Hanoi, Empire de la mobylette (2/2)

31 Oct 2014

Dans le précédent article, nous vous présentions le mode de circulation surprenant de la mobylette à Hanoi. Le développement de ce mode de transport tient principalement à trois raisons : historique, fiscale, et spatiale. Ses conséquences tant sur les habitants que sur l’espace sont stupéfiantes.

Crédits : Clément Pairot

Crédits : Clément Pairot

Les raisons d’un phénomène original

Historiquement, le mode de déplacement de la majeure partie de la population était le vélo. L’adoption de la mobylette s’est opéré brusquement à partir de l’ouverture du pays en 1986. L’importation de ces véhicules depuis le Japon, la Corée ou la Thaïlande a transformé la circulation en quelques années. Après le renversement de la fin des années 1980, le mouvement a continué à prendre de l’ampleur. Ainsi, entre 1995 et 2005, le trafic des cyclomoteurs a été multiplié par six .

Outre cette habitude historique du deux roues, la taxation de la voiture, aujourd’hui encore, à 200 %, permet de limiter son développement.

Enfin, le tracé des rues – et des nombreuses ruelles – est le meilleur argument pour adopter le scooter comme mode de transport. Les petites ruelles enfantées par une urbanisation souvent spontanée tolèrent la moto mais sont un enfer pour les automobilistes.

Les ruelles d'Hanoi tolèrent plus facilement les deux-roues que les voitures. Crédits : Clément Pairot

Les ruelles d’Hanoi tolèrent plus facilement les deux-roues que les voitures. Crédits : Clément Pairot

Cohabitation avec le piéton et optimisation du stationnement

Le mode d’urbanisation de la ville a fortement favorisé le développement de la mobylette, mais celle-ci influence aussi l’organisation de l’espace. Ainsi, elle envahit les endroits qui, sur les trottoirs, ne sont pas déjà occupés par les commerces et les stands de rue. Souvent, il ne reste presque plus de place au piéton pour marcher. Il est donc obligé de descendre sur la chaussée, ce qui est finalement moins dangereux qu’attendu, ce nouvel élément étant parfaitement intégré par les conducteurs : la vigilance et le respect sont réels. Par exemple, vous pouvez traverser un boulevard au pas normal au milieu d’un flux quasi-ininterrompu de mobylettes sans craindre la collision, l’effet banc de poisson joue pleinement son rôle.

Même si les mobylettes occupent une partie du trottoir, cela ne se fait pas toujours de manière anarchique. Dans les rues où les restaurants sont nombreux, un service de « voiturier » est même organisé. On laisse son véhicule, le voiturier inscrit notre numéro sur le tableau de bord avec un feutre spécial, nous laisse le ticket correspondant et s’occupe de le garer. En fin de soirée, les mobylettes, par dizaines, sont parfaitement organisées et chacun récupère la sienne sans encombre. Plus tard encore, après la fermeture des échoppes, les motos disparaissent, rangées à l’intérieur même du magasin ou de la maison.

Un autre impact surprenant concerne les espaces de stationnement privés. La moto nécessitant moins de surface de stationnement, les nouveaux programmes immobiliers de tours qui poussent à la périphérie de la ville se limitent pour certains, malgré leurs 35 étages de logement, à un seul sous-sol de parking ! Ce qui est tout à fait suffisant pour les quelques centaines de mobylettes de la résidence.

Une situation en phase de bouleversement profond

Les embouteillages à 18h. Crédits : Clément Pairot

Les embouteillages à 18h. Crédits : Clément Pairot

Hanoi est aujourd’hui à un moment clé de son évolution. Alors que le simple trafic de mobylettes atteint par endroit le point de saturation à la sortie des bureaux, le Vietnam s’est récemment engagé avec ses partenaires de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) à baisser les taxations sur les voitures. Si la voiture venait à se généraliser, la situation pourrait rapidement devenir cauchemardesque aux heures de pointe, comme c’est le cas ailleurs en Asie du Sud-Est, à Bangkok notamment où la voiture est bien plus présente.

Face à cette perspective peu réjouissante, les bailleurs internationaux, notamment l’AFD, développent actuellement avec la municipalité un réseau de métro. Une adoption massive d’un système de transports en commun nécessitera alors une véritable évolution des mentalités concernant le retour à la marche à pied pour les courtes (et moyennes) distances.

Ainsi, alors que les villes françaises sont engagées dans un vaste mouvement d’élimination de la voiture des cœurs de ville, la situation originale d’Hanoi peut nous amener à ne pas rejeter en bloc tous les véhicules motorisés. En effet, la mobylette à faible vitesse se révèle être un moyen de déplacement bien souvent plus adapté à la ville et agile que ne l’est la voiture. Elle pourrait donc, dans certains situations, proposer une complément intéressant aux transports en commun.

Lire la 1ère partie de l’article : Hanoi, Empire de la mobylette (1/2)

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