« Qu’est-ce qu’on attend ? » : chronique d’un village alsacien 100 % écolo

film qu'est ce qu'on attend
22 Fév 2017
« Pour transformer la société, il faut d’abord se transformer et montrer l’exemple. L’exemple ce n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul ! »… En novembre dernier, « Qu’est-ce qu’on attend ? », film-documentaire de Marie-Muriel Robin, sortait dans les salles. La réalisatrice part à la rencontre des habitants d’Ungersheim, pour raconter comment ils programment leur transition énergétique unique au monde. Nous nous sommes intéressés à cette aventure exemplaire pour montrer qu’une autre ville est possible pour vivre mieux ensemble et préserver la planète.

La transition énergétique désigne la phase de transformation des pratiques énergétiques. Il s’agit de passer d’un système essentiellement basé sur la consommation d’énergies fossiles à des sources d’énergie renouvelable. En 2009, Jean-Claude Mensch, le maire du village d’Ungersheim en Alsace, lance un appel à projet démocratique : « 21 actions pour le 21ème siècle ! ». Leur objectif du nouveau siècle est de vivre autrement ! Cela signifie une autre alimentation, une autre production énergétique, un autre habitat, une autre vision du travail et de l’éducation et tout cela à l’échelle d’une commune. Pour les habitants de ce petit village, le 21ème siècle doit être celui d’un mode de vie collectif et durable.

Depuis, le village a réduit de 600 tonnes par an ses émissions de gaz à effet de serre, réduit de 120.000 € les frais de fonctionnement municipaux et créé une centaine d’emplois. Alors, « Qu’est-ce qu’on attend ? ». Pendant deux heures, les habitants d’Ungersheim reviennent, dans ce documentaire, sur leur expérience. Un autre développement est possible ! Ce film, réalisé par Marie-Monique Robin, nous transmet la recette alsacienne pour parvenir au bien-être collectif !

« Bienvenue à Ungersheim ! Notre village est en TRANSITION ! La transition, cela a été la concrétisation de 21 actions qui se déclinent sur trois chapitres essentiels : l’autonomie intellectuelle, énergétique et la souveraineté alimentaire ».

Accéder à l’autonomie intellectuelle !

« Le premier travail de la transition c’est prendre conscience de vos droits, pour être libre dans votre tête. Être libre, ça permet aussi de réfléchir et de penser par soi-même. Si on continue à détruire la planète, nos écosystèmes et ce système que nous connaissons, qui nous permet de vivre, l’humanité va aussi disparaître, et nous on va disparaître aussi. » explique le maire Jean-Claude Mensch aux enfants de l’école communale.

Le premier pilier de la transition à Ungersheim, c’est la démocratie participative, qui se base initialement sur une prise de conscience. La prise de conscience individuelle que notre mode de fonctionnement actuel ne nous convient plus. En pensant par soi-même, on parvient à trouver des solutions. L’autonomie intellectuelle, c’est utiliser son esprit critique face au modèle de développement que nous subissons actuellement.

Pour le « paysan-boulanger » du village, « le premier objectif d’un programme de transition c’est d’inciter les gens à réfléchir et de les rendre conscients qu’il n’y a pas que la fatalité et même si les actualités sont effrayantes, on peut mettre les cartes sur la table et chercher s’il n’y a pas des solutions. Et puis dès qu’on rentre dans cette démarche, eh ben, des solutions on en trouve ! On n’est pas obligé de continuer à courir vers le mur ! »

Parvenir à une transition, c’est donc travailler et apprendre ensemble ! Pour sensibiliser l’ensemble des citoyens à la nécessité de prendre en compte les écosystèmes nécessaires à notre survie, un Atlas communal de la biodiversité a d’abord été élaboré.

Les terres d’Ungersheim se sont développées à travers l’activité minière. Cette activité étant aujourd’hui terminée, le territoire doit tirer parti de cette expérience et sortir des sentiers battus pour avoir une vision d’avenir. L’épuisement de cette ressource énergétique implique un changement de la structure économique, mais annonce aussi le caractère limité de cette ressource ! Cela signifie qu’il faille une transition économique et énergétique ! On parle alors de résilience : la capacité que nous développons pour répondre aux crises.

Face à la crise actuelle et généralisée de notre système, comment devenir plus résilients ensemble ?

L’autonomie alimentaire passe par le retour au local !

« On a pris conscience qu’à Ungersheim, on était entourés d’environ 1000 hectares de terres agricoles. Mais, qui ne servent pas à nous nourrir ! On fait du maïs, d’autres céréales, mais qui sont exportées pour d’autres choses ! Donc on s’est dit, maintenant, on va mobiliser les terres qui sont autour de nous pour faire du maraîchage, et nous nourrir, nous !», poursuit le maire face aux enfants.

Le projet commence par le rachat municipal des friches industrielles des anciennes mines de potasse. 8 hectares sont conservés pour le développement d’une zone maraîchère bio : le Jardin du trèfle rouge. A partir de là, c’est un véritable écosystème durable qui se crée à l’échelle communale.

Le Jardin entre dans une logique de développement local. La culture et l’entretien sont assurés par le chantier de réinsertion. Au moment de la réalisation du documentaire, le jardin accueillait une trentaine d’ouvriers maraîchers.

La filière appelée « de la graine à l’assiette » crée un circuit local d’approvisionnement alimentaire qui induit la redistribution locale de la production. De fait, les enfants mangent 100% bio et local à la cantine et le jardin communal distribue jusqu’à 400 paniers bio par semaine.

