Quelles promesses des villes intelligentes de Google ?

Link, la borne connectée
25 Juil 2018

Sur le moteur de recherche de Google, quelle que soit l’information que vous souhaitez obtenir, un simple clic suffit à avoir accès à un nombre incroyable de données en tout genre qui répondent plus ou moins bien à ce que vous cherchez. À présent, cette offre de recherche Internet ne suffit plus à la multinationale et dans un esprit visionnaire, parmi les nombreuses activités innovantes qu’elle déploie, cette dernière cherche à construire la ville du futur. Nouvelles manières de se déplacer, intelligences artificielles, bases de données incommensurables… c’est un véritable laboratoire de nos cités de demain qui semble être sur le point de se dessiner !

Au vu de toutes les innovations que l’on voit quotidiennement apparaître au cœur de l’urbain, il n’est pas exclu d’imaginer que le développement de ce genre de ville pourra devenir le berceau d’expérimentations révolutionnaires et positives pour les mondes urbains de demain. Mais à l’image du moteur de recherche le plus utilisé des internautes et de sa face cachée le « dark web », ces villes ne seront-elles pas également à l’origine de « dark lieux » à la fois perfides et malfaisants malgré eux ?

illustration de la smart city

À Toronto, Google construit un quartier illustrant la ville de demain ©Illustration Ben Fearnley

Sans cesse, les villes se réinventent

Chaque année, chaque jour, à chaque instant qui passe dans la ville, l’urbain se réinvente. Si de nombreuses inégalités sont encore décelables dans le quotidien de beaucoup de citadins, de nouvelles idées fleurissent par ailleurs aux quatre coins du globe. Petit à petit donc, les villes se dotent de mobilier urbain connecté, de méthodes d’aménagements innovantes et inclusives, les pouvoirs publics locaux essayent à leur manière de mieux intégrer la force des habitants dans leurs processus d’urbanisme… Bref, nos villes se réinventent, plus ou moins rapidement certes, mais avec l’enjeu commun d’un jour pouvoir devenir plus « intelligentes », plus « durables », plus « résilientes ».

Cet enjeu et ces évolutions progressives que l’on observe au sein de nos quartiers font suite aux problématiques non moins quotidiennes auxquelles ils faut répondre : logement, commerce, mobilités, vitalité, identité, qualité de vie… Face à ces besoins, les grandes entreprises comme Google ont compris qu’elles pouvaient intervenir et par la même développer un nouveau marché, celui de l’innovation urbaine ! Dans ce domaine la firme se place comme le maître des solutions numériques qui peuvent être apportées aux villes et ses acteurs divers.

Un aubaine pour nombre de municipalités qui voient dans l’arrivée de ces innovations un moyen de moderniser leur image tout en confiant à Google la tâche de régler des problématiques faces auxquelles elles peuvent être parfois démunies.

 

Les technologies au centre de la ville de demain

photo des bornes connectées LinkNYC

LinkNYC la nouvelle borne connectée remplace les cabines téléphoniques à New-York © Wired.com

On le voit, il s’agit surtout d’innovations technologiques qui permettent de tendre vers cette vision de la ville du futur qui se traduit par l’installation de plus en plus d’outils technologiques et numériques qui s’appuient bien souvent sur le traitement de données diverses. Dans les bâtiments, on mesure et contrôle des paramètres comme la consommation énergétique, la température, on collecte des datas qu’on partage en réseau avec les autres bâtiments du quartier. Dans l’espace public aussi on mesure les polluants, offre un accès à internet, met en place du mobilier urbain connecté. La ville se retrouve truffée de technologies mais est-elle pour autant intelligente ?

Ces données doivent ensuite servir un objectif, celui d’un meilleur fonctionnement urbain, sans quoi la smart city est juste une ville avec beaucoup de capteurs. Pour cela, il faut mettre en place des services qui proposent aux habitants de profiter de ces données, tout en protégeant les leurs. Car cette récolte massive de données peut aussi être détournée, être utilisée à des fins mercantiles pour identifier les comportements d’habitants d’un quartier afin de mieux cibler les offres qui vont les intéresser ou la manière de leur vendre un produit selon leur comportement. La smart city est à deux visages, celle d’une ville plus accessible et adaptable pour ses habitants, mais aussi celle d’une ville où les habitants sont un marché à conquérir.

Nombre des ajouts technologiques dans la ville améliorent ou amélioreront le quotidien des citadins, la gestion des flux sera optimisée, les besoins mieux identifiés. Cependant ces avancées technologiques ne peuvent effacer le passé de la ville. On comble les carences des villes sans toujours pouvoir les effacer, comme si on essayait de réparer une assiette cassée en collant les différents bouts : l’assiette sera quand même fragilisée… L’ajout de technologies dans les villes ne peut résoudre des problématiques ancrées profondément mais peut aider à en comprendre les causes et ensuite à les solutionner.

