Les villes végétalisées sont-elles résilientes ?

Ruelle Laval dans le Plateau-Mont-Royal
22 Sep 2017

A Courbevoie, à l’occasion de la fête des jardins de 2015, l’ensemble des habitants se sont regroupés le long de l’allée des vignerons. L’idée ? Transformer cette allée plutôt banale en promenade plantée. Une initiative qui résonne en échos avec les 46 kilomètres de ruelles vertes constituées à Montréal. A Milan, un hectare de forêt végétale a été déposé sur deux tours. À Kaohsiung City, près de Taïwan, un paysage au coucher du soleil, composé de plus de 10.000 variétés de plantes constitue aujourd’hui la plus grande fresque végétale urbaine.

Au cours des dernières années, les concepteurs de projets urbains comme architecturaux n’ont qu’un mot la bouche : végétaliser. L’année dernière encore, la Ville de Paris lançait un appel à projet nommé “Parisculteurs”. L’objectif ? Remettre la végétation au cœur des villes pour améliorer notre qualité de vie et répondre aux défis environnementaux qui s’offrent à nous. En effet, remettre du vert en ville permettrait de réduire la pollution urbaine et de lutter contre le réchauffement climatique.

Une défi d’ordre majeur ! En effet, dans un article récent, la revue américaine Nature Climate Change annonçait une hausse de 8°C à prévoir dans certaines villes d’ici 2100.

Comme chacun d’entre nous a pu l’apprendre à l’école, “par le phénomène de photosynthèse, les végétaux absorbent le dioxyde de carbone pour rejeter de l’oxygène”. Ainsi, la végétalisation des villes pourrait permettre la réduction de leur empreinte écologique. Pourtant autant, ces projets sont-ils suffisants ? La végétalisation des zones urbaines est-elle une réponse résiliente et durable aux nombreux défis écologiques urbains ? Verdir nos villes suffira-t-il à les “nettoyer” et inverser la tendance ? Si la ville végétalisée constitue une réponse, il semblerait qu’elle ne soit pas une solution en soi.

L’îlot de chaleur urbain : quels risques climatiques urbains ?

L’îlot de chaleur urbain est un phénomène climatique récemment identifié. Au cours des années 70, les premières thermographies infrarouges de la surface de la terre sont réalisées. Celles-ci, comme leur nom l’indique, retranscrivent sur une carte la température en chaque point de la surface de la terre. Sur ces cartes, les scientifiques observent des zones plus chaudes, appelés îlots de chaleur. Celles-ci correspondent à l’emplacement des villes. La désignation “îlot de chaleur urbain” désigne donc cette différence de température qui peut exister entre le centre urbain et sa périphérie.

Cette différence de températures s’explique par divers facteurs, comme la concentration des activités, des transports et de la population ou encore la perméabilisation des sols. Ce regroupement génère, en effet, une production plus importante de dioxyde de carbone (CO2) et autres gaz appelés gaz à effet de serre (GES) qui contribuent à l’amplification du dérèglement climatique. Si rien n’est fait, les épisodes de canicules pourraient alors être plus fréquents et plus marqués en zones urbaines qu’en zones rurales.

Au cours des années, cet écart de températures s’est creusé. De manière générale, il est actuellement estimé entre à 4°C. Pourtant, d’ici 2100, cet écart pourrait atteindre les 8°C. Un record qui avait déjà été enregistré en Île-de-France lors de la canicule de 2003 et qui avait eu pour conséquence une hausse considérable de la mortalité.

La végétation : une solution résiliente et durable ?

Pour lutter contre les îlots de chaleur urbaine, il faut donc agir sur la température en ville, mais aussi sur la qualité de l’air, la pollution contribuant à l’augmentation de la température. Des qualités auxquelles la végétation urbaine semble pouvoir répondre. Pourtant, la végétation urbaine est-elle en capacité de compenser l’ensemble de nos productions anthropiques néfastes ? Plusieurs scientifiques, dont Yves Brunet, ont tenté de répondre à cette question.

