Le BRS, la solution à tout ?

31 Oct 2024 | Lecture 4 min

Le principe du Bail Réel Solidaire, basé sur la séparation du foncier et du bâti, apparaît comme une solution efficace face à la crise immobilière et à la difficulté des français à accéder à la propriété. Certains professionnels vont aujourd’hui plus loin en voyant dans ce dispositif un moyen de remplir les objectifs écologiques du ZAN (Zéro Artificialisation Nette), de revitaliser les centres anciens ou encore de lutter contre la dégradation des copropriétés le plus fragiles.

Une solution aux difficultés d’accession à la propriété

Depuis sa mise en place en 2014, le Bail Réel Solidaire s’est imposé de manière croissante comme un outil de choix, mobilisé par de nombreux acteurs pour permettre à des ménages modestes d’accéder à la propriété, au sein de zones tendues où les prix de l’immobilier ne cessent d’augmenter. L’idée clé repose sur la dissociation du bâti et du foncier : le ménage n’acquiert que le premier, tandis que le foncier reste la propriété d’un acteur public ou parapublic, l’Organisme de Foncier Solidaire (OFS), auquel le ménage reverse chaque mois une redevance proportionnelle à la taille du logement. Cette dissociation permet de réduire considérablement le coût d’acquisition pour les ménages, avec des baisses pouvant aller de 30 % à 60 % par rapport aux prix du marché.

L’intérêt du BRS est renforcé par la possibilité, pour l’OFS, de contrôler la revente des logements, notamment le prix du bien, empêchant ainsi la spéculation immobilière. Bien qu’il ne permette pas de freiner l’augmentation des prix de l’immobilier, ce dispositif permet d’une part de garantir l’accès à la propriété à des familles aux revenus modestes, mais démontre également qu’il est possible de proposer des alternatives au marché classique du logement.

Le BRS, un outil au service du ZAN ?

Le BRS est un bail d’une durée 18 à 99 ans, prolongeable à chaque mutation. On parle de baux à droits réels, puisqu’il permet au preneur d’exercer des droits bien plus larges qu’un locataire classique. Hors du BRS-logement, d’autres dispositifs existent. Tout d’abord le BAC (Bail à Construction) qui oblige le preneur à construire, réhabiliter ou garder les bâtiments en bon état tout au long de la durée du bail.

L’autre dispositif phare est le BRS-Activité, qui répond en partie à des limites du BAC en étant rechargeable, et en renforçant le soutien (para)public à travers la redevance, comme dans un BRS logement. Aujourd’hui, le dispositif est principalement saisi par des micro-entreprises qui n’ont pas la capacité d’acheter des locaux de manière traditionnelle, mais aussi pour certains types d’activités qui sont menacées par l’évolution du marché et que les pouvoirs publics souhaitent voir maintenus. De fait, le BRS-Activité n’est ouvert qu’à condition d’employer moins de 10 salariés et de générer un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros.

Dans un article récent pour Le Moniteur, l’aménageur EpaMarne-EpaFrance à travers les plumes de Laurent Girometti et Vincent le Rouzic proposent de s’inspirer de ces dispositifs, mais en remplaçant (ou combinant) le critère « social » du BRS/BRS-Activité par des critères environnementaux. Ce « bail réel vert » serait « un bail constitutif de droits réels jusqu’à 99 ans, rechargeable de sa durée initiale, répondant au motif d’intérêt général que constitue la transition écologique. ».

Afin d’y accéder, les entreprises devraient répondre à deux enjeux essentiels : zéro émission nette de carbone et zéro artificialisation nette des sols. Pour les deux professionnels, ce dispositif serait en mesure de contribuer à atteindre ces objectifs environnementaux en restant pro-business. Contrairement au BAC, le caractère rechargeable du BRS Vert permet de partager la valeur du bien entre le preneur et le bailleur, et d’immobiliser l’argent public dans le foncier sur le long terme. De cette manière, l’aide publique ne bénéficierait pas qu’au premier occupant, mais à toutes les entreprises successives. Ce fonctionnement pourrait être ajusté suivant le niveau d’ambitions environnementales en jouant sur la durée des droits réels, ou en accordant des crédits d’impôts incitatifs.

