Les logements connectés : un désamour des habitants ?

Illustration de l’application pour un logement connecté
10 Oct 2018

Au cours des dernières années, le logement connecté a évolué : d’un concept abstrait, il est passé à une offre concrète de produits et de solutions. Plus écologiques, plus intelligents, les logements connectés semblent être l’avenir. Pourtant, les habitants n’ont pas tous l’air d’accrocher à ce nouveau mode de vie. Logements plus chers et inquiétudes sur la vie privée, l’équipement technologique des espaces privés ne semble pas être une priorité pour beaucoup d’habitants qui éprouvent même une certaine méfiance. Alors l’habitat intelligent va-t-il être délaissé faute de convaincre ou les atouts de la connectivité finiront-t-il par conquérir le cœur de la population ?

Illustration de l’application pour un logement connecté

Illustration de l’application pour un logement connecté. Source : toulouseimmo9.com

Retour sur l’origine des objets connectés

L’internet des objets (IdO), en anglais Internet of Things (IoT) est un synonyme d’objets connectés, terme qui ne fait pas encore partie d’une définition officielle et partagée. Grosso modo, il désigne la connexion (directement, par la wifi, par l’intermédiaire d’un smartphone ou des protocoles d’utilisateurs) des objets à un réseau plus large.

En France, l’introduction d’objets connectés s’est faite assez tardivement par rapport à d’autres pays comme les États-Unis. C’est en 1994, que Rafi Haladjian fonde le premier opérateur internet de France : FranceNet, qui est cédé à British Telecom en 2001. L’entrepreneur français d’origine arménienne et libanaise, fonde ensuite le fournisseur de wifi Ozone, puis, en 2003, la société Violet qui lance dans la même année le premier objet connecté : la lampe DAL. Cette lampe communicante est composée de 9 lumières LED’s qui s’illuminent de différentes couleurs selon les événements liés à la météo, la bourse, la pollution, ou encore l’envoi de messages par mail ou sms.

La lampe DAL,

La lampe DAL. Source : archive.apci-design.fr

Lapins Nabaztag, aujourd’hui connus et vendus sous le nom de Karotz.

Lapins Nabaztag, aujourd’hui connus et vendus sous le nom de Karotz. Source : nabaztag.com

Deux ans plus tard, Violet lance le Nabaztag, un lapin connecté à la wifi qui est capable de lire des mails à haute voix, de diffuser de la musique et de communiquer par des signaux visuels.

C’est ensuite bien plus tard, en 2010, que Rafi Haladjian lance la société Sens.se qui a pour but de développer des objets connectés ainsi qu’une plateforme permettant de collectionner les données quotidiennes. Le projet aboutit en 2014 avec la création de Mother – une sorte d’objet connecté universel tourné vers la domotique.

Les objets connectés se diffusent au fil des années dans différents domaines, et s’emparent peu à peu de celui de l’habitat, jusqu’à l’invention d’un logement entièrement équipé, nommé “logement connecté”.

Un logement connecté, de quoi parle-t-on ?

Un logement connecté est un logement doté d’équipements gérés de façon centralisée et intelligente, parfois pilotés à distance. Certains de ces logements peuvent même connaître les habitudes de l’habitant et s’y adapter.

Ces équipements permettent par exemple d’être alerté en temps réel en cas de fuite (eau, gaz…) et d’incendie, de surveiller son logement à distance, de gérer la consommation d’eau et d’électricité, mais aussi de mesurer la qualité de l’air, d’effectuer des commandes vocales, ou même de gérer l’approvisionnement en courses alimentaires grâce à un réfrigérateur programmé pour équilibrer la température selon les produits qu’il contient et pour envoyer une liste de courses au supermarché.

Cuisine équipée d’objets connectés

Cuisine équipée d’objets connectés. Source : ipf-immo.fr

Pour un quotidien simple et confortable : le succès du logement connecté

L’habitat constitue une unité importante pour les Français qui est associée à l’idée de protection et de sécurité, tel un véritable nid ou cocon où l’on souhaite retrouver une sérénité. Les Français aiment donc passer du temps à la maison, d’où l’importance de l’améliorer ! Selon Promotelec, seulement 15% l’envisagent pourtant comme un espace “high tech et connecté”.

