Dynamiser le paysage urbain : stimuler les centres-villes désertés

Didier-Crasnault-bâtiment
10 Mai 2016

Olivier Razemon est journaliste et auteur d’un blog intitulé « L’interconnexion n’est plus assurée, chronique impatiente de la mobilité quotidienne » pour Le Monde. Il a publié deux ouvrages aux éditions Rue de l’Échiquier, Le Pouvoir de la pédale et La Tentation du bitume. Dans son prochain livre Comment la France a tué ses villes qui sortira en octobre 2016, aux éditions Rue de l’Echiquier, le journaliste explique comment les centres-villes français se sont vidés et propose des pistes pour les redynamiser. Demain la Ville l’a rencontré.

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Désertification de Perpignan © Hélène Bekmezian

Quand avez-vous pris conscience du phénomène de dévitalisation des villes en France ?

J’en ai pris conscience lorsque je travaillais en 2012 avec mon coauteur sur mon livre précédent, La tentation du bitume. Nous étions amenés à nous déplacer partout en France et nous avions constaté que beaucoup de logements et de commerces étaient vides dans les villes moyennes. C’est, en creux, le résultat de l’étalement urbain que l’on trouve en périphérie.

Ce phénomène touche des villes situées dans des régions économiquement fragiles comme Roubaix ou Saint-Étienne, mais c’est vrai aussi pour des villes considérées comme plus prospères comme La Roche-sur-Yon ou bien Vitré. Cette dernière était présentée les années passées comme une ville de plein-emploi, pourtant le maire lui-même reconnaît que les commerces de la ville restent vides. Il faut regarder, écouter et sentir les villes mortes, les statistiques sont là pour montrer l’étendue du problème. On assiste à une prise de conscience de la part des décideurs à tous les niveaux, des conférences, des colloques, des articles de presse, des livres et des réunions publiques abordent le sujet.

Quelles en sont les principales conséquences ?

On observe dans les villes moyennes un grand nombre de logements vides, les statistiques très précises de l’INSEE le confirment, et une paupérisation des centres-villes, qui sont plus pauvres que la périphérie. On remarque aussi un manque de  spécialisation : il est parfois difficile de trouver une quincaillerie ou une autre boutique bien particulière. On se dirige parfois vers ce qu’on appelle au Royaume-Uni ou aux États-Unis les food desert, des déserts alimentaires. C’est-à-dire qu’il n’y a plus dans certaines zones la possibilité de trouver des fruits et des légumes frais si l’on se déplace seulement à pied.

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Rénovation du paysage urbain © Didier Crasnault

Comment expliquer le dépeuplement des centres-villes ?

Mon regard sur la ville est très lié à la mobilité. Le transport est indispensable à la collectivité, il a une dimension économique, sociale et environnementale et pourtant c’est un point aveugle, sous nos yeux mais trop souvent ignoré. Pourtant la ville meurt souvent en raison d’un mauvais système de transports. Un centre-ville est un lieu de vie, de création, de passage et pas seulement un centre pour les commerces et pour les voitures.

L’hypermarché a aussi sa part de responsabilité. Les grands distributeurs transfèrent la ville dans les centres commerciaux. On créé des villes à la place des villes existantes, avec des fausses places de villages dans des galeries marchandes. Ces lieux ne sont dédiés qu’au commerce, on n’y trouve pas ce mélange des genres propre à la ville, les bâtiments anciens, l’histoire, la culture ; on pourrait être absolument n’importe où. L’histoire et la géographie disparaissent.

Quelles sont alors les pistes à explorer pour redynamiser les centres-villes ?

Les mentalités autour de la voiture doivent évoluer. Certaines personnes la prennent pour faire 600 mètres. Comment rendre la ville à nouveau agréable, vivable, durable ? Où sont les accès à pied ? Sont-ils accessibles à tout le monde ? Quels sont les cheminements pour se déplacer de chez soi aux alentours ? Autant de questions qui concernent les urbanistes, les consultants, les élus, les associations mais aussi et surtout les citadins eux-mêmes.

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La mobilité un enjeu majeur des centres villes © Le pays Briard

La piétonisation des quartiers n’est pas suffisante. Je salue l’initiative des balades urbaines. Il ne s’agit pas de simples promenades, on observe la ville à pied, de façon arbitraire, sans destination, et cela permet de mieux la comprendre. Il faudrait aussi développer le tourisme local. On croit toujours que le touriste est un étranger mais il est en réalité en chacun d’entre nous. Se déplacer dans une ville qu’on connaît mal ou changer de trajet quotidien fait de nous des touristes. Il y a une réflexion à mener sur cette notion de tourisme local et sur la manière de le développer.

Usbek & Rica
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Vos réactions

Luigi Jean-Pierre
15 mai 2016

Les grands distributeurs transfèrent la ville dans les centres commerciaux. Voilà le crime. Une fois la question posée : à qui profite-t-il ? Nous avons une grande partie de la réponse. La grande distribution, les banques qui finances, le BTP qui travaille et qui redistribue aux collectivités (cela dit pudiquement) : création d’une pompe à fric au détriment du petit commerce et de notre qualité de vie. Et pour aller dans ces temples de la consommation il faut se déplacer et donc avoir du temps, et quand en avons-nous le plus ? Le samedi et le dimanche. On trouve là les opérations de forcing du travail du dimanche toujours on détriment de notre qualité de vie.

