Sortir les aînés de l’invisibilité 1/2

Il est nécessaire de définir une meilleure place pour les personnes âgées dans la ville.
26 Oct 2017

« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie. » Voilà ce que pourrait proférer la plupart de nos aînés au regard du sort qui leur est réservé dans nos sociétés… Du 2 au 8 octobre dernier s’est tenue La Semaine Bleue, événement national « pour informer et sensibiliser l’opinion sur la contribution des retraités à la vie économique, sociale et culturelle, sur les préoccupations et difficultés rencontrées par les personnes âgées, sur les réalisations et projets des associations ».

Cet événement, bien que de courte durée, a le mérite de soulever annuellement la question du rôle et de la place que jouent les seniors dans nos sociétés, obnubilées par le culte de la jeunesse.

Il est nécessaire de définir une meilleure place pour les personnes âgées dans la ville.

Des poissons volants pour un retour en enfance, le temps d’une pause – Crédits Björn Söderqvist sur Flickr

Nulle intention en revanche de parler ici de crème anti-rides, mais bel et bien d’observer les multiples réalités socio-économiques qui commandent l’un des aspects dominants de l’aménagement de nos villes : celui de l’Homme valide[1]

Le soir de la vie dans le rétroviseur

Consubstantiellement à l’allongement de l’espérance de vie (expliqué par les progrès de la médecine et l’amélioration des conditions de vies), le haut fonctionnaire français Pierre Laroque a l’idée, à l’orée de l’Etat Providence, de mettre en œuvre une distribution des allocations et des pensions par répartition. Le fondateur de la Sécurité sociale impulse de fait la création d’une caisse d’assurance vieillesse. La retraite s’appréhende alors comme un bel automne doré, les bénéficiaires libérés de l’asservissement d’un labeur exténuant… et à rallonge.

Dans la société actuelle, où le profit est roi, les retraités ne sont pas « rentables ». Les turbulences générées par l’essor d’une culture de l’instantanéité, et d’un travail de plus en plus échancré par des périodes d’inactivité, donnent la primauté à la valeur travail… Au détriment de la valeur sociale, laissant choir nos aînés sur le bas-côté de l’humanité. De fait, le rôle structurant des personnes âgées dans les communautés humaines (dépositaires de la mémoire collective, notamment) s’étiole, et personne ne s’affole…

Pourtant, à en croire le célèbre dicton, « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûlee. Il serait souhaitable d’éviter l’autodafé, n’est-ce pas ?

Portrait de famille : qui sont les seniors ?

Loin d’être monolithique, le visage des personnes caractérisant les troisièmes et quatrièmes âges apparaît contrasté sur le territoire français. Les analystes estiment que d’ici 2035, les personnes de plus de 60 ans représenteront 31% de la population française (contre 21% en 2007), et que celles de 75 ans en représenteront 13,6% (8,5% en 2007). Pour tenter de mieux définir le corps social auquel appartiennent les seniors, il est important de rappeler un paramètre déterminant leur mode de vie :

« A l’aube du nouveau millénaire, 30% des plus de 65 ans habitent dans les villes-centres, 25% dans l’espace rural, et 40% en périurbain. Ces données corroborent le fait que « 60% des ménages de plus de 80 ans habitent dans des pavillons, et plus de 70% des ménages âgés de plus de 65 ans sont propriétaires de leur résidence principale. »[2]

Développer la mixité intergénérationnelle est un défi important à relever.

“Tut Tut, c’est la ville intergénérationnelle” – Crédits Marwa Morgan sur Flickr

Cela se traduit par une mobilité résidentielle relativement faible pour les personnes âgées qui souhaitent rester à leur domicile plutôt que d’être placées en maison spécialisée. Cela implique des aménagements nécessaires au sein du logement pour répondre aux besoins inhérents de l’évolution de leur condition physique et psychique.

Dans un second billet, nous observerons plus précisément le rôle de l’aménagement urbain et des politiques publiques dans l’intégration des citadins vieillissants au sein des espaces partagés, publics et privés…

Diane Devau

[1] Michel Kail, « Éditorial. La vieillesse ! Quelle vieillesse ? De l’intérêt du point de vue philosophique  », L’Homme et la société 2012/1 (n° 183-184), p. 5-8. DOI 10.3917/lhs.183.0005

[2] Centre d’analyse stratégique, « Vieillissement et espace urbain. Comment la ville peut-elle accompagner le vieillissement en bonne santé des aînés ? », Questions sociales n°323, février 2013

{pop-up} urbain
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