La ville féminine et queer

   Le bateau Food Hall © Karl HAMON
6 Jan 2022 | Lecture 4 min

« Les femmes sont confrontées à de tels problèmes en ville et en société que le genre doit absolument être intégré dans le processus de planification urbaine. »  (Leavitt,1986) 

Selon une étude de ONU Habitat, les femmes sont soit absentes, soit peu présentes lors des prises de décisions relatives aux villes et à la planification urbaine. Aujourd’hui, dans de nombreux pays, l’espace public dédié aux femmes n’est ni équitable, ni garanti. L’urbanisme est traditionnellement reconnu comme étant une discipline conçue et pilotée par les hommes. Alors, comment aider les femmes et les queers à exiger un accès plus égalitaire à l’espace public ? Comment encourager une démarche plus inclusive en matière d’aménagement urbain ?

La ville du quart d’heure : une vision futuriste…

Namratha Vaidya, étudiante en Master City de L’École de Design Nantes Atlantique, a questionné l’accessibilité de la ville actuelle sur fond de  « ville du quart d’heure ». Mais qu’entend-on par ce concept ?

La ville du quart d’heure est un concept créé par le chercheur et  professeur Carlos Moreno, spécialiste de « la ville intelligente ». L’objectif est que chaque habitant trouve tous les services essentiels à son quotidien à moins de 15 minutes de chez lui. Ce schéma d’aménagement urbain durable offre un lieu où il ferait bon vivre, s’éduquer, se soigner, s’approvisionner, travailler et s’amuser. Dans ce cadre, l’amélioration de la vie quotidienne du citadin irait de pair avec la transformation écologique de la ville. Autrement dit, la cité deviendrait un lieu d’hyper proximité écoresponsable où toutes les infrastructures seraient accessibles à pied ou à vélo.

 

@Paris en commun

@Paris en commun

La variété d’espaces monofonctionnels, situés loin les uns des autres, qui caractérisent aujourd’hui nos villes évoluent en espaces urbains polyfonctionnels et complémentaires.

N’est-ce pas une chance pour configurer radicalement différemment les espaces publics ?

… dessinée sur un autre modèle social 

La transformation des villes vers des modèles de proximité doit être une opportunité vers plus d’inclusion et de diversité sur l’espace public. Sur 350 personnes circulant dans l’espace public parisien, savez-vous combien d’entre elles sont de femmes ? 37. (Women and Cities, Christel Sniter) Et connaissez-vous la part du budget dédié aux équipements publics pour les hommes dans les quartiers prioritaires ? 85 %. (Sylvette Denèfle)

Ces chiffres sont criants en matière d’inégalité homme-femme. Au regard de ceux-ci, la designer Namratha Vaidya a mené des expérimentations dans la ville de Nantes. Elle a réfléchi aux questions suivantes : si nos villes étaient pensées par des femmes ou par des personnes transgenres à quoi ressembleraient-elles ? Comment ces personnes aimeraient-elles se sentir dans un centre urbain façonné sans agenda hétéronormatif ?

Réservé aux femmes et aux personnes queers

L’expérience Réservé a été menée à Malakoff, Commerce et Place Graslin, trois quartiers distincts et emblématiques de Nantes. Des écriteaux ont été apposés sur du mobilier urbain dans l’espace public avec les mentions : réservé aux femmes ou réservé aux personnes queers. L’objectif était d’observer la participation et les réactions du public. Au total, 163 hommes, 101 femmes et 38 enfants ont réagi de manière très variée : surprise, indignation, sarcasme, mépris ou enthousiasme.

L’analyse des données a indiqué que la majorité des gens ne respectaient pas l’injonction inscrite sur l’écriteau. La plupart des personnes ayant réagi ne comprenaient pas la raison de ce dispositif. Enfin, les hommes s’accaparaient physiquement la majeure partie des équipements publics.

Franchement franchement

Conçue sous forme d’expérience très simple « Franchement franchement », amène les gens à converser et à s’interroger sur des questions de type : « une femme, c’est quoi ? » , « que manque-t-il à personne queer dans cette ville ? »

Namratha est allée se positionner dans des points stratégiques de la ville – Place du Commerce et Place Graslin – durant cinq heures. Elle portait, à chaque fois, un panneau comportant l’une de ces questions. 230 personnes ont interagi et 20 ont refusé de participer.

L’analyse des données a indiqué que la majorité des personnes ayant pris l’initiative de participer était des femmes. La plupart des hommes l’interrogeaient sur les raisons d’une telle action. Au vu des réactions individuelles, il semble que l’homophobie reste très répandue et les personnes LGBTQIA+ peu visibles.

Les besoins spécifiques des femmes et des groupes marginalisés requièrent donc une diversité d’usages culturels, spatiaux et sociaux en milieu urbain. Quand et comment seront-ils pris en compte  ? Et à quel moment la ville deviendra-t-elle un endroit fonctionnel et agréable pour tous et toutes ?

La question étant vertigineuse, Namratha propose d’interroger et d’expérimenter des dispositifs sur l’espace urbain pour sensibiliser, attirer de nouveaux publics puis co-construire des aménagements et mobiliers.

A b(i)ento box, scénario d’usage © Namratha Vaidya

A b(i)ento box, scénario d’usage © Namratha Vaidya

Couplé à un dispositif de sensibilisation, A B(i)ento Box permet de travailler sur des prototypes de partage de l’espace public. La grille permet d’expérimenter des configurations de mobiliers en fonction des besoins des utilisateurs et des communautés.

L'École de design Nantes Atlantique
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