La ville du futur sera « marchable »

Photo_Portland-proximités
10 Mar 2014

L’âge de l’automobile et de l’étalement urbain est derrière nous. Les métropoles l’ont bien compris, et mettent tout en oeuvre pour créer de nouvelles proximités. Bienvenue dans l’ère des villes « marchables ».

Petite devinette. Quelle pratique quotidienne, naturelle et pourtant négligée, permet à la fois de décongestionner le trafic, de lutter contre l’obésité et de limiter la pollution atmosphérique ? Réponse : la marche, bien sûr. En ville, il s’agit du moyen de transport le plus sûr, le plus doux et le plus pratique. Encore faut-il que l’espace urbain lui soit favorable. Or, un certain nombre de grandes métropoles ont été façonnées dans le culte de l’automobile et de l’étalement urbain.

La ville de Portland (Oregon) a décidé dès les années 1970 de limiter son expansion urbaine et de développer la place des transports doux. Copyright : Patrick M / Flickr

La ville de Portland (Oregon) a décidé dès les années 1970 de limiter son expansion urbaine et de développer la place des transports doux. Copyright : Patrick M / Flickr

Longtemps privilégié, le modèle de la ville-pieuvre, avec ses résidences pavillonnaires éloignées du centre-ville et ses centres commerciaux accessibles uniquement aux véhicules motorisés, a vécu. Aujourd’hui, les citadins veulent une ville plus accessible, plus palpable, plus vivante. D’où l’enthousiasme suscité, ces derniers mois, par le concept de walkable city. Pour le groupe Chronos, think tank spécialisé dans les mobilités urbaines, « une ville marchable est par définition une ville où il fait bon marcher et où le quotidien se saisit à portée de marche. » Du côté de Lille Métropole, qui s’est fixé comme objectif de faire de la marche à pied le premier mode de déplacement métropolitain à l’horizon 2020, on considère la ville marchable comme
« une ville perméable, offrant des continuités entre ses quartiers tout en diminuant l’impact des coupures urbaines, pour permettre au piéton de parcourir la ville et donc de se
l’approprier ».

L’obésité, une crise de design urbain

Le plus fervent défenseur de cette « ville marchable » s’appelle Jeff Speck. Cet urbaniste américain, auteur en 2012 d’un livre remarqué (Walkable City, how downtown can save America one step at a time) a donné en octobre 2013 une conférence Ted dans laquelle il expose les paradoxes de l’urbanité contemporaine. « L’automobile, autrefois instrument de liberté, est devenue une prothèse cracheuse de gaz, synonyme de perte de temps et de menace pour la vie », affirme Speck, qui voit dans la walkable city la solution à trois écueils majeurs. Le premier, c’est le manque d’attractivité des villes : « La meilleure stratégie économique que vous puissiez avoir en tant que ville n’est plus la manière ancienne d’attirer les entreprises, à savoir créer un pôle biotech ou médical, mais de devenir un endroit où les gens veulent être. » Les nouvelles générations choisissent d’abord leur lieu de vie en fonction de critères de confort et de dynamisme culturel. Il est donc essentiel de concevoir les villes à taille humaine, qui ne nécessitent plus de prendre sa voiture pour aller faire les courses, comme c’est le cas à Orlando ou Phoenix.

Des citadins qui marchent sont aussi des citadins plus susceptibles d’être en bonne santé. À l’heure où, dans le monde, un humain sur trois est en surpoids et un sur dix est obèse, la marche à pied apparaît comme le meilleur moyen de lutter contre la sédentarisation dont souffrent trop de citadins, surtout dans un monde du travail de plus en plus tertiarisé, où le travail physique s’efface progressivement au profit de tâches effectuées derrière un écran. « Je crois que cette crise de santé américaine est une crise de design urbain, et que le remède réside dans le design de nos villes », ose Jeff Speck. Les calculs de l’algorithme de Walk Score lui donnent raison. Ce service numérique créé en 2007, qui calcule le taux de marchabilité des villes, a démontré qu’un Américain a deux fois moins de chances d’être en surpoids s’il vit dans un quartier propice à la marche…

Jeff Speck est également convaincu que la marche à pied constitue le moyen le plus naturel, le plus simple et le plus efficace de lutter contre le réchauffement climatique. Faire poser une toiture solaire ou des toilettes à double chasse d’eau peut toujours être utile. Mais pour limiter son empreinte carbone, la meilleure solution reste encore de se déplacer à pied dès que possible.

Proximité vs. distance

En Europe comme aux États-Unis, un certain nombre de villes ont déjà bien intégré le discours tenu par Speck. Dessiner une ville marchable est devenu un enjeu prioritaire pour satisfaire les nouvelles exigences citoyennes en matière de confort, de vie culturelle ou de respect de l’environnement. Mais pour rendre sa ville marchable, il ne suffit pas de peindre quelques passages piétons supplémentaires. « N’est pas marchable la ville qui veut, car il ne suffit pas de fabriquer des aménagements fonctionnels pour que cela… fonctionne » écrivait en décembre 2011 Sonia Lavandinho, chercheuse à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, dans son rapport Réenchanter la marche, ludifier la ville. Non seulement les citadins doivent marcher, mais il doivent marcher plus souvent et plus longtemps. Pour y parvenir, la chercheuse propose notamment de multiplier les aménagements éphémères de type Paris-Plages, d’aménager des zones de rencontre au cœur de l’espace public et de « créer de nouvelles centralités (…) en faisant le choix de l’urbanité et de la proximité plutôt que celui de la vitesse et de la distance ». Concrètement, il s’agit de repousser les voitures et le stationnement, de limiter les « zones de rupture » (voies ferrées, parkings) et de créer une forte densité de services urbains de proximité.

Une approche mise en pratique avec succès dans une ville comme Portland. Dans les années 1970, la capitale de l’Oregon a entrepris de limiter l’expansion urbaine. Cela s’est traduit par l’aménagement de rues plus étroites et de parcours urbains plus favorables aux cyclistes et aux piétons. Résultat : en moyenne, un habitant de Portland conduit 6,5 km et 11 minutes de moins qu’avant ces travaux. Et nul doute que transformer Portland en petit paradis pour piétons a grandement contribué à en faire aujourd’hui une des villes les plus jeunes, branchées et anti-conformistes de la planète !

Votre ville en fait-elle assez pour favoriser les piétons ?

Lire la suite de l’article : « Tour du monde des villes les plus marchables« 

Usbek & Rica
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Cédric Lavallart
27 mars 2014

Sur le cas de Portland évoqué dans cet article, Paul Lecroart, urbaniste à l’IAU îdF, a réalisé une étude sur la transformation de l’autoroute Harbor Drive en parc urbain linéaire. Cette étude est consultable à cette adresse : http://www.iau-idf.fr/detail/etude/portland-harbor-drive.html

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