmes d’air conditionné sont un exemple d’adaptation, pratique à une échelle individuelle mais pas du tout durable à une échelle plus globale. La végétalisation des villes et l’urbanisation de l’agriculture sont un autre exemple d’adaptation, plus pertinent. Ce qui est certain, c’est que la question de la densité, de la compacité des villes, fait débat aujourd’hui. D’autant qu’il faut s’attendre à avoir des épisodes de canicule quasiment une année sur deux au cours des prochaines années… »

Valérie Peugeot, prospectiviste chez Orange et vice-présidente du Conseil national du numérique

« Nous avons un problème de gouvernance de la lutte contre le changement climatique. On peut distinguer quatre phases historiques. La première démarre avec la publication du rapport Brundtland en 1987, qui permet la prise de conscience globale du problème du réchauffement climatique. Les gouvernements s’emparent alors de cette question, de même que la société civile. Mais l’influence de cette dernière est trop faible pour avoir un impact réel. La deuxième phase s’ouvre dans les années 1990, quand les autorités locales, préoccupées notamment par la croissance démographique, s’emparent vraiment des questions environnementales. Une troisième phase s’ouvre vers 2005, quand des sociétés informatiques comme Cisco et IBM théorisent la notion de « Smart City ». Les sociétés privées s’engouffrent alors dans la gouvernance climatique. Mais cette approche de la Smart City ne tenait pas compte des fondamentaux d’Internet que sont le partage et l’innovation bottom-up : on est revenu à une planification verticale qui mettait de côté les habitants, les citoyens, celles et ceux qui font la ville. Aujourd’hui, nous avons besoin d’entrer dans une quatrième phase, celle de la ville connectée et résiliente, dans laquelle les citoyens joueront un rôle essentiel. Cela passe par le développement d’expérimentations comme les « villes en transition », les « villes en partage » et aussi le mouvement des communs, qui réinstaure une dimension collective avec des initiatives comme les jardins partagés. Nous avons besoin d’un nouveau mix de solutions, sans oublier que nous avons absolument besoin de réduire l’impact énergétique de nos outils numériques. »

Camilla van Deurs, architecte associée et chef d’équipe design au cabinet Gehl Architects

« La priorité, c’est de se concentrer sur les usages réels d’une ville par ses habitants. Et cela passe par toute une série de mesures, de calculs et de statistiques. Par exemple, nous avons pu mesurer précisément que 45 % des habitants de Copenhague prennent le vélo pour se rendre au travail ou à l’école, et que 75% de ces cyclistes ne renoncent pas à ce moyen de transport en hiver. La notion de « prototypage urbain » est centrale, c’est elle qui nous a permis de travailler avec la ville de New York pour déployer un réseau de pistes cyclables en seulement quelques mois. Quant au problème de la densité urbaine, je pense qu’on peut y répondre d’au moins dix façons différentes dans tous les cas de figure. C’est surtout une question d’idéologie et de foi dans la durabilité des solutions qu’on propose et qu’on choisit. »

Retrouver l’article de Pop-up Urbain, « Tourisme & Innovation : Focus sur cinq projets de startups au festival Futur en Seine 2015 »

Usbek & Rica
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Cathy
21 juillet 2020

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