Noise la Ville : la culture pour une ville plus ouverte, plus festive et plus humaine !
Noise la ville, c’est un regroupement d’étudiants et de jeunes diplômés qui dans une démarche d’ouverture sociale et culturelle souhaite désenclaver la ville et ses cultures par l’organisation d’événements et la tenue d’un magazine participatif, à l’échelle du Grand Paris.
L’association est née à Sciences Po en 2011. Elle fait écho direct aux politiques d’ouverture sociale mises en place par Richard Descoings dans les années 2000 qui visaient à créer diverses voies de discrimination positive pour accueillir notamment les élèves issus de Zones d’Éducation Prioritaire. A travers ces politiques, une certaine forme de mixité sociale et culturelle naît au sein de l’institution. Une partie des élèves issus de cette diversité de cultures et d’origines, peu convaincus par l’offre éducative, culturelle et associative proposée, décide de créer l’association Noise la Ville. Le but est d’initier une réflexion de fond sur les cultures urbaines. L’aventure du collectif démarre en 2011 avec une conférence sur “le hip hop en France, 30 ans de sous-culture ?”.
Aujourd’hui, Noise la Ville, c’est un festival annuel de trois jours, un magazine et des apéros réguliers dans des endroits atypiques de la région parisienne, à la conquête de la ville, des habitants et de la culture. En fonction des lieux, concerts, débats et animations sont organisés permettant ainsi la rencontre et la réflexion autour des actualités urbaines.
Rencontre avec Noise la Ville, pour une ville plus ouverte, plus festive et plus humaine.
Au travers des différentes actions et réalisations que vous menez, quelles valeurs Noise la Ville cherche à véhiculer ?
A travers Noise la Ville, nous défendons certaines valeurs que sont celles de la réflexion, de la convivialité, de la participation et de la diversité. Nous sommes profondément sensibles à la ville, aux gens qui la composent et aux cultures qui s’y créent. Si des différences naissent, des phénomènes discriminants y apparaissent également. Nous cherchons à lutter contre cela.
Pour nous, la ville doit être réenchantée afin que les gens puissent se la réapproprier. D’une certaine manière, la thématique de la ville est pour nous un levier dans la construction d’une société plus humaine.
Aux vues de ces éléments, nous nous sommes donnés comme mission de créer un contexte de rencontre qui corresponde à nos valeurs. Nous voulons lutter contre des phénomènes urbains et sociaux profondément ancrés, difficiles à dépasser. Créer un festival où tout le monde se sente bien, où l’on parvient à inclure des gens de tous horizons, des étudiants comme des actifs, des parisiens comme des banlieusards, des hommes comme des femmes, des jeunes comme des vieux, des blancs comme des noirs, c’est difficile !
Nous concentrons l’ensemble de notre énergie pour que nos événements et notre magazine soient des lieux de partage et d’ouverture. Ce sont des outils mis à disposition du rayonnement de la diversité et de la richesse de la ville. L’objectif étant de faire tomber les préjugés associés aux représentations existantes.
Comment cela se manifeste-il concrètement ?
Tout au long de l’année, nous organisons des apéros. Cette année, par exemple, nous avons été accueillis à l’Ourcq Blanc, dans le 19e. L’Ourcq Blanc est un ancien bâtiment de Pôle Emploi, qui abrite aujourd’hui une résidence d’artistes. Lors de cet apéro, une émission radio, des concerts et performances de danse se déroulaient au rez-de-chaussée pendant que des terrains de foot avaient été organisés au sous-sol.
Grâce à la diversité des supports et des activités que nous proposons, nous parvenons à capter un public large et varié. En les faisant venir à nos apéros, nous leur faisons découvrir un lieu, des artistes et des thématiques.
Tous les ans, nous organisons également notre festival “Le Bruit de la Ville”. Dans ce format événementiel, la médiation avec le quartier passe par notre programmation. Cette année, nous avons posé nos valises à Saint-Denis et à Montreuil. Pour générer la diversité et la rencontre, nous avons invité des musiciens du lycée Bartholdi à Saint-Denis et des rappeurs montreuillois comme Ichon ou Prince Waly.
Au-delà de la programmation, l’inclusion passe par nos tarifs. Choisir de conserver des prix bas, c’est réduire les facteurs d’exclusion. A Saint-Denis, nous avons choisi d’offrir l’entrée aux familles jusqu’à 18h. A Montreuil, nous avons mis en place un tarif préférentiel pour les montreuillois.
De plus en plus, nous cherchons à sortir de Paris pour ne pas tomber dans l’écueil de l’entre soi. En favorisant cette démarche, nous invitons les gens à nous suivre dans une certaine forme d’exploration urbaine. Nous les invitons à découvrir un territoire et les gens qui y habitent. Ce qui constitue déjà un grand pas vers l’autre !
