Forcity ; construire et développer la ville du futur grâce à une plateforme de modélisation 4D

lyon for city modelisation amenagement urbain
14 Oct 2016

Imaginons qu’à Lyon, sur le Rhône, un nouveau pont venait à être construit. Quelles seront les conséquences sur ses deux rives d’ici 10 ans, ou même 20 ans sur l’ensemble de la ville ? Et si les villes pouvaient plus largement anticiper les conséquences de leur développement urbain sur 10, 20, ou même 50 ans ?

 C’est le défi lancé par la start-up lyonnaise ForCity qui a développé une plateforme interactive, permettant aux villes ainsi qu’à tous les acteurs urbains de prendre de meilleures décisions quant à leurs choix d’aménagement, d’urbanisme, d’énergies, d’infrastructures de transports, etc.

C’est ce qu’on appelle la modélisation 4D. Un univers parallèle et numérique, créé à l’aide de postulats rationnels et de décisions fictives. L’espace-temps y est perceptible et nos décideurs pourraient alors envisager des décisions plus efficientes. Science-fiction urbaine ou simple évolution de la décision urbanistique ? Thomas Lagier, l’un des deux cofondateurs de ForCity, nous en dit plus.

Quelle est l’innovation portée par ForCity ?

Créée en 2014, ForCity fournit un outil d’aide à la décision dédié non pas aux experts ou aux techniciens mais aux décideurs. Facile d’accès, cet outil est aussi systémique, ce qui signifie qu’il prend en compte de manière globale les impacts directs et indirects, d’une décision correspondant à plusieurs champs. Il fournit donc à nos clients la capacité de prendre des décisions selon plusieurs critères… Quel sera le nombre d’emploi créé suite à une décision ? Quel en sera le coût ? Quel en sera l’impact sur le CO2 ? etc. L’impact que nous donnons à nos clients l’occasion d’évaluer est donc multicritères.

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Thomas Lagier, fondateur de ForCity.

Jusqu’à présent, il était impossible de mener de telles réflexions d’anticipations ?

Jusqu’à présent, beaucoup de professionnels pensaient métier. Cela signifie qu’il existe de nombreux logiciels destinés à prendre des décisions dans n’importe quel domaine. Cela peut concerner la question de l’eau, la question de l’énergie, la question de l’urbanisme… Mais il n’existait pas encore d’outils prenant en compte une situation globale, en résumé un outil de type systémique. Notre point de vue, c’est qu’aujourd’hui le territoire évolue constamment et, derrière cette dynamique de territoire, il y a énormément d’impacts sur nombre de décisions et vice versa.

Prenons un exemple concret : aujourd’hui, on créée une nouvelle ligne de transports en commun. Cela pourra créer de l’attractivité sur le territoire qui sera nouvellement desservi. Cette attractivité provoquera elle-même une augmentation des prix de l’immobilier. Plus de monde viendra habiter à cet endroit, ce qui nécessitera d’y développer un certain nombre de services qui n’y sont pas encore présents, etc.

C’est toute cette dynamique urbaine qu’il nous semble important de prendre en compte pour le développement des villes. Il était très difficile d’en rendre compte de manière globale il y a dix ans. Aujourd’hui nous avons de grandes capacités qui nous permettent de partager et de mettre à disposition des informations que nous pouvons utiliser de manière systémique.

Comment se passe concrètement votre apport ?

Les décideurs doivent avoir une vision stratégique sur le territoire qu’ils administrent et sur son avenir. Il peut donc s’agir de collectivités territoriales ou d’autres acteurs des territoires. Prenons l’exemple de la direction régionale d’EDF qui doit décider entres autres des investissements futurs qu’elle devra engager en ce qui concerne le déploiement d’énergie. Ces investissements ne peuvent être décidés qu’en fonction de ce qu’il se passe dans la ville et ce sur un temps assez long…

Imaginons, dans un premier postulat, qu’un grand programme de construction se déploie dans l’est lyonnais. De grands besoins énergétiques seront alors envisagés dans cette zone. EDF devra y répondre.

Imaginons au contraire, dans un deuxième postulat, qu’un grand programme de rénovation urbaine soit prévu sur ce territoire notamment pour doter de nombreux bâtiments d’une meilleure isolation. Alors, dans ce cas, à l’inverse, la consommation d’énergie sera en baisse.

Imaginons enfin, dans un troisième postulat, qu’une campagne soit menée pour travailler sur les comportements de consommation d’énergie. Là encore cette décision va impacter l’activité d’EDF et donc changer la donne sur leurs investissements en termes d’énergie… On se rend compte que l’ensemble des métiers territoriaux qu’on accompagne sont très influencés par des facteurs qui ne font pas partie de leur cœur de métier.

 Et lorsque vous avez des informations exogènes qui influencent votre activité, il est utile de les prendre en compte. C’est ce que l’on propose chez ForCity.

