Quel avenir pour les grandes surfaces commerciales de périphérie ?

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25 Oct 2022 | Lecture 3 min

Symbole du développement tout voiture de la fin des années 1970, les surfaces commerciales de périphéries sont devenues avec les décennies des espaces obsolètes ne correspondant plus aux enjeux contemporains de la fabrique urbaine. De nombreuses grandes enseignes ont d’ailleurs fait le choix de venir se réimplanter dans les centres urbains comme Ikéa ou encore Décathlon, laissant ainsi de vastes bâtiments et parkings vides de tout usage. Dans une nouvelle dynamique urbaine où la zéro artificialisation nette est d’ordre,  quel avenir pour ces surfaces commerciales vides ? Peut-on imaginer des activités qui viennent leur donner une seconde vie ?

Les périphéries commerciales, un modèle périmé ?

Les années 1970 signent la démocratisation d’un double phénomène : le premier, sociétal, du développement des grandes firmes d’alimentation, de bricolage, de vêtements… lié à une volonté commune d’équiper l’ensemble des ménages, et ce, à des prix accessibles. La deuxième, cette fois-ci dans une logique urbanistique de zoning, signe l’apparition de morceaux de ville dédiés à la consommation. Peu à peu, les logiques commerciales ont largement évolué, transformant peu à peu le modèle de la petite supérette de quartier en retail parks (parcs d’activités commerciales à ciel ouvert). Consommateurs importants de foncier, ces espaces ont été installés en périphérie de ville, favorisant alors l’utilisation de la voiture pour s’y rendre.

En 2020, le Conseil national des centres commerciaux comptabilise sur le territoire 600 retail parks, représentant 7,5 millions de m² de surface construite dédiés à l’implantation de firmes commerciales. Des chiffres importants à contraster avec ceux donnés par JLL, conseil en immobilier d’entreprise et commercial, qui en 2021 révèle que les rétail parks sont touchés par 8 à 10 % de vacance immobilière.

Le retail park ne semble donc plus séduire comme avant les firmes et les consommateurs, mais pourquoi ?

Tout d’abord parce qu’il ne répond plus aux mobilités actuelles. Les retail parks se révèlent souvent inaccessibles aux personnes sans voiture. Loin des transports en commun, ils obligent quiconque qui souhaite s’y rendre à prendre son propre moyen de transport. Deuxièmement, c’est un espace qui ne correspond plus vraiment aux images que les marques souhaitent porter : d’un point de vue esthétique, ce qu’on appelle souvent « boîtes à chaussures” sont aujourd’hui décriés pour leur manque de qualité architecturale. Elles proposent un paysage pauvre, qui souvent en entrée de ville, est à questionner. Ces espaces représentent également un réel problème environnemental : dépendance à la voiture, forte bétonisation des sols, monofonctionnalité, autant d’éléments qui ne sont aujourd’hui plus acceptables. Enfin, la consommation en elle-même a également évolué : la tendance à une consommation plus qualitative et locale, loin du symbole obsolète du retail park.

© Jean-louis Zimmermann sur Flickr

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Conscient que ces espaces souffrent aujourd’hui, le Réseau Commerce, ville & territoire, créé en 2017, a souhaité lancer un appel à projets “Repenser la périphérie commerciale” afin de rapprocher les acteurs de l’aménagement et ceux du commerce. Ce sont 6 territoires qui ont été retenus à travers la France, portés par la Métropole Aix Marseille Provence, Limoges Métropole, la ville de Montigny-lès-Cormeilles, la ville de Saint-Pierre, la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et la communauté de communes Thiers Dore et Montagne. Et après quelques années de travail, des premières solutions sont apparues.

1. Pour une plus grande mixité programmatique

Construits à partir du principe de zoning fonctionnel, les retail parks restent aujourd’hui exclusivement dédiés à la consommation. Une monofonctionnalité qui pose aujourd’hui doublement problème : comme vu précédemment, le taux de vacance immobilière y est important, illustrant l’abandon potentiel à la fois des firmes commerciales mais aussi des clients. Un abandon qui inquiète d’autant plus lorsque l’on voit la surface de foncier que les retail parks utilisent. Des sols artificiels dont il s’agit aujourd’hui de donner de nouvelles fonctions pour pouvoir redonner vie à ces espaces de périphérie. Et une mixité programmatique qui doit être pensée d’un point de vue territorial. Car rendre des parkings constructibles pour y implanter du logement ne garantit pas forcément la construction d’un cadre de vie qualitatif. La mixité programmatique doit être comprise dans une logique d’aménagement globale comprenant des réflexions autour des mobilités, de l’emploi, des loisirs, et de l’environnement.