Alors même que trois logements sur dix bénéficient aujourd’hui d’au moins un équipement connecté et que l’on constate une progression de celui-ci dans le bâti neuf où le taux d’équipements connectés s’élève à 54% dans les logements qui ont moins de 5 ans.

À la recherche d’un mode de vie pratique et confortable, les habitants voient dans les objets connectés une manière de faciliter leur quotidien. Selon l’enquête menée par Promotelec, 68% des interrogés pensent que ces objets pourront leur faire gagner du temps et les aideront à mieux organiser leur vie. Cependant, ce ne sont pas les objets considérés comme des gadgets qui sont recherchés, mais davantage des équipements de gestion qui apparaissent dans la liste des éléments domotiques les plus désirés, liés à la sécurité de l’habitat et le pilotage du chauffage. .

En ce sens, le logement connecté facilite le maintien à domicile et semble être une bonne solution pour les personnes âgées, puisqu’il leur permet, grâce à la prise en charge de tâches quotidiennes, de prolonger le temps de vie en autonomie.

Le logement connecté, un choix plus écologique et économique ?

Au-delà de simplifier le quotidien, le logement connecté propose des solutions intelligentes permettant des économies et des comportements plus respectueux de l’environnement. Il peut par exemple analyser les données intérieures et extérieures afin de fournir la température idéale. Ainsi, pour garder les pièces du foyer frais en été, il est capable de fermer par lui-même les stores si l’ensoleillement est trop fort. La poubelle connectée aide à faire le tri, et les appareils s’éteignent automatiquement afin de ne pas gaspiller de l’énergie. Cependant, il faut noter que ces dispositifs sont eux-mêmes consommateurs d’électricité.

Certains projets vont quant à eux plus loin et imaginent tout un immeuble connecté, qui dispose de casiers connectés dans le hall d’entrée pour une réception simple de livraisons et d’achats en ligne. Des chaudières aux ascenseurs, les bailleurs expliquent que l’équipement connecté permet de mieux détecter les dysfonctionnements comme des pannes ou des fuites dans l’immeuble. S’ajoute ces dernières années l’idée d’une conciergerie connectée pour favoriser la création de liens entre les voisins et plus largement des habitants d’un même quartier.

Mais l’aspect financier est ici un frein majeur à la mise en place des équipements, les surcoûts s’élèvent en effet pour les investisseurs souvent entre 3 000 et 5 000 euros par logement.

Une technologie qui échappe aux habitants ?

Si les personnes possédant un objet connecté sont généralement assez satisfaites, les autres y voient surtout des inconvénients et souvent l’acquisition de ces objets reste réservée aux catégories les plus aisées : alors que 35% de ceux qui gagnent plus de 5 000 euros par mois possèdent au moins deux objets connectés, le pourcentage de ceux qui disposent de 3 000 à 5 000 euros par mois est de 23% et celui des personnes qui gagnent moins de 3 000 euros par mois s’élève seulement à 16%.

Mais d’autres facteurs préoccupent les Français quant aux objets connectés. Selon le baromètre de Qualitel-Ipsos, 54% des personnes interrogées craignent que les ondes wifi/électromagnétiques nuisent à leur santé et à celle de leur entourage. Cette peur est notamment exprimée par les membres de foyers où vivent plusieurs enfants.

Au-delà du coût et de la santé, le troisième frein est celui de la crainte de la perte de contrôle des données personnelles. Avec leur introduction dans le logement, les objets connectés pénètrent désormais la sphère intime et chaque interaction accroît la production de données qui risquent être stockées sur internet. Le risque est leur utilisation sans le consentement des usagers et l’impossibilité de faire valoir leurs droits. Une des craintes majeures est donc la réutilisation de ces informations personnelles permettant d’accéder à d’autres comptes des usagers, comme les moyens de paiement ou encore d’être vendues pour une utilisation commerciale.