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Crédit ForCity – Ici, la modélisation d’une partie de Lyon-Gerland par ForCity

Pour cela, nous avons développé une plateforme qui nous permet de recomposer d’abord une ville numérique miroir. Tout y est présent, les logements, les infrastructures, les transports… On présente d’ailleurs souvent notre solution comme un « SimCity professionnel », autrement dit, grâce à ce que nous proposons, il est possible de recomposer une ville miroir puis ensuite de tirer différentes trajectoires.

Par exemple, si la population augmente dans la ville que j’administre, que va-t-il se passer dans les dix, vingt prochaines années ? Ces trajectoires que l’on tisse sont des scénarios de territoires. Et, sur la base de ces trajectoires, on regarde quel est l’impact de telle ou telle décision.

Je décide de construire un pont ou de développer une nouvelle ligne de tramway… Il en ressort des conséquences. Ces conséquences impactent directement d’autres décisions futures que je devrai prendre. Par exemple sur les nouveaux investissements en infrastructures (école, commerces, parking…). Ces investissements auront eux-mêmes d’autres conséquences. Prévoir tout cela et le rendre accessible aux décideurs, c’est notre métier.

Par ailleurs, cette plateforme numérique du territoire est mutualisée. C’est un modèle qui assemble toutes les données d’un territoire, afin de lui donner un maximum d’intelligibilité et de pouvoir appréhender le futur. Pour cela, nous collectons les données et les mettons en forme dans un langage unique, appelé « référentiel de territoire », afin que tout le monde aient le même langage. Tous les partenaires et acteurs présents sur la plateforme peuvent ainsi l’agrémenter. Ils ont accès au même fond de données et peuvent aussi partager leurs scénarios dans le but de communiquer aux autres acteurs de la plateforme quelles conséquences auront leurs décisions sur les autres métiers.

En résumé, nous leur permettons de minimiser leurs risques et d’optimiser leurs choix.

A qui offrez- vous ces services ? Et sur quoi les aidez-vous spécifiquement ?

On offre d’abord ces services aux collectivités locales et territoriales. Parmi nos clients, sont présents de grandes collectivités comme la métropole de Lyon ou de plus petites qui avoisinent les 100 000 habitants. Nous travaillons également avec des agences d’urbanisme qui mènent des réflexions sur la dynamique de leur territoire, en ce qui concerne notamment le transport et l’énergie.

L’autre partie de nos clients réunit des acteurs qui travaillent au sein des territoires et dont l’activité dépend de leurs évolutions. Parmi ces acteurs, se trouve notamment le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France. Parmi les nombreuses questions d’anticipation qu’ils se posent, l’arrivée du Grand Paris et la construction de 70 gares ont un impact prépondérant. Nous tentons donc de les accompagner sur ces questions.

On travaille également avec la CCI 93 qui oeuvre notamment sur des plans de déplacements interentreprises. Enfin, nous travaillons avec des opérateurs de services comme Kéolis, Veolia ou EDF.

Comment avez-vous eu l’idée de développer cette technologie ?

J’ai un long parcours dans le monde de l’innovation. J’ai travaillé en tant que chercheur à l’Université puis à l’ADEME, ainsi qu’en recherche innovation chez Veolia Environnement. Mon associé François Grosse a occupé plusieurs fonctions à  la Direction générale de Veolia Environnement.

Nous ne venons pas du monde de l’informatique et nous n’avons découvert ses magnifiques potentialités qu’en cours de carrière. Nous venons, par contre, du monde des services et plus précisément des services aux collectivités. Nous avons donc perçu de près les enjeux ainsi que les besoins dans ce domaine. On s’est aperçu de toutes les potentialités que pouvaient générer de grands partenariats tels que ceux développés par Veolia Environnement avec IBM notamment. On s’est également rendu compte que ce type d’acteurs avait énormément de mal à se parler. Il était donc très difficile de se comprendre et de créer de la valeur.

C’est là que nous avons su qu’il y avait de la place pour un tiers acteur dont le métier serait de modéliser, mais qui comprendrait vraiment les enjeux des villes et des opérateurs urbains en partant du besoin. Nous étions persuadés qu’il y avait un besoin fort, comme nous l’avaient exprimé maintes fois ceux qui sont aujourd’hui nos clients.

Peut-on dire que vous dépoussiérez totalement le métier de géographe ?

La façon dont on fait de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire est complètement revisitée avec les potentialités du numérique. Et, en effet, j’ai vraiment le sentiment que nous sommes des acteurs qui incarnent ce renouveau, notamment dans la façon de décider ce que sera demain le territoire.

 La première génération d’outils nous a aidés à manipuler de la donnée, à utiliser de la géo-data, la traiter, etc. Nous avons vu le formidable développement des systèmes d’information géographique (SIG) dans les années 90. Aujourd’hui, nous sommes dans un nouveau type et une nouvelle génération d’approches.