2. Densifier le modèle de la « boîtes à chaussures”

Symboles de l’architecture des retail parks, les “boîtes à chaussures« , grands bâtiments sans grande qualité architecturale, consomment énormément de foncier. Les immenses parkings qui leur sont associés engendrent également une forte artificialisation des sols. Dans une dynamique de fabrique urbaine qui vise la zéro artificialisation nette pour protéger un maximum les espaces naturels, il s’agit désormais de densifier ces espaces qui sont généralement vides. Pour cela, il faut repenser les formes architecturales dédiées à la consommation, non seulement en les rendant plus mixtes comme vu précédemment, mais aussi dans leur hauteur, pour permettre de densifier un foncier souvent sous exploité.

3. Favoriser un aménagement durable

Comme vu précédemment, les retail parks tel qu’ils ont été conçus il y a une cinquantaine d’années ne répondent plus du tout aux enjeux environnementaux actuels. On y retrouve très peu de végétation et de pleine terre, une forte dépendance à la voiture, ainsi qu’une utilisation prononcée de matériaux polluants dans les constructions. Ils se révèlent être également très consommateurs de foncier. Ces espaces résonnent aujourd’hui dans les imaginaires collectifs comme les symboles d’un aménagement obsolète dont il s’agit aujourd’hui de transformer pour les amener vers l’adoption de pratiques durables.

© DebraMillet sur Getty image

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Des actions sont déjà menées sur la plupart des retail parks français, notamment à travers la reperméabilisation d’importantes dalles de parkings en béton, pour y implanter de nouveaux matériaux qui laissent infiltrer les intempéries, et qui permettent le déploiement d’une végétation jusqu’à présent inexistante. À une échelle territoriale, trop longtemps déconnectés du reste de leur environnement, les retail parks doivent être réinsérés dans une logique d’ensemble et ainsi profiter des avantages urbains que ce soit en termes de transport collectif, de gestion des déchets, de mixité sociale et fonctionnelle…

4. Lutter contre la vacance commerciale

Peu à peu, les grandes enseignes commerciales font le choix de quitter ce modèle d’aménagement qui ne correspond plus à leurs besoins et valeurs. Résultat, des milliers de m² qui se retrouvent vidés de tout usage, et ce, des fois pendant plusieurs années. À Saint-Priest, le collectif The Gentlemen Lifestyle Republic, spécialisé en urbanisme temporaire, a investi en 2021 la friche de l’ancien Ikea de la métropole lyonnaise. En attendant la reconversion du retail park dans lequel elle se situe par le promoteur Ceetrus, le choix a été fait d’implanter temporairement de nouveaux usages dans le lieu qui, pendant de nombreuses années, à accueilli la très connue firme de vente de mobiliers suédoise. Nommé Sofo, comme l’un des quartiers les plus branchés de Stockholm, cet espace temporaire de 4 000 m² a été conçu comme un lieu de convivialité dédié à la gastronomie locale. Restaurateurs et brasseurs lyonnais se sont installés pour proposer des menus et boissons à prix accessibles. Des espaces de jeux, des terrains de pétanque, des tables de ping-pong, des terrains de basket, des filets de badminton ont été installés pour permettre à qui veut de venir de jouir d’un espace équipé. Sans obligation de consommation, Sofo est pensé comme un lieu ouvert à tous, “plus populaire, que bobo”. Après un an d’activité, Sofo a désormais fermé ses portes pour laisser place à l’installation de deux enseignes au sein de ces m² dédiés à la consommation.

Alors que des solutions existent et sont déjà expérimentées sur certains territoires et retail parks, il s’agit de se poser une question essentielle : quel héritage souhaitons-nous laisser pour ces espaces qui détonnent dans la manière dont est aujourd’hui pensée la ville ?

Véritable porte d’entrée sur nos villes, il est désormais temps d’offrir à ces espaces de périphérie une réelle chance de se transformer sur le plan architectural, paysager, ou encore fonctionnel. Plus loin que les questions d’aménagement qu’ils nécessitent, penser à la manière dont leur transformation peut prendre place paraît indispensable : repenser à l’échelle locale, que ce soit en terme de bâti, de fonction et d’acteurs qui les animent doit guider le réaménagement des retail parks qui se révèlent être totalement uniformisés sur le territoire ; inclure la circularité, le réemploi et le recyclage des déchets de constructions qu’ils génèrent ; penser à des usages mixtes pour toutes et tous. Autant de défis à relever pour les prochaines décennies

LDV Studio Urbain
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