Le quai de métro, laboratoire de la ville du futur?

20 Sep 2013

Le quai de métro fait partie de ces innombrables objets urbains sur lesquels l’innovation ne se penche que trop rarement. Il y aurait pourtant fort à faire dans ces espaces tellement spécifiques, et dans le même temps particulièrement génériques (quelques exemples à travers le monde). Parce qu’ils sont une sorte de rue à l’échelle réduite, les quais de métro se révèlent en effet d’intéressants laboratoires pour inventer l’espace public urbain de demain. Encore faut-il se pencher d’un peu plus près sur ces quais, qui traversent les décennies sans jamais prendre de rides.

Droit d’inventaire

Philly – Market East © thisisbossi / Flickr

Le quai de métro se prête volontiers à l’innovation. Le grand nombre de contraintes qui pèsent sur ces portions de territoire explique cela : espace souterrain et particulièrement restreint, dangerosité des voies, densité de population et variabilité de l’affluence… autant de facteurs qui obligent à trouver des solutions toujours plus créatives.

Pour mieux le comprendre, il apparaît nécessaire de faire l’inventaire de tous les équipements qui parsèment un quai de métro, des plus rigides (compteurs électriques, téléphones de sécurité, panneaux d’informations…) aux plus agiles (distributeurs de boissons, poubelles…), en passant par le mobilier évolutif et potentiellement modulable (bancs et sièges à l’empreinte variable, installations éphémères…). A chacun de ces équipements correspond en effet un problème précis, auquel répond une solution innovante. A l’instar du courant littéraire de l’OuLiPo, la contrainte qui pèse sur les quais devient un “catalyseur d’innovation”, stimulant l’inventivité des techniciens et des autres acteurs qui souhaitent investir les quais.

Signalement en mutation

Prenons l’exemple de la signalétique. A l’heure de l’intermodalité, les quais doivent permettre aux voyageurs de trouver le plus facilement la sortie les amenant aux modes qu’ils souhaitent utiliser. “L’un des problèmes identifiés est qu’il existe de multiples panneaux de sortie qui ne disent pas vraiment où vous allez”, résume ainsi le blog 100 Improvements to the New York subway. Aux traditionnelles correspondances vers les métros, les bus et les trains, s’ajoutent aujourd’hui les correspondances vers les voitures ou vélos en libre service, et demain vers d’autres modes qui restent à inventer. Comment intégrer ces nouvelles informations au sein de quais, déjà saturés de signalétique en tous genres ?

Certains ont par exemple trouvé la parade en misant sur le numérique, avec des applications telles Paris-ci la sortie. Celle-ci conseille aux voyageurs telle ou telle rame de métro en fonction de leurs correspondances ; elle soulève d’ailleurs d’intéressants débats quant à l’absurdité de rationnaliser ces quelques précieuses secondes…

Pour une version plus matérielle, on s’inspirera des autocollants pirates imaginés par le collectif Fabrique Hacktion, qui viennent se greffer en toute légèreté aux panneaux existants lorsque ceux-ci n’indiquent pas telle ou telle information (ici, la direction des plus proches Vélib’). Ces solutions sont imaginées pour le métro, mais elles pourraient très bien s’appliquer à la ville dans son ensemble, qui connaît les mêmes problématiques d’intermodalité et de congestion des signes… mais à une échelle moindre.

Espace public ou espace publicitaire ?

Subway Platform, Brooklyn © Susan Sermoneta / Flickr

D’autres solutions plus communicationnelles viennent soulever un autre sujet propice au débat : celui de l’invasion publicitaire des quais. Qu’il s’agisse de transformer les panneaux d’informations pour indiquer le fast-food le plus proche, ou de remplacer les sièges de la RATP par des canapés plus confortables, voire de réinvestir des stations oubliées pour la sortie d’un blockbuster, les publicitaires ne manquent pas d’ingéniosité pour utiliser les quais à des fins marketing. Et cela pose évidemment des questions sociétales. Jusqu’à quel point peut-on “vendre le temps de transit disponible”, qui plus est dans ces espaces confinés et déjà surpeuplés ?

De même, impossible de ne pas penser à ces supermarchés virtuels, d’abord développés à Séoul puis imités par des dizaines de métro du globe. Ce modèle de vente innovant, qui croise distribution “à l’ancienne” et dématérialisation, mériterait d’ailleurs une chronique à part entière. Sans s’y attarder ici, cet exemple nous permet de poser une nouvelle fois cette épineuse question : le quai du métro doit-il se voir colonisé par la sphère marchande ?

Un territoire à redéfinir

Washington D.C. Subway HDR © Intiaz Rahim / Flickr

De là découle une question plus large, mais tout aussi fondamentale : quelle est la nature d’un quai ? Plus vraiment espace public, mais pas encore espace privé, les définitions s’accordent sur une qualification “d’espace semi-public”. Cette définition, particulièrement floue, occasionne d’étonnantes anecdotes, à l’instar de ce couple new-yorkais arrêté pour avoir dansé le Charleston sur un quai.

L’exemple est extrême, mais résume bien les difficultés qui subsistent dans la gestion de cet espace si particulier. Et cela fait directement écho aux problématiques que connaissent actuellement les rues occidentales, assaillies par des phénomènes de réappropriation / privatisation qui ne cessent de venir chambouler ses définitions.

A l’heure où les transports publics deviennent un impératif pour les villes durables, il apparaît vital de s’interroger sur ces plate-formes qui en disent long sur les besoins de nos vies mobiles. Et de s’en servir pour inventer l’espace public de demain. Cela doit nous interpeller, que l’on soit expert urbain ou non, car nous sommes tous des voyageurs restant à quai un moment dans nos vies.

{pop-up} urbain
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