Et si on se donnait RDV dans 10 ans ?

© Seniors en ville - Paris.fr
29 Déc 2022 | Lecture 3 min

Après une année dans le rétroviseur à faire le bilan sur les évolutions récentes du monde de l’urbanisme, Demain la Ville se projette dans 10 ans. Quelles seront les tendances fortes, les ruptures ou les données incontournables de 2032 ? En voici cinq.

Climat : s’accrocher au mât

Pour les dix prochaines années, l’adaptation aux dérèglements climatiques sera la grande ordonnatrice de la fabrique de la ville. On peut résumer les enjeux par cette formule : « Éviter l’ingérable et gérer l’inévitable », comme l’expliquait Alexandre Magnan, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales, à Le Monde en février dernier. Il faudra à la fois adapter les villes, et les protéger. Pour le cabinet de conseil McKinsey, c’est le plus grand défi à venir pour les villes, qui rappelle que plus de 90% des zones urbaines mondiales sont côtières. 

Face aux inondations éclair, aux sécheresses, aux incendies et aux vagues de chaleur, la ville peut et doit prendre des mesures. On a beaucoup parlé de végétalisation, qui permet de réduire l’effet d’îlot de chaleur en ville, mais chaque territoire est exposé à un risque spécifique : des villes devront adopter l’urbanisme éponge pour limiter les effets des inondations et d’autres la gestion forestière contre les incendies. Dans cette optique, l’agence parisienne du climat a créé l’année dernière Adaptaville, une boîte à outils à destination des acteurs locaux français. C’est aussi l’objet des travaux du réseau C40 qui travaille à la résilience des grandes métropoles. 

Sénior, l’urbanisme vermeil

50%. C’est un chiffre qui donne du grain à moudre à tout le monde. Il correspond à la hausse du nombre de 75-84 ans dans la population résidant en France dans les dix années à venir. En 2033, ils ne seront plus 4,1 millions, mais 6,1 millions. Cette forte augmentation devrait se poursuivre jusqu’en 2040, et s’explique par l’arrivée dans cette classe d’âge des générations du baby-boom (entre 1946 et 1974). Les experts parlent d’une transition démographique majeure qui sera un déterminant important des politiques publiques. 

Que faire pour anticiper cette vague ? Déjà, adapter les logements et les espaces publics au vieillissement, pour maintenir le plus longtemps possible les seniors chez eux, et leur offrir une vie agréable et digne. Ma Prime Adapt a été annoncée par le gouvernement pour aider financièrement les rénovations de logement, qu’il s’agisse de changer une baignoire en douche, poser des barres d’appui… À Lyon, l’agence d’urbanisme a mis au point une cartographie des « territoires favorables à l’implantation d’une offre de logements adaptée au vieillissement et au handicap ». 

D’autres solutions commencent à voir le jour, comme la cohabitation intergénérationnelle ou la domotique, et fort est à parier qu’ils constitueront une large part des plans d’urbanisme demain. Ces options sont notamment étudiées dans le rapport de Luc Broussy déposé l’année dernière à trois ministères, ceux du Logement, des Solidarités et de la Cohésion des territoires, et le rapport de la FNAU « Vieillir en ville » se penche également sur une vingtaine de cas pratiques dans les territoires. 

Planifier la rénovation

Difficile de parler de la suite de la décennie sans évoquer les deux grands plans d’urbanisme à venir. Le ZAN (Zéro Artificialisation Nette) et la rénovation énergétique des bâtiments sont deux chantiers gigantesques. Le premier entend limiter l’étalement urbain pour lutter contre l’artificialisation des sols, le second doit éradiquer les passoires thermiques et améliorer le confort intérieur des bâtiments. Ces nouvelles règles imposées par l’État bousculent le marché et les manières de faire. Dans un cas, c’est la perspective d’un casse-tête technique pour les petites municipalités – peu dotées en ingénierie – qui doivent désormais faire primer le déjà-là et le recyclage foncier. Dans l’autre, ce sont des milliards d’euros de travaux à déployer sur le parc immobilier français. Toute une filière de rénovation doit se mettre en branle et résoudre de nombreux défis : du montage financier, aux questions techniques en passant par les conflits entre copropriétaires. L’interdiction de louer des passoires thermiques, applicable dès le 1er janvier 2023, devrait faire sortir près de 500 000 logements du parc locatif en quelques années… 

Douces mobilités

Avec le développement ces dernières années du covoiturage, des micro-mobilités, le boom du vélo et la disparition programmée des véhicules thermiques, c’est le secteur qui n’en finit plus de se transformer. La mise en place des ZFE (Zones à Faibles Emissions mobilité) va donner aux élus l’opportunité de transformer leurs espaces publics, en surfant sur le discours critique contre la voiture. Cette tendance devrait donc se poursuivre avec un rééquilibrage de l’espace public en faveur des mobilités douces dans les villes grandes et moyennes, et probablement des transports en commun dans les villes plus petites. À New York, la municipalité a déclaré vouloir récupérer 25% de l’espace des voitures pour le rendre aux vélos et piétons.

© Première image du Train Léger Innovant de la SNCF - SNCF

© Première image du Train Léger Innovant de la SNCF – SNCF

Le ferroviaire lui, aura sûrement le vent dans le dos, en témoigne les déclarations du président de créer un réseau RER dans dix métropoles françaises, mais aussi les innovations annoncées ça et dans le secteur. En réponse à l’abandon des petites lignes, la SNCF a communiqué récemment sur une nouvelle formule, le train léger innovant, qui permettrait une desserte plus fine du territoire pour un coût maîtrisé, tout en profitant de la faible empreinte carbone du rail.

Techno-town

C’est une tendance discrète mais bien présente depuis quelques années. La ville se dote progressivement de technologies de surveillance qui font craindre la multiplication des atteintes aux libertés individuelles. Nous en avions parlé ici et , la loi Lopmi (d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur) et l’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024 risquent d’accélérer le phénomène. C’est ce que dénonce notamment l’association Quadrature du Net, spécialisée dans la défense des libertés fondamentales dans l’environnement numérique. Au titre de la sécurisation de méga-événements, des technologies de pointe sont mises en place et expérimentées. Puis une fois l’événement terminé, elles entrent souvent dans le cadre légal commun sans que leur efficacité ne soit forcément démontrée. Dans le cadre de sa campagne Technopolice, l’association a créé une carte des projets liberticides, avec pas moins de 47 villes concernées. Entre un contexte global contraignant les villes à devenir plus intelligentes et faire le choix de conserver les libertés individuelles, que choisir ? Le débat devrait secouer la sphère médiatique d’ici la fin de la décennie.

©Logiciel de reconnaissance faciale - Anyvision

©Logiciel de reconnaissance faciale – Anyvision

Usbek & Rica
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