Le logement connecté, quels enjeux pour le futur des citadins ?

Le logement connecté souhaite donc rendre les actes quotidiens plus simples et plus confortables et propose notamment pour les personnes âgées une véritable solution aux tâches ménagères. En revanche, l’autonomie que peuvent acquérir ces derniers risque se retourner contre eux. En effet, les personnes en mobilité réduite créent souvent leur sociabilité au sein de leur espace domestique, par le contact avec le personnel de soins. Un remplacement de ces personnes bien vivantes par des objets connectés, bien robotisés diminuera considérablement les échanges quotidiens. Ce phénomène pourrait, par ailleurs, toucher une plus grande partie des usagers, notamment les personnes seules.

Par la mise à disposition d’une offre large et très variée de services à domicile, la dépendance de l’autre diminue, et l’anonymat au sein de l’immeuble et de la ville dans une vision plus large pourrait donc s’accentuer, allant à l’encontre de la tendance actuelle des modèles de co-habitation. C’est notamment ce que souligne Carlos Moreno à propos de l’hyper connectivité : “la technologie doit être au service de l’homme. L’hyper-connectivité technologique peut produire de la déconnexion humaine massive, et transformer les hommes en « zombies-geeks » qui sont aussi déconnectés socialement.”

Afin de contrer l’individualisation au sein de l’unité d’habitation, les promoteurs du logement connecté soulignent l’importance de la mise en place d’équipements partagés, qui restent, cependant, à développer.

Entre conception d’un logement qui rend de plus en plus autonome et la mise en place de nouveaux systèmes de partage, la démocratisation du logement déconnecté pose des questions importantes pour l’avenir.

Les Français, contre la technologie au sein de leur logement ?

Aujourd’hui, on ne peut pas parler de smart city ou de smart building sans parler de smart home, donc de logement intelligent ou de logement connecté. En effet, un appartement ne peut pas être lié à la ville s’il n’est pas relié aux parties communes dans lequel il est situé. il est donc nécessaire de rendre ce dernier accessible à chaque citadin qui le souhaite afin de pouvoir continuer l’élaboration d’une ville qui optimiserait les transports, favoriserait l’intermodalité et qui serait plus durable… Ce que nous entendons par ville intelligente.

Mais le chemin pour y parvenir semble en France encore long, car la révolution de la domotique n’est pas pour demain. Si la tendance du logement connecté est en progression, la population reste pourtant très méfiante dans sa mise en œuvre. Les raisons ? Leurs coûts, la crainte de la fuite des données personnelles et celle des habitants de dépendre de technologies complexes et de se retrouver désarmé en cas de dysfonctionnements du système.

Car si les Français, même les plus jeunes, voient l’apport d’une simplification de leur quotidien par les objets connectés, la plupart reste méfiante et ne veut, à l’heure actuelle, pas (encore) davantage de technologie au sein de leur logement. Pour autant celle-ci peut se révéler bien utile, si tant est qu’elle demeure accessible, partageable par le plus grand nombre et utilisé pour le bien commun et non pas seulement dans une visée intelligente certes, mais bien trop individualiste. Car comme le dit Carlos Moreno, “Aujourd’hui, il y a un énorme pari à faire sur l’idée d’hyper-proximité pour reconstruire du lien social dans les quartiers, pour vivre dans des villes métropolitaines avec une échelle humaine et où l’on utilise la technologie comme un outil pour recréer du lien social.”

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

philibert
14 mars 2019

Si les objets connectés recèlent de nombreuses potentialités intéressantes, ils engendrent aussi des risques nouveaux . La fuite de données personnelles et leur exploitation abusive suscite des craintes, mais le développement des objets connectés soulève aussi de nombreuses questions relatives aux facteurs psychologiques d’acceptabilité : crainte d’intrusion dans la vie personnelle et d’atteinte à la vie privée, inquiétude sur la surveillance constante et minutieuse de la présence : http://www.officiel-prevention.com/sante-hygiene-medecine-du-travail-sst/appareils-de-mesure/detail_dossier_CHSCT.php?rub=37&ssrub=152&dossid=576

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