Le compostage avec Jean-Jacques Fasquel : Une affaire de sens et de pédagogie

1 Juin 2015

« Est-ce que ce n’est pas la culture du béton qui est allée trop loin ? Aujourd’hui, je crois bien plus qu’il est légitime de voir que l’homme vivant au départ dans la nature, ait envie de retrouver les pratiques qui lui sont liées. »

Jean-Jacques Fasquel, maitre-composteur à Paris.

Jean-Jacques Fasquel, maitre-composteur à Paris.

Ce discours, c’est celui de Jean-Jacques Fasquel, maitre-composteur à Paris. Celui qui a été le pionnier en 2008 du compostage urbain de la capitale, a depuis largement fait évoluer les esprits. Alors qu’une telle pratique pouvait il y a quelques années encore, passer pour saugrenue, il compte aujourd’hui plus de 70 collègues maitres composteurs dans toute la France et dénombre plus de 300 sites de compostages urbains rien qu’à Paris.

« On a un besoin viscéral de mettre les mains dans la terre, non pas seulement parce que c’est joli mais parce qu’il y a une osmose entre l’homme et la nature. Tout le monde aujourd’hui a compris que l’image de l’homme domptant la nature est la pire des choses. »

Pour en arriver là, Jean-Jacques Fasquel est lui-même passé par une certaine remise en question sur son propre mode de vie et son éco-responsabilité. C’était en 2007, et il confie que lorsqu’il a pensé aux déchets, l’idée du compostage lui est venue assez rapidement. L’homme de spectacle qu’il était, vivait alors (et vit toujours) dans une résidence HLM de 500 logements située dans le 12 arrondissement de Paris. C’est en fin homme de scène qu’il réussit à embarquer ses co-résidents pour convaincre son bailleur du bienfondé de sa démarche. A l’écoute des initiatives créatrices de lien social, ce dernier a vu dans cette démarche, la possibilité de créer un mouvement fédérateur au sein même de la résidence. Le départ est donc lancé.

C’est donc en tenant compte d’un retour d’expérience de la ville de Rennes, qui avait déjà mis en place des sites de compostages urbains dès 2006, que Jean-Jacques Fasquel convint son bailleur et sa mairie d’arrondissement de s’engager dans le projet. En 2008, il lance un premier site dans sa résidence. Puis trois ans plus tard, c’est au tour de la mairie centrale d’ouvrir elle-même de nombreux autres sites dans la capitale pour parvenir à un nombre de plus de 300 en 2015.

Un « manuel », Jean-Jacques Fasquel ? Pas vraiment répondra-t-il. « Pour vider un bio-seau, touiller avec une tige aératrice et rajouter du broyat, il n’est pas nécessaire d’être manuel ! C’est comme si vous me disiez qu’il fallait être ingénieur pour conduire une voiture.» Une belle allégorie qui montre combien notre maitre composteur est pédagogue.

Cela tombe très bien, nous lui avons posé un tas de questions pour en savoir un peu plus sur cette véritable tendance urbaine, car comme il le dit si bien : « ce n’est pas juste une poubelle dans laquelle on met ses déchets ! »

Comment lance-t-on un site de compostage urbain ?

Pour introduire cette pratique dans votre immeuble, rien de bien compliqué. Il y a deux cas de figure :

  • Si vous résidez dans un immeuble social, il vous faut un accord du bailleur et de l’association de locataires : « En général ils sont assez pour et de plus, volontaires pour créer du lien social dans l’immeuble. »
  • Si vous résidez dans un immeuble privé, il faut a minima, l’accord du conseil syndical et l’accord non obligatoire de l’assemblée générale de copropriétaires.

A partir de là, un référent doit être identifié pour porter le projet. Bonne nouvelle : avec le travail de sensibilisation qu’il a su mener depuis quelques années, la ville de Paris accompagne aujourd’hui les porteurs de projet en fournissant le matériel et en assurant le suivi.

Un accompagnement qui se déroule en plusieurs étapes :

Un maitre composteur est tout d’abord désigné, afin de réaliser un audit avec l’ensemble des parties prenantes : « Cela se traduit par un tour du propriétaire pour voir s’il existe une endroit adéquat pour installer les bacs de compostage. Une étape prioritaire pour les immeubles parisiens qui n’ont bien souvent qu’une cour bétonnée. »

A la deuxième visite du maitre composteur, on procède alors à l’inauguration du site. C’est à ce moment-là qu’une formation est menée, et les enseignements dispensés auprès de l’ensemble des parties prenantes.

