Un bâtiment, combien de vies ?

La fondation Jérôme Seydoux, située dans le XIIIe arrondissement de Paris, conçue par Renzo Piano Building Workshop. Crédits : Michel Denancé
28 Sep 2015

Finie l’architecture jetable ! Place à des bâtiments durables qui s’appuient sur le patrimoine existant. Telle pourrait être le slogan de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? », organisé par la Cité de l’Architecture et du Patrimoine jusqu’au 28 septembre 2015.

La fondation Jérôme Seydoux, située dans le XIIIe arrondissement de Paris, conçue par Renzo Piano Building Workshop. Crédits : Michel Denancé

La fondation Jérôme Seydoux, située dans le XIIIe arrondissement de Paris, conçue par Renzo Piano Building Workshop. Crédits : Michel Denancé

Et si démolir était devenu totalement obsolète ? Dans un monde pressé de faire des économies d’énergie et sommé de recycler et de transformer tout ou presque, la question de la mutabilité des bâtiments préoccupe de plus en plus les professionnels de l’architecture et de l’urbanisme.

Une préoccupation récente

La Gemini Residence à Copenhague, conçue par MVRDV architectes. Crédits : Rob 't Hart

La Gemini Residence à Copenhague, conçue par MVRDV architectes. Crédits : Rob ‘t Hart

L’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? », proposée par la Cité de l’Architecture et du Patrimoine de Paris jusqu’au 28 septembre 2015, propose justement un voyage au pays du recyclage et de la réhabilitation du bâti déjà existant. Elle s’articule autour de huit thèmes : la dimension urbaine, l’évidence patrimoniale, les originaux de référence, l’héritage du béton, les ex-« cathédrales de l’industrie », le recyclage au profit de l’habitat, la « reconquête du banal » et, enfin, l’infrastructure comme source d’architecture. Trois projets illustrés par des maquettes permettent de mieux cerner par l’exemple les enjeux soulevés par chacun de ces thèmes. Par ailleurs, une fresque richement illustrée par des photographies d’époque permet de prendre conscience de la fraîcheur historique du concept de réhabilitation tel qu’il est aujourd’hui théorisé par les acteurs de la ville. En effet, c’est seulement depuis les années 1960 que l’on se préoccupe vraiment de valoriser et transformer les espaces délaissés de la ville et le patrimoine industriel.

À côté des bâtiments emblématiques que sont la Tate Modern à Londres, la Fábrica à Barcelone, le Lingotto à Turin, le Secs Pompeia à São Paulo ou le 798 Art District à Pékin, le visiteur pourra découvrir des sites moins médiatiques (gares, écoles, immeubles). On peut notamment citer en exemple la deuxième vie de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Picardie, à Amiens, dont les murs végétalisés communiquent harmonieusement avec l’hôtel particulier Bouctot-Vagniez.

« Crimes contre l’urbanisme »

Le musée Can Framis à Barcelone, conçu par BAAS Arquitectura . Crédits : Sergio et Fernando Guerra

Le musée Can Framis à Barcelone, conçu par BAAS Arquitectura . Crédits : Sergio et Fernando Guerra

Aujourd’hui, concevoir un bâtiment sans anticiper sa mutabilité apparaît comme une pratique du passé. Les contraintes liées à l’espace et la lutte contre l’étalement urbain incitent les architectes à concevoir des bâtiments ayant le potentiel pour « mener plusieurs vies ». La destruction totale des usines Renault à Billancourt en 2004, ou encore celle de la villa Aghion à Alexandrie en 2014, apparaissent ainsi  à contre-courant du principe de réinvention mis en avant par l’exposition. La disparition pure et simple de friches industrielles ou de bâtiments mythiques est encore considérée aujourd’hui comme des « crimes contre l’urbanisme », qui suscitent même parfois de véritables polémiques, à l’image récemment du Hangar 108, à Rouen. Ce bâtiment, témoin de l’architecture portuaire des XIXè et XXè siècle, a été abattu pour faire place au chantier des futurs locaux de la Métropole Rouen Normandie, dont le coût est estimé à 25 millions d’euros… Pour Jean Braunstein, professeur d’histoire et auteur de 100 clés pour comprendre Rouen, « quelle que soit l’opinion que l’on ait sur la construction du futur siège de la Métropole, le maintien de ces hangars n’était pas incompatible avec ce nouveau bâtiment. On a vu ailleurs des architectes intégrer dans une construction contemporaine des éléments anciens. » Le hangar 108 a finalement été détruit et la première pierre du nouveau chantier a été posée le 6 juillet 2015.

À l’inverse, la mairie de Loos-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais, a misé sur le développement durable et la « troisième révolution industrielle » prônée par le futurologue américain Jeremy Rifkin. La municipalité a notamment fait le choix de sauver de la destruction la « fosse 11/19 », dite « fosse Saint-Pierre », qui accueille désormais un centre économique employant notamment 140 personnes qualifiées.

Ces deux exemples montrent que la question d’une nécessaire métamorphose du patrimoine moderne est plus que jamais d’actualité. Et que l’architecture jetable qui a longtemps été perçue comme un symbole de modernité séduit de moins en moins les professionnels, plus attirés par la perspective de s’appuyer sur l’existant pour donner corps à une architecture durable, plus pragmatique sans jamais être nostalgique.

« Un bâtiment, combien de vies ? », exposition à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, jusqu’au 28 septembre 2015.

Usbek & Rica
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