La ville lutte-t-elle efficacement contre la solitude ?

"Morning Sun" par Edward Hopper, 1952
20 Nov 2017

Alors que plusieurs études démontrent les effets néfastes de la solitude sur la santé, les grandes métropoles renforcent facilement le sentiment d’isolement et de solitude. Personnes âgées, personnes en situation de handicap, migrants et même jeunes, comment faire face à la solitude ?

"Morning Sun" par Edward Hopper, 1952

« Morning Sun » par Edward Hopper, 1952

Une épidémie silencieuse

« Le mois dernier, les professionnels de la santé ont enfin dit ce que notre campagne s’efforce de faire comprendre depuis une dizaine d’année : la solitude est mauvaise pour la santé. » Tels étaient les premiers mots déclarés par Laura Alcock Ferguson, directrice de la campagne pour mettre fin à la solitude au Royaume-Uni, lors d’une table ronde sur la solitude en ville au Citylab 2017. Cet événement international en marge du sommet des maires C40 réunissait fin octobre à Paris de nombreux acteurs de la ville du monde entier pour partager leurs bonnes pratiques. Aux côtés de l’américain Peter Mangan fondateur du Freebird Club et de l’espagnol Julio Calvo directeur de l’aménagement et de l’innovation de la ville de Barcelone, Laura Alcock Ferguson avait ainsi poursuivi : « Bien plus que l’obésité, la solitude tue. Et c’est un phénomène intergénérationnel en croissance constante dans nos villes ».

En effet, en septembre, une étude publiée par le Royal College of General Practitioners (le principal organisme professionnel anglais des médecins généralistes), les personnes isolées ont 50% de chances en plus de mourir prématurément que celles ayant une vie sociale active. Comparant la solitude à une épidémie, les auteurs ont appelé à ce qu’elle soit attaquée ouvertement en termes de santé publique, comme l’obésité ou la cigarette. Publiée quasiment au même moment, par la Fondation de France et le Crédoc (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie) une étude française estime à 2 millions le nombre de jeunes entre 15 et 30 ans vivant en situation d’isolement social ou de vulnérabilité.

L'homme sur son téléphone

L’homme sur son téléphone (Crédit : James Whitaker/Getty Images)

Le dernier tabou

Il est difficile d’identifier à coup sûr la solitude car c’est une expérience très subjective et personnelle qui reste encore tabou. Si les personnages âgées sont souvent les plus touchées par le phénomène, les jeunes, les migrants, les personnes en situation de handicap en sont également victimes. Dans une formule certes un peu facile mais parlante, Eric Liu modérateur de la table ronde explique que nous sommes tous migrants dans les étapes de transition de notre vie : lorsque nous quittons ou entrons dans un nouveau cercle social. Il faut donc selon lui, être vigilant à ces étapes importantes de la vie.

En effet, la solitude peut être liée à différents facteurs comme le vieillissement, les ruptures familiales, le déracinement, et peut-être accentuée par d’autres, tels que l’absence de proches, les difficultés à communiquer, la pauvreté, la faible mobilité ou les zones urbaines avec un fort renouvellement démographique.

Mais comment trouver ces personnes isolées ? Comment mettre en place des outils permettant de les repérer autrement que chez le médecin ? A Barcelone, une personne sur cinq a plus de 65 ans nous explique Julio Calvo, et c’est par la vieillesse que la municipalité a décidé de combattre la solitude. Elle a mis au point Vincles BCN, un réseau social pour senior animé par des community managers qui dynamisent la vie sociale des personnes âgées. « Notre seul problème est la difficulté à ce que les personnes âgées utilisent ces technologies » ajoute Julio Calvo, « mais il s’agit avant tout d’activer un réseau : un jeune peut tout à fait apprendre à un plus vieux. Et après quelques temps c’est très facile. »

Cette plateforme intègre notamment la possibilité de raconter ses journées et d’identifier quelles personnes ont été rencontrées. De cette manière l’outil crée une cartographie de la vie sociale de l’individu rue par rue et quartier par quartier, afin d’identifier les magasins, les proches, les voisins qui  aideront à détecter les comportements inhabituels et faciliteront l’intégration sociale.

Pour Peter Mangan, fondateur du Freebird Club (un service de Airbnb pour senior), « la solution n’est pas de créer des clubs pour personnes seules et tristes, il faut implémenter de la joie dans l’espace public et penser des espaces de rencontre favorables. » Selon lui les espaces urbains sont conçus par bulles, pour accentuer la solitude et le véritable défi est de réussir à décloisonner ces espaces. Mais pour cela, il n’y a pas de secret : vaincre la solitude est l’affaire de tous, il suffit de toquer chez le voisin.

Nora Durst dans the Leftovers

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Usbek & Rica
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Vos réactions

Marcel Dehem
24 novembre 2017

Rompre la bulle…toquer chez le voisin….Même si le voisin est toqué ?
Je blague ! N’empêche que je vois de plus en plus de gens parler tout seul dans leur oreillette et souvent ils rigolent. Alors !

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