Enfin lors d’une troisième visite, le maitre composteur s’assure que tout se déroule au mieux, et redonne, si besoin, les bases du mode opératoire.

Et concrètement comment on composte ?

Le compostage partagé, de la même manière qu’on parle de jardin partagé, se fait de la façon suivante : Une installation qui se compose de trois bacs, ayant un rapport direct avec la terre :

L'installation se compose de trois bacs, ayant un rapport direct avec la terre.

L’installation se compose de trois bacs, ayant un rapport direct avec la terre.

  • Un bac pour la matière sèche : autrement dit des branchages broyés, des feuilles sèches, des plantes fanées, de la paille, de la sciure, des copeaux de bois ou encore des coquilles de noix écrasées. C’est cette matière sèche qu’il faut obligatoirement incorporer à chaque apport de déchets alimentaires.
  • Un deuxième bac que l’on nomme le bac d’apport : C’est dans ce bac que vont être ajoutés les restes alimentaires : Toutes les épluchures de fruits et légumes, du marc de café, des sachets de thé, ou encore du gazon frais s’il y a un jardin dans votre immeuble. « Mais surtout en milieu urbain, comme à Paris, on évite les odeurs, alors on exclue viandes, poissons, laitages, et pain.»

Le compost urbain est donc constitué de déchets alimentaires, relativement humides et azotés.

Tout est donc une question de mesure: « On a besoin de créer un équilibre vertueux entre la matière humide et la matière sèche » nous explique Jean-Jacques Fasquel. Cet équilibre vertueux se compose en effet d’un juste mélange entre l’azote et le carbone. C’est dans la matière sèche que l’on va trouver ce carbone, qu’il faudra au fur et à mesure ajouter à la matière organique du bac d’apport.

  • Lorsque le bac d’apport est plein on va le basculer dans le 3e bac qui est le bac de maturation.

Mais pour les immeubles où il n’y a pas de jardin, on fait comment ?

Pas de panique, notre maitre composteur a une solution :

« Il y a deux autres alternatives : du lombricompostage collectif, une énorme poubelle de 600 litres customisée pour la transformer en lombricompost, ou du lombri-compostage individuel qui se fait directement depuis votre cuisine. »

Le lombri-compostage, une technique hors-sol, qui permet de récupérer d’une part du compost mais aussi du jus de compost.

Le lombri-compostage, une technique hors-sol, qui permet de récupérer d’une part du compost mais aussi du jus de compost.

Le lombri-compostage se fait donc dehors ou bien depuis son domicile. C’est une technique hors-sol, qui permet grâce à des bacs en plastique empilés les uns au-dessus des autres de récupérer d’une part du compost mais aussi du jus de compost. « Un jus que vous pourrez alors considérer comme une extraordinaire ressource, à conserver bien précieusement pour redonner vie à vos plantes ou à offrir à vos amis qui ont un jardin ».

Et pour demain alors ?

Que ce soit Paris, Lyon, Nantes, Chambéry, Grenoble Toulouse, ou encore Poitiers, aujourd’hui, la plupart des grandes villes font du compostage. Cette pratique pourrait-elle donc encore évoluer ? Jean-Jacques Fasquel nous répond que oui : « Il faut toujours continuer à faire évoluer les esprits, lutter contre les idées reçues et lever les freins : en somme, le compostage urbain, ça n’est pas un travail harassant, ça ne pue pas et ça nous fait faire des économies ! »

Lever les freins, cela passe par quoi exactement ? Pour notre maitre-composteur, la solution est simple : « Il faudrait un service municipal de mise à disposition de matière sèche ! On a besoin d’un gros volume de broyat. La ville en procure dans les premiers temps, puis ensuite le site doit être autonome. Dans leur accompagnement, les collectivités devraient toutes en livrer. »

Ensuite, on comprend que le but ultime serait de convaincre l’intégralité des villes françaises par la nécessité de mettre en place du compostage urbain sur leur territoire. Une évidence pour l’ancien directeur de Bercy village qui s’est au cours des années, fait une idée précise de la gestion écologique des territoires.

Mais pour cela Jean-Jacques Fasquel,a une idée : « Il faut d’abord aller plus loin en donnant au sens au compostage et en faisant de ce sens une illustration parfaite d’un éco système où les déchets deviennent des ressources. » Une belle idée ancestrale, pour un monde demain

LDV Studio Urbain
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