Notre objectif à travers cette démarche d’exploration urbaine, c’est de réussir à nouer un vrai contact avec le lieu et les habitants. Une ambition qui connaît encore des limites. Sur ce point, nous avons nos succès comme nos échecs, mais notre exigence nous pousse à nous toujours améliorer. Enfin, à travers notre magazine en ligne nous mettons en avant des initiatives et des acteurs qui construisent la ville. Nous cherchons également à avoir le plus possible une démarche inclusive, participative et de proximité avec l’idée que chaque regard sur notre quotidien urbain compte.
Pourquoi passer par la culture ?
Nous aimons la musique, les arts et la fête et nous pensons que la culture peut être extrêmement fédératrice. Elle touche nos sentiments, nos émotions. C’est peut-être ce qui lui permet de nous rassembler. Un concert génial ça met tout le monde d’accord. Si c’est au soleil avec un bon petit plat maison c’est encore mieux !
En quoi consiste votre festival ?
Notre festival se déroule sur trois jours. Le premier jour, nous sommes à Sciences Po pour la conférence inaugurale. Le second, nous proposons des activités simultanées dans plusieurs campus universitaires: cette année, on était à Paris 1, Paris 3 et Paris 7. Nous terminons la journée par une soirée de concerts. Enfin, le dernier jour se déroule ce que nous appelons le “midi-minuit”. L’événement démarre à midi et se termine à minuit. Nous mettons en place un village associatif sur un site en dehors de Paris, où nous accueillons des associations, des expositions, des concerts, etc.
Pour assurer le mélange des univers et horizons sociaux, nous invitons des associations et différents acteurs locaux à intervenir. Cette année par exemple, la boxeuse Audrey Chenu animait un atelier non mixte d’initiation à la boxe : seules les filles pouvaient y participer. L’idée était de permettre aux femmes de découvrir ce sport, et de les sensibiliser à la démarche féministe. Pour leur permettre de s’approprier leur corps dans cet exercice, on avait entouré son espace d’entraînement de cellophane opaque. C’est une manière de désinhiber ces femmes du regard des autres.
Le festival, c’est le gros événement fédérateur que nous préparons tout au long de l’année et qui rassemble tous les types d’événements et d’énergies que nous impulsons durant l’année.
Quel est le prochain objectif pour Noise la Ville ?
A la rentrée prochaine, nous allons lancer un nouveau projet relatif au magazine. Nous voulons accompagner ceux qui veulent s’exprimer sur leur ville et les faire participer à une équipe de rédaction. Nous allons donc lancer un appel à contributeurs à ceux qui veulent raconter leur ville, par le texte, la photo, la vidéo ou même l’audio. C’est pour nous une façon de partager notre expérience mais aussi donner de l’autonomie par la formation. Les participants seront accompagnés par un tuteur et formés sur des thématiques précises par nous ou par des professionnels. L’objectif est de favoriser les rencontres, la création de lien social et la valorisation des territoires et des talents
Au travers de notre magazine, nous cherchons à développer une parole locale en donnant l’opportunité aux usagers de la ville de faire entendre leur voix. Noise la Ville, c’est aussi un projet participatif et citoyen. C’est pourquoi nous voulons que la ville puisse se raconter par la voix de ses habitants.
Pour cela, nous voulons interagir avec les utilisateurs de la ligne de RER E, qui va de Haussmann Saint Lazare à Chelles. Tous les mois seront donc organisées des conférences de presse itinérantes le long de cette ligne E. Nous changeons de lieu à chaque fois, avec l’ensemble de nos contributeurs, ce qui nous permettra de découvrir la ville mais aussi d’attiser l’envie d’exploration de tous.
Cette nouvelle dimension de la formation est très importante pour nous, car nous pensons qu’il est important de partager des outils et des armes avec les individus qui composent le territoire, afin qu’ils aient un droit de parole plus conséquent. Ils deviennent aussi les ambassadeurs de leur ville, et de l’image qu’elle renvoie. Ces initiatives permettent de changer de point de vue dans le récit urbain, c’est ce qui en fait un projet citoyen, doté d’une forme d’empowerment.
Vous investissez des espaces urbains atypiques depuis 2011, quelles évolutions urbaines avez vous pu observer ?
Quand Noise la Ville a commencé avec les apéros, il y avait très peu d’initiatives événementielles sur ces espaces en suspens. Aujourd’hui, ces pratiques se sont beaucoup démocratisées. Nous sommes contents de voir que les parisiens traversent plus facilement le périphérique, qu’ils aiment découvrir des lieux alternatifs. Ils sont curieux et veulent que la nuit soit vivante à l’échelle du Grand Paris, c’est essentiel.
Par contre, il y a un revers de la médaille. Certains organisateurs de soirées se sont emparés des friches et des lieux alternatifs pour y appliquer leur modèle financier. Parfois, c’est au détriment de l’écosystème déjà en place. Cela concerne aussi bien les artistes résidents, que les habitants d’un quartier, qui voient débarquer des hordes de clubbers sans se sentir conviés. C’est une manière de faire la fête, certes. Mais il faut être aussi attentifs à ces phénomènes qui pourraient générer de l’exclusion plutôt que de l’inclusion.