Le BRS, un levier d’amélioration des centres anciens

Différentes évolutions législatives, notamment suite à la loi Elan, ont par ailleurs permis de consacrer de nouveaux montages intéressants via le BRS pour favoriser la réhabilitation des centres anciens, qui souffrent d’une forte dévitalisation après des décennies d’étalement urbain. Ainsi, des bailleurs sociaux peuvent être agréés comme OFS, et vendre une partie de leur parc via un contrat de BRS. Les OFS ayant désormais des compétences vis-à-vis de la réhabilitation et de la rénovation, des travaux sont ainsi réalisés avant la vente, ce qui permet d’entretenir le parc, mais aussi d’attirer des ménages qui n’auraient pas eu les moyens de financer eux-mêmes les travaux.

De plus, recourir à ce type de montage permet de lisser les travaux particulièrement onéreux dans des centres anciens tendus et à la morphologie complexe. Le BRS permet de partager le coût dans le prix de vente des logements et de solvabiliser à long terme via la redevance. Le recours à ce montage ouvre le droit à certains prêts et aides publiques qui permettent de renforcer cette solvabilité.

Centre de Bayonne ©Diananvk via Unsplash

Centre de Bayonne ©Diananvk via Unsplash

Dans le cas d’un îlot de la ville de Bayonne où intervient l’ANRU au titre du Programme de Requalification National des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD), les discussions entre l’Agence et l’Établissement foncier local ont permis de changer le regard de la première qui a construit son approche depuis 20 ans sur la notion de « déficit foncier ». Au contraire, le BRS ne se base pas sur ce principe puisque le foncier reste propriété de l’OFS.

Le BRS à la rescousse des copropriétés dégradées

Un autre cas d’application particulièrement intéressant du montage OFS-BRS est à trouver dans les copropriétés dont la situation se dégrade, comme le soulève Guilhem Puech dans un mémoire consacré à l’étude des différentes mobilisations du BRS. Face aux difficultés croissantes des copropriétés, plusieurs logiques sont mises en place, suivant la gravité de la situation : de la prévention, dans les cas de simple endettement, une logique curative lorsque des travaux plus importants sont nécessaires, et une logique coercitive dans le cas de besoin de travaux très lourds et de fort endettement. Pour autant, le recours aux outils traditionnels n’est pas toujours fructueux : c’est là que le BRS entre une nouvelle fois en scène.

 

Grigny 2, 2ème plus grande copropriété de France ©Olybrius via Wikipedia

Grigny 2, 2ème plus grande copropriété de France ©Olybrius via Wikipedia

Un OFS peut ainsi acheter partiellement ou en totalité les lots de la copropriété, et vendre les droits réels sur le logement aux anciens propriétaires. L’OFS désormais propriétaire du foncier, il peut réaliser les travaux des parties communes suivant le pourcentage de quoteparts qu’il possède, et de réhabilitation des logements vacants sous BRS avant d’en céder les droits à des ménages modestes. Si l’OFS devient propriétaire unique du foncier — dans le cas où tout le monde vend — il dispose d’une liberté d’action pour répondre efficacement aux difficultés de la copropriété. Dans le cas d’une acquisition partielle, cette liberté n’est plus totale, mais l’OFS dispose alors d’un plus ou moins grand nombre de voix, permettant d’infléchir fortement les décisions. De plus, comme pour le cas des centres anciens, le BRS permet également de lisser les coûts de travaux et ainsi d’assainir la situation des copropriétés dégradées.

En quelques années, le BRS est ainsi passé d’un montage expérimental à une solution prisée par de nombreux acteurs de la fabrique urbaine qui démontre chaque année l’incroyable potentiel de cet outil pour répondre à de nombreux enjeux contemporains.

LDV Studio Urbain
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