Et si on avait mal compris l’utilisation du biomimétisme en architecture ?

25 Déc 2023 | Lecture 3 min

Il y a des siècles, Léonard de Vinci avançait déjà : “apprenez de la nature, c’est là que se trouve votre futur”. Bien que cet adage ne soit pas le seul déclencheur, il a largement inspiré un domaine de recherche contemporain passionnant : le biomimétisme.

Face aux défis cruciaux induits par une croissance démographique exponentielle, nos sociétés se heurtent à une série de problématiques majeures : de la raréfaction des ressources alimentaires à la dégradation accélérée des écosystèmes naturels et à l’empreinte carbone grandissante. Ces enjeux, amplifiés par l’urbanisation massive, appellent à des solutions innovantes. L’architecture biomimétique se présente alors comme un précieux allié. Du grec bios (la vie) et mimesis (imitation), le biomimétisme consiste à s’inspirer de la nature pour créer et innover. Pour les architectes, il s’agit de tirer des leçons des formes, des mécanismes et des processus naturels afin de concevoir des bâtiments plus durables, plus efficaces sur le plan énergétique et en harmonie avec l’environnement. Il s’impose ainsi comme un domaine novateur et porteur de promesses pour l’architecture moderne. Cependant, il est crucial de remettre en question notre compréhension actuelle, car trop souvent, le biomimétisme architectural se limite à une esthétique inspirée de la nature, laissant en suspens la véritable intégration des mécanismes naturels.

Ressembler à la nature ne suffit pas

L’architecture biomimétique, en tant que discipline novatrice, trouve son inspiration dans les mécanismes et comportements observés dans le règne animal et végétal. Elle ne se limite plus à une simple esthétique naturelle, mais vise à imiter les stratégies efficaces et les structures intelligentes de la nature. Par exemple, la Tour Eastgate à Harare, au Zimbabwe, s’est inspirée des mécanismes de régulation thermique des termitières pour concevoir un bâtiment capable de réguler sa température intérieure de manière efficace, réduisant ainsi sa consommation énergétique de manière significative.

Cependant, malgré cette ambition, le véritable mimétisme des comportements et mécanismes des animaux et végétaux reste relativement rare dans l’architecture contemporaine. Cette situation se reflète dans des réalisations notables. Par exemple, l’Opéra de Harbin en Chine, conçu pour évoquer un immense bloc de glace, s’inspire de l’environnement hivernal régional. Toutefois, son importante consommation énergétique, due à un éclairage massif et un chauffage nécessaire, contredit l’objectif initial d’harmonie avec la nature. De même, le Metropol Parasol à Séville, avec sa structure en forme de champignons et ses alvéoles, se concentre principalement sur des considérations esthétiques. Son rôle principal se limite à fournir de l’ombre aux visiteurs de la place en dessous.

Ces exemples soulignent l’importance de s’éloigner du greenwashing appliqué au biomimétisme. Bien que ces réalisations n’aient pas forcément été accusées de greenwashing, elles mettent en lumière les risques potentiels associés à cette pratique, qui consiste à donner une image faussement écologique à des projets.

Un secteur en vogue en France

Le secteur du biomimétisme architectural, bien qu’en évolution, révèle donc actuellement certaines limites. Toutefois, en dépit de ces obstacles, il représente une méthode et un concept architectural prometteur qui pourrait grandement contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique s’il est correctement appliqué. En France de nombreux experts et institutions s’investissent dans ce domaine, offrant des idées novatrices et porteuses d’espoir en ayant un impact positif sur la planète, nos sociétés et nos environnements urbains.

La ville de Senlis (Hauts-de-France) a lancé un programme de développement, afin de porter l’élan du biomimétisme en France et en Europe. Installé sur le site d’une ancienne caserne militaire, le Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis (CEEBIOS) a pour mission de favoriser la progression du biomimétisme en menant diverses actions de sensibilisation, de recherche, de formation et de mise en relation des acteurs de différents domaines. Depuis l’étude pionnière ministérielle « Étude de la contribution du biomimétisme pour une économie verte en France » en 2012, le Ministère de la transition écologique et solidaire promeut aussi la démarche biomimétique en R&D sous diverses formes : colloques scientifiques, manifestations grand public, valorisation des travaux de doctorat, concours financier etc.

Au sein de l’architecture biomimétique, si les bâtiments adoptant cette approche sont encore peu nombreux en France, des projets très prometteurs émergent. L’un d’entre eux, baptisé “Alguesens”, se distingue dans le 13ème arrondissement de Paris par sa conception ingénieuse. Composé de trois immeubles, ce projet comprend l’Algo House, caractérisée par une façade accueillant une culture verticale de microalgues, sur son versant le plus exposé au soleil. Cette biofaçade, agissant comme une double peau, assure à la fois la régulation thermique du bâtiment et la dépollution de l’air en captant le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère, essentiel à la croissance des algues. Cette synergie entre le bâtiment et la biofaçade les rend interdépendants : tandis que les algues nécessitent la chaleur émise par la structure pour se développer, l’Algo House tire avantage de cette biofaçade pour maintenir une régulation thermique optimale.

Au-delà des progrès et des innovations actuelles en matière de biomimétisme, des voix éclairées, comme celle du consultant Emmanuel Delannoy, soulignent la nécessité d’une vision plus ambitieuse. Pour lui, la conception de véritables villes biomimétiques, modélisées sur les mécanismes naturels représente l’ultime objectif. Cela exige un changement de mentalité fondamental : envisager la ville comme un écosystème à part entière, et non une juxtaposition artificielle. Une invitation à repenser notre modèle urbain, à le remodeler selon les lois et les enseignements de la nature.

LDV Studio Urbain
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