Ma voiture est ta voiture

25 Fév 2013

Désormais, et demain plus qu’hier, le véhicule « personnel » s’emprunte, se prête, se pose et se dépose. Au-delà des évolutions technologiques, c’est bien une révolution des pratiques qui modifie nos rapports à l’auto – avec, comme à son âge d’or, le même rêve de liberté. Enquête sur la nouvelle ère de l’auto-partage.

 

Station d'autopartage. DR

Station d’autopartage. DR

Au commencement était une poignée de Coccinelles. Quelques Volkswagen rondouillardes et peintes en vert : voilà la flotte d’une petite entreprise basée à Cambridge (Massachussetts) un brin utopique, qui imaginait, en 2000, que la voiture pourrait se partager, entre inconnus. Treize ans plus tard, en janvier 2013, l’ex-PME, baptisée Zipcar, qui a bien grandi (760 000 membres), trône en numéro un mondial d’un secteur en plein essor. Si bien qu’elle vient d’être rachetée par la multinationale de la location, Avis, pour 500 millions de dollars. Cette histoire n’est pas un succès industriel anecdotique. Elle met en lumière une nouvelle façon de concevoir l’usage de l’automobile, non plus comme un bien exclusif, mais comme un service que l’on utilise quand cela nous chante.

Utilisation facturée à l’usage, places de parking réservées, pas de frais d’entretien ou de contraintes d’assurances : les services d’auto-partage ont, en quelques années, séduit un nombre croissant d’utilisateurs. Une cinquantaine de villes en France propose ce système de « pick and go », par l’intermédiaire de sociétés de plus en plus structurées. En effet, des prêts organisés entre particuliers jusqu’à la coopérative, c’est sous forme souvent « alternative » que s’est développé le recours à l’auto-partage. Une pratique de moins en moins marginale qui devrait, selon le cabinet d’études Xerfi, concerner pas moins de 140 000 personnes à horizon 2015. Dans le cas d’Autolib, à Paris, le succès a balayé les craintes émises lors du chantier d’installation des bornes de location le long des rues de la capitale. Au 1er janvier 2013, ce service de voitures électriques, disponible sur abonnement et bénéficiant de zones de parking réservées comptaient 50 000 abonnés. Autolib devrait atteindre l’équilibre financier dès 2014.

Station Autolib, Paris. DR

Station Autolib, Paris. DR

Vers la « voiture service »

Ces offres suivent l’évolution des attentes et des modes de vie. Il ne s’agit plus de vulgairement récupérer les clefs et de partir à l’aventure. Véhicules de déménagement, gamme variée d’utilitaires, scooters électriques sont aussi proposés. Et, pour coller aux besoins du citadin nomade, les offres se renforcent de la nouvelle béquille numérique de tout bon citoyen-mobile : applications sur-mesure pour suivre en temps réel l’état de la flotte de véhicules disponibles, flux d’informations pour choisir au mieux son mode de transport ou encore offres spéciales viennent enrichir l’offre matérielle par toute une gamme de services dématérialisés, appelés aussi à faire la différence en sein de l’éventail, toujours plus large, des prêteurs.

Et c’est une tendance d’avenir. La clientèle urbaine, souvent jeune, participe ainsi à un glissement de la « voiture patrimoine » vers la « voiture service ». Longtemps symbole d’indépendance, de marqueur d’un certain statut social voire de puissance, la voiture semble désormais attirer plus de tracas que de bénéfices (coût initial élevé, pollution encore non-maîtrisée dans les modèles grand-public, entretien onéreux, solutions de garage relevant du casse-tête…) et laisse de l’espace aux réponses plus économiques. Selon la plupart des études publiées sur le sujet, en-dessous de 3500 km parcourus par an, l’auto-partage est en effet largement plus économique qu’une voiture individuelle.

