Entre conception et usages : la transition de nos équipements sportifs

22 Nov 2023 | Lecture 3 min

Avec le risque de doublement de la fréquence des canicules d’ici 2050, la pratique sportive devrait être déconseillée entre 24 et 66 jours supplémentaires par an, estime le rapport du WWF France 3 paru en 2021. De nombreux sports, notamment en extérieur, pourraient donc devenir difficilement praticables en saison estivale.

Cette situation survient à un moment où l’importance de l’activité physique et sportive n’a jamais été autant soulignée, pour le bien-être et la santé des populations, dans un contexte où nos sociétés sont de plus en plus sédentaires. D’un autre côté, le sport, comme toute activité humaine, est aussi interrogé sur sa capacité à réduire son impact sur l’environnement et le climat. Il est donc pressant de revoir en profondeur nos équipements sportifs, de leur conception à leurs usages. Cela permettra de garantir la pérennité de la pratique sportive, qui revêt une importance capitale pour la santé, physique et mentale. Découvrons les enjeux spécifiques aux infrastructures sportives et ce à quoi elles pourraient ressembler demain.

Faire évoluer nos équipements sportifs obsolètes

À moins d’un an du lancement des Jeux olympiques de Paris 2024, l’Institut régional du sport (IRDS) d’Ile-de-France a ouvert un dossier invitant à repenser notre manière de concevoir les équipements sportifs. Le constat est sans équivoque, en Ile-de-France comme ailleurs : les équipements sportifs sont particulièrement consommateurs d’espace (stade, gymnase, aréna etc.) ou d’énergie (piscine, patinoire etc.). Ils sont en effet le deuxième poste de consommation d’énergie des communes, derrière les écoles, représentant respectivement de 24% à 28% des consommations d’énergie selon la taille de la commune. Pour les intercommunalités, la prise en charge des équipements sportifs représente plus de la moitié (53%) de leur consommation d’énergie (39% pour les seules piscines).

Piscine Tournesol rénovée à Sens (89), TENA Architectes

Piscine Tournesol rénovée à Sens (89), TENA Architectes

Le rapport met également en lumière l’impératif de faire évoluer nos équipements sportifs en raison de leur obsolescence. En effet, pas moins de 4 000 gymnases, 1 500 piscines et 8 000 terrains ont été construits en France entre 1958 et 1975, dans le cadre de trois lois de programme d’équipements sportifs et socio-éducatifs, et deviennent progressivement inutilisables. Les fameuses piscines Tournesol, issues de l’opération gouvernementale “Mille piscines” à la fin des années 70, sont particulièrement concernées par cette vétusté. Elles subissent une détérioration précoce, en particulier en raison des matériaux plastiques utilisés, notamment pour les coupoles qui vieillissent prématurément, surtout en subissant la hausse des températures. Certaines municipalités ont déjà entamé leur démontage depuis quelques années, tandis que d’autres ont envisagé des projets de rénovation, comme c’est le cas à Trélazé en Maine-et-Loire ou à Achicourt près d’Arras. Enfin, certaines ont changé d’usage, devenant par exemple des sites d’urbex (exploration urbaine en anglais), permettant ainsi aux citoyens de se réapproprier ces structures standardisées par l’Etat.

Considérer les usages pour faire dialoguer enjeux environnementaux et demande sociale

 La question des usages des équipements sportifs prend aujourd’hui une place centrale dans la réflexion sur leur transition, comme le souligne le rapport de l’IRDS. Selon Gérard Baslé et Claire Peuvergne dans un des cahiers de l’Institut Paris Région, réduire l’impact environnemental de ces installations ne se limite pas à des solutions techniques, mais implique également une réflexion sur leur pertinence sociale et leur capacité à évoluer en fonction du renouvellement des usages. Il devient crucial d’interroger les usages et les besoins des usagers dès la phase de conception et de programmation des espaces. Il est d’ailleurs significatif de remarquer que les pratiques sportives ont considérablement évolué en réponse aux changements de modes de vie, avec une demande croissante de flexibilité dans les modalités de pratique (horaires, lieux etc.) et une plus grande diversité des publics, que ce soit en termes d’âge, de genre, ou en cherchant à atteindre des personnes peu ou pas sportives.

C’est notamment ce dont a tenu compte le Ørestad Streethal12 à Copenhague, un équipement de 1700 mètres carrés compact avec une flexibilité des espaces pour différents types de sports et d’usagers. L’équipement fonctionne avec des plages horaires élargies, sans surveillance, et est accessible à tout public sur réservation. Un autre exemple, toujours au Danemark, concerne la rénovation d’un stade d’athlétisme à Næstved, qui a permis à la fois de conserver toutes les activités du club sportif local et d’accueillir de nouveaux sports (fitness, crossfit, beach-volley etc.) avec des installations ludiques en accès libre. Ainsi, ce type de projet permet à différents publics (notamment compétiteurs et loisirs) de partager le même espace, tout en évitant de nouvelles constructions par l’amélioration de l’offre de services existants.

Stade d'athlétisme de Næstved, Danemark ©Google Maps

Stade d’athlétisme de Næstved, Danemark ©Google Maps

Enfin, une hausse des températures de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle engendrerait des changements significatifs dans les pratiques sportives. Outre les ajustements nécessaires dans les horaires d’entraînement, ces fortes chaleurs auront un impact sur la santé des athlètes, leur façon de s’exercer et leurs performances. Il a par exemple déjà été nécessaire de revoir le calendrier des rencontres sportives professionnelles. Un exemple notable est l’organisation des Championnats du monde d’athlétisme à Doha au Qatar en 2019, déplacés en automne (mois d’octobre) alors qu’ils se déroulaient traditionnellement en été. Certaines épreuves ont dû se tenir de nuit, notamment le marathon féminin, afin de garantir des températures acceptables. Malgré ces précautions, la course a entraîné 28 abandons et des sportives évacuées en ambulance.

La limitation de l’utilisation de la climatisation, en raison de son impact sur les émissions de gaz à effet de serre, souligne l’importance cruciale de l’efficacité énergétique des bâtiments. Face à cette problématique, le gouvernement a réagi en mettant en place un Plan de relance en 2021, renouvelé en 2022-2023, axé sur la rénovation énergétique et la modernisation des infrastructures sportives. Cependant, il convient de se demander quelles autres solutions existent. Est-il envisageable de promouvoir la pratique sportive ou d’autres activités en milieu souterrain comme alternative viable aux conditions climatiques extrêmes ? La réponse à cette question pourrait bien façonner l’avenir de la pratique sportive, en tenant compte des nouvelles réalités climatiques auxquelles nous sommes confrontés.

LDV Studio Urbain
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