La nouvelle vie des friches arlésiennes

Les travaux du Parc des Ateliers du campus LUMA, l’un des grands chantiers arlésiens. Crédits : DR
22 Sep 2015

Célèbre pour son patrimoine historique et ses Rencontres photographiques, Arles se métamorphose aujourd’hui à travers plusieurs chantiers, qui visent notamment à convertir des friches industrielles en espaces dédiés à la culture. Le point sur ces travaux avec David Grzyb, en charge pour la ville des grands projets urbains et de l’aménagement du territoire.

Parc des Ateliers du campus LUMA. Crédits : DR

Les travaux du Parc des Ateliers du campus LUMA, l’un des grands chantiers arlésiens. Crédits : DR

L’arlésienne fait toujours parler d’elle sans jamais apparaître aux yeux du public. Le chantier de la tour de 55 mètres dessinée par Frank Gehry pour la ville d’Arles, en revanche, attire tous les regards. Pas étonnant, dans une ville qui fête aujourd’hui ses 2600 ans… Au fil des siècles, Arles s’est forgée une identité singulière, source d’inspiration pour de nombreux artistes et créateurs. Lamartine, Mistral, Van Gogh ou, plus récemment, Hubert Nyssen, Lucien Clergue et Christian Lacroix ont notamment marqué l’histoire de la cité. Frank Gehry vient donc s’ajouter à la prestigieuse liste. « Initialement sceptiques, toujours curieux et intéressés, les Arlésiens constatent que les travaux du Parc des Ateliers avancent », raconte David Grzyb, en charge des grands projets urbains et de l’aménagement du territoire pour la ville.

Nouveau phare

Le Parc des Ateliers, lieu hautement symbolique de l’identité arlésienne, a accueilli durant un siècle et demi des ouvriers spécialisés dans la réparation ferroviaire. La reconversion de ce bâtiment emblématique en espace culturel est donc un pari ambitieux, que tente de relever Maja Hoffmann, l’héritière des laboratoires Roche. Sa famille, qui a toujours eu un lien très fort avec le territoire arlésien, a souhaité installer à cet emplacement « sa » fondation, plus connue sous le nom de « fondation LUMA ». Un projet à plus de 100 millions d’euros pour lequel les Hoffman ont fait appel à la superstar américano-canadienne de l’architecture. Sa mission : concevoir un « nouveau phare dans le paysage urbain arlésien. Il nous appartient, nous municipalité, de mieux faire partager les ambitions que nous poursuivons à travers l’accompagnement d’un tel investissement », ajoute David Grzyb.
En face du Parc des Ateliers, le Ministère de la Culture a confié à Marc Barani la réalisation de la nouvelle École Nationale Supérieure de la Photographie. Un projet qui entretient la tradition arlésienne de grands projets architecturaux. Ces dernières années, des maîtres d’œuvre comme Paul Nelson (centre hospitalier Imbert) ou Henri Ciriani (Musée de l’Arles antique) ont ainsi imprimé leur marque sur la ville. Arles bénéficie en effet d’un patrimoine historique et culturel « que nous envient bien des villes qui se bagarrent à coup de “marketing territorial” », constate David Grzyb. « De la frontière espagnole à la frontière italienne, les villes se standardisent et se banalisent. Nous souhaitons retrouver et encourager une singularité arlésienne à l’image de notre identité culturelle. »

Future tour du Parc des Ateliers. Crédits : DR

La maquette de la future tour du Parc des Ateliers, dessinée par Frank Gehry.
Crédits : DR

Friches industrielles

L’une des spécificités de la transformation en cours de la ville est la réhabilitation de son riche patrimoine ouvrier. Ce processus a démarré en 2005, avec la Grande Halle du Parc des Ateliers : une cathédrale industrielle métamorphosée par les architectes Moatti & Rivière. Il se poursuit aujourd’hui avec le « phare » de Frank Gehry, connu pour avoir conçu le bâtiment de la Fondation Vuitton, niché au cœur du Bois de Boulogne. « Le projet de la fondation LUMA concilie reconquête d’un patrimoine ouvrier et modernité culturelle. La reconquête d’espaces aujourd’hui en friches, tels que les Papeteries Etienne (quartier Trinquetaille), le Champ de tir (pont de Crau), Lustrucru (nord), les Minimes (centre) ou les berges du canal d’Arles à Bouc (sud) constituent autant d’atouts pour concrétiser ce renouveau arlésien. Ces friches, qui sont la résultante d’une histoire industrielle souvent traumatisante, peuvent être le marqueur de ce nouvel élan arlésien », assure David Grzyb.
La signature d’un accord avec la Communauté d’Agglomération a permis de mobiliser, au titre de la clause d’insertion, plusieurs milliers d’heures de travail pour des personnes à la recherche d’un emploi. Et la ville veille à ce que la reconquête des anciens ateliers SNCF, qui depuis leur fermeture au début des années 1980, ont généré beaucoup d’idées et de fantasmes architecturaux, « ne devienne pas un projet hors sol ». Le prochain Parc des Ateliers devra s’intégrer au tissu local, dans une logique de continuité historique, de conciliation entre passé, présent et futur. « Le Parc ne doit pas être un nouveau centre-ville, mais une extension de notre ancien centre. Les liens avec les quartiers voisins doivent être étroits. » La réhabilitation du Parc des Ateliers doit permettre de tisser une certaine continuité urbaine entre les quartiers arlésiens les plus récents et le centre historique. La municipalité entend ainsi constituer, d’ici à 2018, « un cordon ombilical entre la cité historique et le nouveau quartier des Ateliers », de manière à respecter le tissu urbain local.

Nouvelle relation avec le Rhône

La réhabilitation des friches industrielles n’est pas la seule priorité de la ville. Avec 86% du territoire communal situé en zone inondable, Arles est sous la menace permanente d’une inondation potentiellement ravageuse. La crue de décembre 2003, notamment, a marqué la mémoire de la ville. Elle était survenue dans « un contexte urbain vulnérabilisé par l’augmentation et l’expansion des surfaces urbanisées dans les quartiers nord », d’après Emmanuelle Delahaye, agrégée de géographie (Université Lyon II). Pour en finir avec ce risque, la ville a fait d’une « nouvelle relation entre le Rhône et la ville » l’un des axes centraux de son nouveau Plan local d’urbanisme, qui doit être adopté définitivement en 2017. « Le Rhône ne doit plus être considéré comme une menace – même s’il convient de se protéger de ses colères – mais comme un des moteurs du renouveau urbain de la cité », annonce David Grzyb même s’il est encore trop tôt pour connaître les détails de cette nouvelle stratégie.

Usbek & Rica
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