L’essor de la conso-partage

Au-delà de la praticité de l’offre dans le domaine de l’auto, le partage relève d’une tendance émergente de l’économie de service. Elle sera au cœur de la ville de demain, dans les transports, donc, mais aussi dans bien d’autres domaines d’activités, où la « consommation collaborative » fait sens. Toujours des Etats-Unis déferle ainsi une nouvelle façon de partager l’immobilier. Parti d’un service de location de matelas pneumatiques à San Francisco, alors que toutes les chambres d’hôtels de la ville étaient réservées durant le Salon du design 2007, la start-up « Airbnb », qui met en relation loueurs d’appartements et voyageurs a loué plus de 10 millions de nuitées, dont 5 millions durant le dernier semestre 2012… De l’auto à l’appartement, l’économie du partage bouleverse donc nos rapports à la propriété et redéfinit les termes des échanges. Pourquoi acheter par exemple de couteux et encombrants outils lorsque l’on ne s’en servira qu’à une ou deux occasions, pour quelques minutes au total ? Autant se les faire prêter. Comme pour la voiture. Ce phénomène procède aussi d’une situation de gaspillage que vient combler le marché. Des biens qui « dorment », sont sous-utilisés ou mal rentabilisés, et peuvent bénéficier à des utilisateurs plus ponctuels qui, ne payant qu’à l’usage, les utilisent de façon raisonnée. Ainsi, selon une étude réalisée à l’été 2012 par l’Observatoire Société et consommation, « 83% des Français estiment qu’aujourd’hui l’important c’est de pouvoir utiliser un produit plus que de le posséder ».

En Amérique du Nord, là où Zipcar – passé de la contre-culture au mainstream – a essaimé des centaines de start-up cousines, un adulte sur cinq est inscrit dans un réseau d’auto-partage. Selon plusieurs études, chaque véhicule partagé « remplace » une dizaine de voitures personnelles. Soit, à terme, une fluidification du trafic (et un désengorgement des zones de parking). Surtout, de façon plus large, les effets se reversent aussi sur la façon de se déplacer en général. Ainsi, les participants aux réseaux d’auto-partage ont aussi réduit leur temps de conduite automobile de près de 50%. Le reflexe de « prendre la voiture » pour n’importe quelle course ou visite à trois rues de chez soi peut donc bien se perdre. Usagers polyvalents, ils empruntent plus les transports en commun que lorsqu’ils possédaient leur propre voiture, et privilégient aussi la bicyclette et la marche à pied. Soit un « mix » de mobilité plus varié, et plus écologique. Une mobilité de demain « à la carte », souple et basée sur les besoins de l’instant, accessible en deux clics sur un smartphone « couteau-suisse », et qui recentre l’utilisateur au cœur d’un réseau de partage.

Dernière preuve de la vitalité de la voiture partagée : Google, en plein tests de sa voiture « automatique » sans conducteur, n’imagine pas de lancer directement sur le marché cette « cybercar » tant attendue. C’est sous forme de service personnalisé, de transport vers un hôpital ou de collecte en milieu rural, que pourrait se développer la voiture du futur ; qui sera donc une « voiture partagée ».

Et vous, êtes-vous déjà adeptes de l’auto-partage ?

Liens :

franceautopartage.com
rencontres-autopartage.fr
economist.com
economist.com
carsharing.net

 

Usbek & Rica
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Vos réactions

smart92
27 février 2013

Une autre formule d’autopartage est en test à San Francisco et Los Angeles. Il s’agit de lyft.me: c’est en quelque sorte l’auto stop à l’ère du smartphone. Vous indiquez depuis votre smartphone que vous cherchez un véhicule pour vous déplacer et un conducteur , faisant parti de la communauté lyft.me vous récupère. Le scoring des passagers et des conducteurs permet de garantir la sécurité de tous. A quand ce service en France ?

Stéphane CORDONNIER
4 mars 2013

Oui à l’autopartage…mais…
Le principe est séduisant et il devrait connaitre un bel essor dans les années à venir. Reste à rendre le service fiable, fluide, à l’agrémenter des technologies adaptées pour ne pas être confronté à la déception de la « station pleine » en arrivant à destination.
Il faut également compter sur le civisme et la bonne volonté de chacun pour utiliser ses biens de façon raisonnée car tout principe de bien partagé suppose une attitude responsable de ses utilisateurs pour un fonctionnement durable.
A suivre !

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