Melot Yves
17 mai 2016

bientôt 50 ans que les grandes surfaces, d’abord alimentaires puis de tout type se sont concentrées en périphérie des villes pour de simple question de faibles couts d’investissement. Nos dirigeants n’ont pas imaginé le reste malgré le « poujadisme ». Aujourd’hui nous sommes obligé de payer la mise à niveau des infrastructures routière et de transport pour desservir ces temples du commerce. De plus, le franchises et le grandes marques ont squatté les centre ville supprimant l’intérêt du shopping tout étant identique d’une ville à l’autre Demain nous serons obligés de payer la destruction de ces zones commerciales désertées du fait du numérique .
faire revivre les centres villes est bien une responsabilité politique et urbanistique .mais à quel prix ???

Diers
18 mai 2016

Une des raisons est aussi, et il faut m’admettre, la chasse maladive à la voiture en centre ville!
Qu’on le veuille ou non, elle est de moins en moins poluantes( et encore une grande partie de celle ci trouve son origine dans les mesures prises pour empêcher son fonctionnement!), et demain elle sera Electrique!
Pour relancer les centres villes, oui aux chemins et zones piétonnes, mais surtout il faut des plans de circulation basée sur la fluidité et non le blocage, des places de stationnement gratuité et moins de pb, des parkings nombreux, nouveaux et bien répartis
Osons passer A l’avenir

Delim
14 juin 2016

Très bonne analyse. On peut ajouter comme cause de déclin l’inculture de certains élus ainsi que l’électoralisme, notamment la volonté de plaire à l’électorat âgé, qui conduit à l’inertie.

Vincent
12 août 2016

Diers > Une des raisons est aussi, et il faut m’admettre, la chasse maladive à la voiture en centre ville!

Vous rigolez? La voiture est _partout_ et occupe une place totalement disproportionnée à son usage (la plupart des déplacements ne font que quelques kilomètres).

> Pour relancer les centres villes, oui aux chemins et zones piétonnes, mais surtout il faut des plans de circulation basée sur la fluidité et non le blocage, des places de stationnement gratuité et moins de pb, des parkings nombreux, nouveaux et bien répartis

Surtout pas : si on laisse de la place aux voitures… les gens se déplaceront en voiture, alors qu’ils pourraient aussi bien se déplacer à pied, à vélo, en transports en commun, ou une combinaison des trois.

Illustration:
https://s10.postimg.org/tj6grknih/car_bus_bike.jpg

lethiernois
3 mars 2017

L’analyse est assez pertinente mais pas assez complète pour toutes les villes de France. Prenons l’exemple de la ville où j’habite: Thiers. Reconnue mondialement pour sa coutellerie et son centre ville médiéval, la ville a perdue sa dynamique flamboyante des années 1950. À partir de 1960, commerces et restaurants commencent à mettre la « clef sous la porte » et ces fermetures se multiplieront entre 1990 et 2010. Les raisons de ce déclin? L’ouverture de deux hypermarchés, deux supermarchés et de galeries commerciales dans la périphérie de la ville. Ces raisons sont connues de tous, mais ici, la pente et la désindustrialisation ont aussi leurs parts du gâteau. En effet, Thiers est construit à flanc de colline, surplombant la plaine aux alentours, et ses rues sont très pittoresques (tordues, pentues…) et rend tout déplacement plus compliqué. L’enclavement du centre médiéval du à son relief très accidenté rend aussi les activités telles que les hôpitaux, pompiers ou autres difficilement accessibles. D’ailleurs, l’hôpital du centre ancien et les pompiers de Thiers ont suivi les grandes surfaces.
De plus, le déclin de l’industrie qui avait et a une part très importante dans la ville pousse au déclin démographique de la ville. Ainsi, Thiers est passé de 17 600 habitants en 1960, à 11 200 habitants en 2010. Le manque cruel de clients potentiel en ville-centre a accéléré la désertification commerciale du centre ville.
Une fois que toutes ces raisons sont alliées, et que le centre ville se vide de ses habitants et commerces, les touristes viennent moins nombreux qu’au paravent ce qui nuis encore une fois aux activités commerciales du secteur.

À Thiers, le déclin démographique, la désindustrialisation, l’ouverture de grandes surfaces en ville basse (relief plat), la concurrence de la grande Clermont-ferrand, le relief du centre ancien et son accessibilité pousse toute activité commerciale à fermer ses portes.

Cependant, depuis quelques années, avec des aides financières importantes, la ville a pu retrouver une petite part de son dynamisme d’antan. La réhabilitation d’immeubles abandonnés, de ruelles et d’éléments architecturaux riches ont permis de revitaliser quelques rues de la ville. La diversité de l’offre culturelle (musée de la coutellerie, centre d’art contemporain, usine du may, cité des couteliers..) a aussi été augmentée.

MARTINEZ BENITO
26 novembre 2017

J’ai 61 ans.mes parents étaient artisans commercants en Isère. Je me souviens parfaitement des coups de matraques qu’ils ont reçus alors qu’ils defendaient le commerce en centre ville a bourgoin jallieu et la tour du pin…dans un mouvement lancé par Gerard Nicoud.en ce temps là, la majorité des gens trouvait le commerçant « un nanti » et applaudissait a l’arrivée de ces hypersurfaces si merveilleuses…ces sales commerçants qui sen mettaient plein les poches…ok, ils bossaient 13 heures par jours…mais tous des voleurs.et bien dansez maintenant !

David
7 avril 2018

Les villes sont aussi GRANDEMENT responsables du déclin de leur centre-ville :

– obligation de créer un place de parking par logement

– taxe foncière prohibitive en hyper-centre (comme si c’était un luxe)
– taxe d’habitation également
– taxe d’enseigne pour le commerçant
– zone bleue transformée en zone payante

– monuments historiques pour le changement d’une fenêtre, d’un garde-corps, de la peinture de vos volets, d’un changement d’enseigne …

De la paperasse, des contrôles et des amendes.

A traiter les commerçants, les clients et les entrepreneurs comme des chiens, ceux-ci s’en vont, il ne faut chercher plus loin.

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