L’organisation spatiale : le nerf de la guerre pour des villes durables ?

Vitalij Sjova sur Canva
3 Juil 2023 | Lecture 3 minutes

Piétonnisation des centre-villes, changement des plans de circulation, mise en place de ZFE ou suppression des places de parking  : zoom sur différentes manières dont les villes européennes adaptent leur organisation spatiale ces dernières années.

Adapter les villes et territoires au réchauffement climatique est un enjeu vaste qui touche à de nombreuses problématiques dont la lutte contre les inondations, contre les fortes chaleurs, et contre la pollution atmosphérique. Un sujet qui n’est pas neutre. ​​En France, par exemple, la pollution de l’air est responsable d’environ 48 000 décès prématurés chaque année. Et sur ce dernier point, c’est notamment le sujet de la place de la voiture en ville qui cristallise les débats.

La mise en place des ZFE est un bon exemple de cette problématique. À ce jour, onze métropoles ont déjà mis en place leur ZFE, dont Paris, Lyon, Toulouse ou Grenoble, mais les 43 plus grandes agglomérations de France (comptant plus de 150 000 habitants) doivent créer leur ZFE d’ici à 2025. Ces zones sont conçues pour exclure progressivement les véhicules les plus polluants des villes centres, en fonction des vignettes Crit’Air. Une mesure qui est cependant contestée pour les inégalités qu’elle crée entre les français, mais aussi entre les villes.

Mais au-delà de cette mesure, le futur des zones urbaines se joue énormément sur la question de l’organisation de l’espace public et de son rééquilibrage. La majorité des villes en transition sont aujourd’hui en train de revoir complètement leur organisation afin de coller aux obligations de la transition écologique et 3 grandes tendances semblent émerger.

© Scrisman sur canva pro

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Supprimer des places de parking en voirie

La réduction des places de parking en voirie est certainement l’un des symboles les plus visibles de la réorganisation de l’espace public. Une tendance qui touche particulièrement les métropoles. La Ville de Paris, par exemple, compte supprimer 60 000 à 70 000 places de stationnement d’ici 2026. En l’espace de 6 ans, la ville aura ainsi réduit de moitié ces places de parking en surface. Un gain d’espace qui sert notamment pour la mise en œuvre de pistes cyclables, de voies de bus où pour l’occupation de la voirie par les commerçants.

On se souvient que les périodes de déconfinement en  2020 avaient été accompagnées par la création de nombreuses pistes cyclables et avaient favorisé l’émergence du concept d’urbanisme tactique, avec la mise en place de terrasses éphémères sur les places de parking où encore la création de rues piétonnes à certains horaires.

À Nantes, autre métropole française, il existe un parking historique, à ciel ouvert, en plein centre-ville sur la place de la petite Hollande. La municipalité a décidé de complètement revoir l’organisation de ce parking afin de le transformer en esplanade piétonne, avec de la végétation, supprimant ainsi 1 200 places de parking. Seuls les emplacements de livraison et ceux réservés aux personnes à mobilité réduite, à l’autopartage et aux taxis seront conservés. Pour accéder au centre-ville, il faudra donc se ré-orienter vers les parkings existants ainsi que les parkings-relais (P+R) situés en périphérie du centre.

La mise en place de parkings en périphérie et la réduction des places de parking en centre-ville permet ainsi de créer de l’espace pour d’autres usages tout en réduisant la pollution atmosphérique.

Un processus intéressant qui pousse certaines agglomérations à aller encore plus loin. Aux Pays-Bas et en Belgique, de grandes villes ont par exemple revu complètement leurs plans de circulation.

Changer les plans de circulation

Le 03 avril 2017, la ville de Gand, en Belgique, annonçait à ses administrés un nouveau plan de circulation basé sur une stratégie audacieuse : diviser la ville en six districts. Mais cette nouvelle organisation contient une subtilité particulière : aucune liaison ne permet à une voiture de passer d’un district à l’autre autrement qu’en prenant un axe périphérique. Pour passer d’un point A à un point B, le chemin le plus court n’est donc plus celui qu’emprunte l’automobile mais celui qu’emprunte un piéton ou un cycliste. Un an après cette annonce, la ville communiquait un bilan intéressant, avec une augmentation de 25% des déplacements en vélo et une réduction de 12% d’automobilistes aux heures de pointe.

Chez nos voisins Belges, les villes de Gand, Louvain et même Bruxelles se sont inspirées de ce modèle dont l’origine remonte aux années 1970 et à la ville néerlandaise de Groningue. Cette commune fut la première à modifier son plan de circulation afin de faciliter la pratique des mobilités douces sous l’impulsion du responsable de la politique des transports de la ville à l’époque, un dénommé Max Van Den Berg. En repensant le schéma de circulation, l’élu avait ainsi réussi à créer des espaces piétons dans le centre-ville tout en garantissant à chacun la possibilité de se déplacer en ville.

D’autres métropoles, sont allées encore plus loin en matière de création de zones piétonnes. C’est notamment le cas des villes de Pontevedra et Barcelone, en Espagne.

Barcelone, © rabbit_75 sur Canva pro

Barcelone, © rabbit_75 sur Canva pro

Créer des zones piétonnes en ville

Ces dernières années, la ville de Barcelone s’est illustrée avec la création de ce qu’elle appelle des “super îlots”. Un super îlot est composé d’au moins 4 intersections à l’intérieur desquelles le trafic routier et la présence de véhicules est restreinte au maximum. Au sein d’un super îlot, la circulation reste autorisée, mais elle est limitée à 10 km/h et le stationnement en surface est interdit. Par ailleurs, le plan de circulation au sein de chaque îlot impose de tourner toujours deux fois à gauche, ce qui empêche de le traverser complètement. La multiplication de ces espaces permet ainsi de développer des projets pour les habitants : des terrasses, des espaces de jeux pour les enfants, pour ramener de la végétation.

À l’échelle d’une métropole mondiale, Barcelone réussit donc l’exploit d’adapter son espace urbain en piétonnisation petit à petit des quartiers entiers. À l’échelle d’une ville moyenne, il est tout à fait possible d’adapter l’espace de la même manière afin de réduire la place de l’automobile au profit des piétons et des mobilités douces.

C’est le pari qu’a fait la ville espagnole de Pontevedra à partir de 1999, et qui en fait un exemple en la matière aujourd’hui. Cette ville de 80 000 habitants a ainsi mis en oeuvre de nombreux leviers pour bannir la voiture de son espace public : suppression des places de parking en voirie, création de zones piétonnes, modification des règles de priorités dans l’espace public, etc.

Autant de mesures qui prouvent qu’on peut réorganiser son espace public dans une logique environnementale afin de rendre aux habitants des mètres carrés et de l’apaisement.

 

 

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