L’autonomie alimentaire, c’est aussi éviter le gaspillage ! Pour cela, une conserverie composée de bénévoles, essentiellement des retraitées, s’est créée. Un emploi a été créé par la municipalité pour superviser les bénévoles en cuisine. Ensemble, ils récupèrent les invendables du Jardin, et les transforment en soupes, ratatouilles, coulis de tomates, les mettent en bocaux et le distribuent aux habitants.

L’autonomie alimentaire, ce sont aussi des initiatives comme celles du couple de « paysans-boulangers » d’Ungersheim. Les Mayses produisent leur pain de la graine à l’assiette. Christophe s’occupe de la plantation de blé. Pour favoriser sa culture sans labour, il a décidé de revenir à des espèces locales datant du XIXème siècle au plus tard. Des espèces disparues avec l’arrivée de l’industrie. « Ce sont des plantes qui datent de l’époque où le blé ne rendait ni allergique, ni obèse »

Lili, elle, travaille la farine et le pain. Fière de leur entreprise, elle explique également les bienfaits de leur pain. « Il y a beaucoup de personnes qui sont intolérantes au gluten, et qui venaient d’abord pour prendre du pain pur sarrasin parce qu’ils étaient intolérants au gluten, mais qui prenaient toujours du pain pour le frère ou le mari et qui au fur et à mesure je voyais qu’ils ne prenaient plus de pain au sarrasin et qui me disaient “votre pain je le digère très bien!” et c’est pas anecdotique, c’est très récurrent ! »

La transition c’est aussi l’autonomie énergétique !

L’autonomie énergétique dépend d’une double logique. Celle de consommer moins, couplée à celle de produire mieux.

Pour consommer moins, la municipalité pousse à la réduction des déplacements en pensant local. Dans un premier temps, les circuits-courts engendrés par l’autonomie alimentaire réduisent les déplacements en camion, mais aussi le déplacement des habitants. D’autant plus que Jean-Sébastien Cuisinier, responsable de la régie agricole, assure les livraisons en calèche. Richelieu, le cheval d’Ungersheim, se charge également d’emmener les enfants à l’école !

Depuis le 14 juillet 2013, une monnaie locale, le radis, a été mise en place. Les habitants bénéficient de réduction dans les commerces locaux lorsqu’ils payent en radis. L’objectif est de redynamiser le commerce et l’économie locale, mais aussi de réinstaller une vie communale.

Consommer moins passe également par une meilleure maîtrise de sa consommation domestique. Parmi les 21 projets pour le 21ème siècle, un projet d’éco-hameau a été lancé. Une dizaine de logements éco-participatif sont lancés. On retourne à une logique de structure bois, produite localement. Terre, bois et paille sont les matériaux de base. « En termes d’isolation, on fait trois fois plus de performance avec de la paille ! C’est plus qu’un discours puisque c’est une mesure ! On a la même performance que de polyuréthane, qui est chimiquement catastrophique ! » précise l’architecte de l’éco-hameau, Mathieu Winter.

L’autonomie énergétique c’est surtout ne plus dépendre des énergies fossiles pour la production d’énergie. Dans le projet initial de rachat des friches par la municipalité, une part a été louée à un entrepreneur privé pour l’installation de la plus grande centrale solaire d’Alsace avec 40 000 m2 de capteurs solaires. Celle-ci est capable de répondre à la consommation de 18000 habitants par an, pour une commune qui en compte 22000.

 

Penser local, penser social !

« Pour moi le plus grand symbole de la transition c’est cette confrérie ou cette unité qui a été créée entre une bonne partie des habitants. Une sorte de nouvelle identité, de nouvelle fierté qui n’existait pas avant et qui est maintenant assez rare dans les villages. » témoigne un habitant.

Si la commune effectue des économies, et remplit ses objectifs, le projet de transition apporte des bienfaits supplémentaires : le retour à la vie communautaire !

« Le collectif c’est la base de tout ! Tout seul, on a plein d’idées. Moi j’ai plein d’idées, dans ma tête il y a plein d’idées mais je suis absolument incapable de les mettre en œuvre, je n’ai pas toutes les compétences qu’il faut. » Sourire aux lèvres, un bénévole du jardin communal revendique, « On est ensemble, on travaille et c’est pour la bonne cause de tous ! »

La transition, c’est aussi un projet de mixité sociale et générationnelle. Une des priorités du village en transition, c’est de créer du lien social !

« Notre démarche c’était une démarche qu’au départ on a entrepris seuls. C’était notre transition. La transition de notre entreprise mais la transition de nos vies, la transition de nos chemins et on s’est trouvés par moments très seuls. Donc le fait que la commune d’Ungersheim en fasse son leitmotiv c’était pour nous une opportunité unique d’avoir un train et un moteur comme Jean-Claude Mensch pour porter ce projet. » précise Christophe Mayses.

Pendant deux heures, les habitants d’Ungersheim nous prouvent que la transition est possible. « C’est en marchant que l’on ouvre le chemin, et donc il faut continuer à marcher ! » Une aventure exemplaire qui montre qu’un autre modèle est possible pour vivre mieux et préserver la planète. « Parce qu’on n’a plus le temps d’attendre ! D’ailleurs, qu’est-ce qu’on attend ? »

 

 

 

LDV Studio Urbain
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