A travers leurs relevés et observations, les scientifiques se sont demandés si la végétation d’un espace pouvait représenter un îlot de fraîcheur urbain, et donc, inverser la tendance. Pour répondre à cette question, il faut d’abord prendre en compte la diversité d’expressions de la nature en ville : parcs urbains, alignements d’arbres, façades ou toitures.

Il s’avère que les parcs urbains représentent de véritables îlots de fraîcheur. Plus les parcs sont grands, plus le refroidissement est important. Pourtant, aux alentours des parcs, l’espace urbain ne perd en moyenne qu’un degré. En ce qui concerne les alignement d’arbres, ceux-ci ont également un effet refroidissant sur la ville, notamment par l’ombrage qu’ils fournissent. En fonction des espèces d’arbres, le piéton peut bénéficier d’une baisse des températures allant jusqu’à 2°C. Pourtant, au-delà de 100 mètres, plus aucun bénéfice n’est ressenti.

Les façades et toitures urbaines, elles, n’influent pas ou que trop peu sur la température urbaine. Pourtant, deux bénéfices sont à noter. Leur végétation offre au bâtiment une bien meilleure qualité d’isolation, qui permet une réduction de la consommation énergétique et de l’émission de Gaz à Effet de Serre. Deuxième bénéfice qui s’applique aux piétons cette fois-ci. Les façades végétalisées réduisent le rayonnement solaire, et donc la sensation de chaleur.

Au final, si la présence de végétation en ville est bénéfique, elle ne permet pas pour autant de régler le problème climatique. Si elle réduit localement la température, cette baisse reste relative et ne répond pas au défi posé des 8°C pour 2100. A l’échelle d’une ville, l’exposé de cet article rapporte que si 75% de la surface d’une ville était végétalisée, cela ne ferait descendre la température globale que de 0,5°C. D’autant plus qu’une végétalisation aussi importante de l’espace urbain demande une ressource importante en eau.

Végétaliser les villes pour vivre autrement ?

Alors pourquoi végétaliser nos villes si cela ne représente qu’une baisse substantielle des températures ? La végétalisation de nos villes fait partie de la solution, mais ne constitue pas une solution. Celle-ci permet de soigner, mais non de guérir. Pour y arriver, c’est tout un écosystème que nous devons repenser.

Aujourd’hui, les villes représentent 1% de la surface globale. Pourtant, ces 1% consomment 78% de l’énergie mondiale et produisent 60% des émissions de gaz à effet de serre issus des énergies fossiles. Les villes constituent un déséquilibre entre production, consommation et pollution. Si les écarts se creusent, cela n’est pas uniquement lié au manque d’espaces verts en ville. L’implantation de végétation ne peut donc pas à elle seule compenser l’ampleur de la pollution liée aux activités anthropiques.

Végétaliser sa ville, c’est d’abord améliorer son cadre de vie. Cela permet de créer des espaces de rencontres et de faire évoluer les rapports sociaux en ville. La création d’espaces verts tels que les potagers urbains contribuent actuellement à cela par l’aspect collectif qu’ils revêtent. Dans une moindre mesure, cela permet aussi de faire prendre conscience qu’on peut consommer autrement et donc moins polluer. La végétalisation agit comme un exemple urbain, une preuve que la ville peut se vivre autrement.

Végétaliser sa ville, c’est une pierre posée à l’édifice de la création d’un nouvel écosystème urbain. Végétaliser des rues, comme à Montréal, c’est contribuer à la réappropriation de ces espaces publics, et donc réduire la place laissée aux véhicules motorisés. Verdir nos façades, c’est aussi mieux isoler et moins consommer. Par conséquent, tout cela contribue à la réduction d’émission de gaz à effet de serre en changeant nos comportements.

Sauver la planète c’est agir sur son environnement proche ensemble et vivre autrement globalement. La végétation est un vecteur de changement de l’organisation urbaine. En d’autres mots, la végétalisation relève d’un effet papillon, qui, peut-être, permettra de changer l’ensemble de l’avenir urbain.

Ruelle Laval dans le Plateau-Mont-Royal

Ruelle Laval dans le Plateau-Mont-Royal http://www.soverdi.org/ruelles-vertes/

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