Crédits photo : ForCity

Crédits photo : ForCity

Demain, les urbanistes devront-ils aussi utiliser ce type d’outils ?

Il y a une certaine peur d’une techno-hégémonie. Mais, en regardant clairement ce qu’il se passe, les progrès sont énormes. Beaucoup de choses deviennent intuitives et nos clients se servent eux-mêmes de notre outil. Mais cela reste avant tout un outil. Il n’y a pas d’approche technocratique, bien au contraire. Grâce à notre outil, nous remettons le décideur au centre de la décision, en lui donnant la possibilité de mesurer efficacement l’ensemble de ses décisions. Nous re-démocratisons ainsi la décision…

La prochaine étape après les élus, c’est le grand public pour mieux les renseigner sur leur territoire ?

Oui, on peut dire qu’il y a une nouvelle étape avec le grand public. Les villes et les territoires urbains sont éminemment systémiques. Il n’y a rien de simple dans leur gestion et il n’existe pas de solutions simples face à un problème complexe. Quand on entend dire qu’il suffit de faire de la circulation alternée pour faire baisser la pollution atmosphérique, je trouve cela complètement absurde. Il est indispensable d’avoir une vue beaucoup plus globale.

Un outil comme ForCity, appliqué à la qualité de l’air, pourrait apporter énormément aux décisions qui y sont liées. Ce sont des dizaines de petites mesures simples, appliquées par autant d’acteurs qui pourraient donner une nouvelle trajectoire plus positive pour ce sujet. Il n’y a pas qu’une cause, ou un unique levier pour influer sur la qualité de l’air. Avec le problème de la pollution urbaine, nous sommes face à un sujet très systémique qui touche de multiples acteurs (le monde du chauffage urbain, du transport, de l’industrie, du développement économique, les évolutions des comportements individuels…) et, aujourd’hui, très peu d’outils permettent, sur des problématiques transverses et aussi importantes que la pollution, d’avoir une approche intégrée. Notre rôle est donc d’éclairer ces décisions en les rendant plus rationnelles.

Si on prend un peu plus de hauteur, quelles informations cela vous donne-t-il sur l’évolution de nos villes dans le futur et sur la façon dont il faudrait gérer les grands bouleversements auxquels nos métropoles seront confrontées dans les prochaines années ?

Je suis absolument persuadé qu’il existe des solutions efficientes pour rendre nos villes plus durables. Nous avons de nombreuses technologies assez incroyables. Mais en ce qui concerne l’assemblage de toutes ces capacités, pour adopter une vision globale et développer une prise en compte intégrée, nous devrons nous améliorer. Pour prendre un exemple, dans la collecte des déchets, tous les procédés existent : camions électriques, bennes, points d’apports volontaires, bennes enterrées, capteurs sur les bennes… Par contre, si l’on prend un peu de recul pour observer la collecte des déchets dans son ensemble, on remarque que de nombreuses lois se sont empilées, auxquelles s’ajoutent de nombreuses contraintes, de nombreux éco-organismes….

Au final, avec tous ces dispositifs et cette multiplication d’acteurs, le système coûte cher et est relativement peu efficient.

Pour résoudre les problèmes que pose le développement urbain futur, je crois qu’il est vraiment nécessaire d’adopter des approches intégrées et systémiques et de renforcer celles qui existent déjà. Il ne s’agit pas forcément de révolutionner les process, mais de regarder l’ensemble avec une vision cohérente afin de trouver des solutions pas beaucoup plus chères mais issues de cette vision globale. La pensée systémique a énormément de valeur.

Au début du siècle dernier, les voitures étaient constituées de différents éléments fabriqués séparément. Ces éléments n’étaient donc pas développés d’après une vision cohérente et soucieuse des performances de l’ensemble. Avec l’avènement des outils numériques dans les années 90, nous pensons dorénavant la voiture de manière complètement intégrée et globale. On arrive alors à des performances inédites.

En résumé, le fait de penser global, intégré et systématique avec des outils numériques nous permet d’obtenir des gains astronomiques sur de nombreux critères. Il y a un chemin prometteur sur le « penser global-penser cohérent-penser intégré-penser systémique ». De vrais leviers d’actions existent.

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

Garès Alain
16 octobre 2016

L’article dit tout sauf l’essentiel : sur quel(s) modèle(s) de développement urbain cet outil est il basé ? SimCity, c’était le modèle de Forrester : simpliste, mais assez efficace. Et celui ci ? S’il n’y en a aucun, c’est juste une plate forme de discussion. Pas inutile, mais ce n’est pas une grande avancée. S’il y en a un ou un ensemble de modèles, ça devient beaucoup plus intéressant et ça légitime vraiment la démarche, mais il faut l’expliquer.

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