 

Quand Google se lance dans la ville intelligente

 

C’est la raison pour laquelle Google veut participer à cette construction d’une ville “parfaite” ou du moins apporter sa vision, et cela en partant de zéro. Plutôt que de recoller les “morceaux cassés”, Google achète une page vierge pour inventer de nouvelles bases pour l’urbain, pour dessiner une sorte d’utopie à leur sauce. Avec sa branche d’innovation urbaine Sidewalk Labs, Alphabet (maison mère de Google) ambitionne donc de devenir un acteur fort de l’aménagement des villes, pas forcément en y apportant des gadgets très sophistiqués mais plutôt par l’apport de solutions logistiques, basées sur une analyse poussée des données des habitants. Pour cela la compagnie a recruté en tant que patron, l’ancien adjoint de la mairie de New-York, Daniel L. Doctoroff, connu pour avoir réussi un fort développement économique de la Grosse Pomme dans les années 2000.

Naît en juin 2015, Sidewalk Labs a donc pour objectif de créer à l’aide des nouvelles technologies, une ville à la qualité de vie accrue. La compagnie s’est liée à plusieurs projets aux Etats-Unis et elle conduit des expérimentations dans différentes villes. À l’image  des tubes à essais, il y aura plusieurs tests qui permettront de s’adapter en fonction des meilleurs résultats et des défauts. De plus, elle travaille avec le ministère des transports américain dans le traitement des données pour améliorer la fluidité du trafic et des stationnements. SideWalk Labs a aussi acquis deux entreprises à l’initiative des nouvelles bornes de New-York, LinkNYC. Ces bornes ont pour rôle de remplacer les cabines téléphoniques en proposant une série de services plus actuels : accès Wi-Fi, recharge USB, appel gratuit, applications diverses et navigation internet (bien que ce dernier ait été désactivé suite à des problèmes d’utilisations abusives et déviantes).

Mais plus récemment Sidewalk Labs a lancé un projet d’une toute autre envergure : la construction d’un quartier à Toronto sur une friche portuaire. Du nom de Quayside, le quartier accueillera une série de bâtiments de différentes fonctions (bureaux, logements, transports…). Pour l’instant rien n’existe sur ce territoire proche du CBD (Central Business District) de la ville canadienne, ce qui laisse à Google la possibilité de concevoir un quartier à son image en le bâtissant sur un territoire vierge. Un projet ambitieux qui deviendra surement la vitrine de l’urbanisme façon Google !

 

 

Quel avenir pour les villes des “géants du web” ?

L’expérimentation de ces quartiers laboratoires d’innovation urbaine dans les villes permettra de faire émerger les technologies de demain. Les “géants du web” peuvent apporter ce rôle d’innovateurs par leur puissance car ils possèdent la capacité d’investir dans tous les domaines et de traiter des quantités de données colossales ! Des données qui peuvent d’ailleurs largement dépasser les connaissances des villes puisqu’avec ses nombreuses applications, Google connait surement mieux les habitants de Los Angeles que la municipalité elle-même.

Ainsi, dans certaines villes, notamment aux Etats-Unis, ces acteurs deviennent parfois même plus importants que le pouvoir public. Si bien qu’en juin dernier, le géant Amazon installé à Seattle a pu faire pression avec le groupe Starbucks pour retirer une taxe de la municipalité sur les emplois de grandes entreprises qui devait servir de ressources pour la construction de refuges aux sans-abris votée un mois plus tôt. La firme avait alors menacé de quitter la ville, un argument de poids au vue de l’importance de l’employeur pour la ville puisque plus de 45.000 personnes travaille chez Amazon à Seattle.

Alors avec cette ville construite par Google, dirigeons-nous vers un milieu urbain où l’entreprise va régner en maître ? On peut craindre que cela se traduise à la manière des malls américains et des centres commerciaux européens qui se sont diffusés à la fin du 20ème siècle dans les périphéries des villes et qui créaient leur propre cité idéale privatisée.

Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) atteignent une telle importance sur nos territoires en terme d’emplois et de services aux habitants, qu’ils ont une influence directe sur leur fonctionnement. L’importance des grandes compagnies du web dans les villes croît de plus en plus. Même si elles peuvent apporter des innovations technologiques et des services non négligeables, les municipalités doivent rester vigilantes à ne pas laisser ces groupes prendre le dessus sur la gouvernance des villes. Leur apport reste avant tout dans un besoin de rentabilité, et si ce sont des partenaires majeurs dans la fabrique de la ville de demain, cet objectif de profit n’en fait pas des décideurs responsables.

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

FierDeLaFrance
7 août 2018

Et à quand un tel quartier en France, créé par Google ?

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