PhysitKit : rallier les jeunes de banlieue autour du sport
Selon une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publiée en 2019, 4 adolescents sur 5 ne bougent pas assez. Particulièrement les filles. On y lit que : « Le niveau de sédentarité est plus élevé chez les adolescents de 15 ans et plus et chez les jeunes issus des milieux les moins favorisés. »[1] Le constat de cette carence a stimulé la réflexion d’une étudiante en design de L’École de design Nantes Atlantique. Elle a imaginé un outil pour vitaminer l’exercice physique des adolescents dans les quartiers prioritaires : un concept modulaire qui transforme la ville en terrain de jeu coopératif, créatif et dynamique !
I Une approche basée sur le design actif
Le design actif : une définition
« Le design actif est une approche du développement urbain qui identifie des stratégies reconnues en aménagement du territoire (..) pour favoriser un mode de vie physiquement actif. Imbriquée dans l’approche des environnements favorables aux saines habitudes de vie, cette philosophie de conception vise à aménager et à concevoir l’espace pour faciliter les choix sains.»[2]
Au-delà d’une simple approche d’urbanisme, le design actif permet aujourd’hui de rétablir un lien vivant entre les habitants et leurs espaces de vie. Il fait émerger une nouvelle dynamique basée sur des échanges citoyens face à leurs villes, aux antipodes de comportements passifs quant à l’évolution du territoire.
Le design actif constitue l’épicentre de Physikit, incitant les jeunes à (se) bouger de manière naturelle et spontanée. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Physikit contient un kit à monter de manière collective. Tous ensemble, les jeunes créent un parcours sportif à l’image de leurs envies et ambitions. Ils sélectionnent les éléments constitutifs de la structure qui leur semblent les plus attrayants afin de se remettre au sport.
L’engagement de la designer pour la mixité sociale
« En tant que designer, mon engagement se concentre sur la recherche de solutions pour aider les adolescents et améliorer leur quotidien. Mon sujet est de comprendre le monde qui m’entoure en observant et en écoutant les adolescents des quartiers prioritaires. Il s’agit de contribuer à créer un environnement plus inclusif pour tous » explique Laura Martineau.
En effet, d’après un rapport datant de 2014 :
❝ Les quartiers prioritaires de la ville (QPV) et les territoires ruraux sont les zones possédant le moins d’infrastructures sportives, deux fois moins que sur le reste du territoire. ❞[3]
De même, l’AFP nous informe que :
❝ Le choix est limité aux installations disponibles : une grande majorité du temps ce sont les terrains de
football et de basketball. ❞[4]
Au-delà de la structure dynamique dédiée à l’activité physique, le concept Physikit revitalise les interactions entre les jeunes du quartier en leur offrant 2 fonctionnalités :
- un espace de socialisation ;
- un lieu de co-construction de leur environnement immédiat ;
Physikit renforce leur sentiment d’appartenance à leur quartier : ils se l’approprient tout en vivant une vie plus saine et plus active.
II Le concept Physikit
Conçu par et pour les jeunes
→ C’est un kit permettant aux adolescents du quartier de créer gratuitement leur propre parcours d’activité physique près de chez eux.
→ En agissant de manière collective, ils élaborent ensemble un parcours sportif dans lequel s’imbriquent des prismes, cubes et pavés en bois. Ainsi ils convoquent la créativité, la coopération et un mode de vie actif au cœur de leur quartier, à deux pas de chez eux.
À cette période cruciale de sa vie où l’adolescent se transforme à tous les points de vue (physiquement, émotionnellement et socialement), il gagne à enrichir ses activités quotidiennes, qu’elles soient sociales, créatives ou sportives.
Simulation du projet
Vivant dans la région nantaise, la designer a identifié une zone propice au développement du projet. Selon Vincent Crasnier, Directeur du Département Aménagement et Transport d’Ingérop :
❝ Les quartiers nord de la ville, notamment le Chêne des Anglais sont un peu moins avancés dans les études en termes d’aménagements dédiés à l’activité physique. ❞
Physikit serait donc développé à la maison de quartier La Mano. Diverses activités communautaires et culturelles s’y déroulent habituellement : ateliers artistiques, cours de langues, événements culturels, rencontres intergénérationnelles et activités sportives.
Les apports du projet à la vie de quartier sont multiples :
→ atouts environnementaux avec :
- la réduction de l’empreinte carbone en réduisant la dépendance aux moyens de transport motorisés pour se rendre à des installations sportives éloignées.
- l’utilisation durable des ressources en choisissant le réemploi de matériaux durables et recyclés (bois de récupération).
→ atouts sociaux avec :
- la promotion de l’inclusion et de la diversité en offrant un espace où tous les adolescents, indépendamment de leurs origines, peuvent se joindre à l’initiative.
→ atouts économiques avec :
- la réduction des coûts de santé en encourageant les adolescents à être physiquement actifs. Ainsi, le projet vise à prévenir l’apparition de diverses maladies liées à la sédentarité (obésité, diabète, et maladies cardiovasculaires).
→ atouts techniques avec :
- une innovation en design et architecture rendue possible grâce à la co-création et au design participatif. En effet, le projet encourage l’adoption de solutions innovantes en matière de conception d’espaces.
- la flexibilité et la modularité de la structure : les espaces conçus permettent des adaptations faciles et rapides selon les besoins évolutifs des utilisateurs.
Le design actif touche tous les publics. Il a pour but de trouver des solutions aux problèmes actuels générés par l’habitat en milieu urbain. Par exemple, il pose ici la question : comment proposer un outil à l’usage polyvalent et hybride afin d’attirer différents publics en ville ? Comment inclure tous ceux et celles qui seraient intéressés pour participer au projet ? Car valoriser les compétences des plus vulnérables c’est leur montrer qu’ils peuvent agir de manière autonome et ainsi renforcer leur capacité d’action et leur confiance en soi. Ce projet Physikit, simple d’apparence, révèle de multiples facettes, atouts et richesses humaines, sociales, écologiques et sanitaires. Tout comme le Superkilen à Copenhague, il fait surgir du mobilier urbain créé sur mesure par les habitants et fait exister un nouvel espace de jeux pour se défouler, s’évader, construire ensemble et vivre autrement la vie de quartier.
[1] https://www.bretagne.ars.sante.fr/activite-physique-lars-bretagne-fait-campagne-aupres-des-jeunes
[2] Vivre en Ville, inspiré de Center for active Design, 2013
[3] Impulsion75 https://www.impulsion75.fr/la-place-du-sport-dans-les-quartiers-populaires-1581598033-html/#:~:text=Les%20QPV%20et%20les%20territoires,la%20pratique%20sportive%20en%20Zus%E2%80%9D.
[4] D’après l’agence d’information mondiale (AFP), 2018, La grande “injustice” du sport en banlieue