Comment créer des liens de proximité

Médiation nomade

Facteur d’emploi, l’innovation sociale revêt aujourd’hui des formes multiples. Elle cherche à établir – ou à rétablir – les liens de voisinage essentiels dans la vie en société. Certains militants relèvent ce défi en allant, par exemple, rencontrer des jeunes dans des quartiers prioritaires pour leur donner des chances de réintégrer les circuits professionnels. D’autres, comme les jeunes engagés volontaires qui effectuent un service civique de six à neuf mois, proposent des aides à domicile, des conseils pratiques, un apprentissage du numérique, etc. Certaines entreprises également, en jouant les professeurs, aident de jeunes exclus à se former à un métier.

Action Médiaterre

Action Médiaterre © Unis-Cité

La proximité se décline aussi avec les cultures maraîchères. Apparues au cœur des villes, elles provoquent un engouement croissant. D’après l’étude récente « Comment les Français réinventent-ils la ville ? », près des trois quarts des habitants de Paris et des métropoles françaises seraient usagers de jardins partagés s’il en existait à côté de chez eux*. Cette perspective incite les jardiniers à investir des espaces parfois surprenants – toitures et sous-sols délaissés, etc. – car cultiver des fruits et des légumes pourrait bien devenir une source d’emplois urbains non négligeable.

Au chapitre de la proximité, enfin, le retour en ville d’activités artisanales est à l’ordre du jour avec les makers. La délocalisation de l’industrie urbaine reste la tendance mais certaines communes parviennent à maintenir des manufactures dans des quartiers denses. Avec l’essor des techniques de fabrication numérique, les fablabs ont trouvé une légitimité à s’installer en ville et sont des lieux privilégiés d’apprentissage et de transmission. Ces diverses communautés préfigurent sans doute de futurs modèles de sociétés.

* Bruno Marzloff et Philippe Moatti, 1re vague octobre 2017, Observatoire des usages émergents de la ville.

Rejoindre la société

Ces trois associations ont pour valeur commune la solidarité : Médiation Nomade renoue un dialogue perdu en allant rencontrer les jeunes dans leurs quartiers ; les Médiaterre leur offrent des missions d’intérêt économique et écologique dans le cadre du service civique volontaire et Musaïk les initie à la musique symphonique dans un quartier défavorisé.

MÉDIATION NOMADE, FRANCE – Aller dans les quartiers

L’association Médiation Nomade part, à travers la France, à la rencontre d’une jeunesse « en errance et en difficulté » dans des quartiers sensibles. À la demande des collectivités locales, deux frères, Lakdar et Yazid Kherfi – le second est spécialiste de la prévention et ex-détenu –, renouent le lien avec des jeunes qui ont perdu espoir et se sentent abandonnés.
Un camping-car, de la musique et une boule à facettes, des tables et des chaises installées dehors entre 20 h et minuit sont les outils de ce tandem qui, entre 2012 et 2018, a sillonné 64 quartiers dans 49 villes.
En amont de ses interventions, Médiation Nomade rencontre les acteurs locaux – élus, police, assistants sociaux – qui l’aident dans ce travail de conseil auprès des jeunes. Les actions de l’association donnent lieu chaque année à un forum national, « La nuit nous appartient », dans différentes villes de France – Paris, Marseille et Lyon les trois dernières années – qui présente des initiatives similaires.

Médiation nomade

Médiation nomade © Ludovic Bruneaux/Mediation Nomade

MUSAÏK, DRESDE – Pour les plus modestes

La clientèle classique des écoles de musique allemandes provient principalement de la classe moyenne éduquée. À Dresde, le projet culturel et artistique « Chez soi à Prohlis » ouvre de nouvelles perspectives aux enfants et aux adolescents moins favorisés de ce grand ensemble où un habitant sur deux bénéficie d’aides sociales et une famille sur cinq est issue de l’immigration. En coopération avec le Societaetstheater de Dresde et la mairie de quartier, l’association Musaïk fournit un instrument à des enfants âgés de 7 à 11 ans et les initie gratuitement à la musique symphonique classique pendant leur temps libre. Les professionnelles Deborah Oehler (violoncelle) et Luise Börner (violon) se sont ainsi données plus de deux ans, au rythme soutenu de trois après-midis par semaine, pour faire progresser la section cordes de cet orchestre débutant. Même régime pour la classe des cuivres.

Musaïk

Musaïk © Musaïk

ACTION MÉDIATERRE, BORDEAUX – Service civique volontaire

Changeons d’échelle avec « Les Médiaterre ». Le service civique, instauré par l’association Unis-Cité en 1995, concerne les jeunes de 16 à 25 ans et s’exerce dans tout type d’association depuis son financement par l’État en 2010. Il dure de six à neuf mois à temps plein et est indemnisé 580 euros par mois.
Depuis 25 ans, Unis-Cité a ainsi aidé plus de 20 000 jeunes de tous horizons à s’investir dans un domaine d’intérêt général : numérique, transition écologique, culture… À l’échelle nationale, en sept ans, 260 000 volontaires se sont engagés dans 11 000 structures d’accueil partenaires. Au sein d’Unis-Cité, le programme « Médiaterre », soutenu par la Fondation d’Entreprise Bouygues Immobilier, propose un service civique basé sur les économies d’eau et d’énergie. De jeunes volontaires démarchent à domicile des personnes aux revenus modestes, les conseillent dans leurs gestes quotidiens (choix des ampoules électriques, ajout de brise-jet sur les robinets…), puis effectuent un suivi et animent des ateliers pédagogiques.
À titre d’exemple : à Ginko, grand écoquartier aménagé par Bouygues Immobilier à Bordeaux, quatre jeunes rendent ainsi visite à des particuliers plusieurs fois par semaine pour leur apprendre des « écogestes » simples et vertueux.

Action Médiaterre

Action Médiaterre © Unis-Cité

L’agriculture gagne du terrain en ville

Horizontaux, verticaux, les potagers commencent à conquérir les villes. La Cité maraîchère, à Romainville, et les plantations de Peas&Love, sur les toits d’immeubles à Paris et Bruxelles, sont deux réponses abordables pour ceux qui souhaitent récolter et cuisiner les produits de leur potager.

LES FERMES PEAS&LOVE, PARIS ET BRUXELLES – Des journées sur les toits

Face à la Maison de la Radio, tout près du quartier Beaugrenelle, la ferme Peas&Love a atterri sur les toits de l’hôtel Yooma Urban Lodge au printemps 2017. Créé par Jean-Patrick Scheepers sous ce nom original – littéralement « pois et amour » –, ce concept permet aux riverains de s’investir dans un projet à long terme et leur garantit de bons petits plats originaux. Moyennant un abonnement mensuel, les habitants du quartier bénéficient toute l’année de produits cultivés par un « community farmer » pour un coût plutôt modéré. Idéalement une fois par semaine, entre avril et octobre, et toutes les deux semaines le reste de l’année, on peut venir récolter tout ce que produit la parcelle dont on est locataire.
La ferme organise par ailleurs des activités autour du potager urbain, comme des ateliers de cuisine ou des démarches de sensibilisation à une bonne alimentation.
Déjà présent à Bruxelles, Peas&Love compte implanter cette année d’autres fermes à Paris, Lyon, Lille et Berlin.

Ferme Peas&Love

Ferme Peas&Love © Peas&Love

LA CITÉ MARAÎCHÈRE, ROMAINVILLE – Un potager vertical

Bien que limitées par la rareté du foncier, les cultures en ville gagnent du terrain. Mais ces initiatives ne concernent pas que l’alimentation, elles portent aussi sur la logistique, le lien social ou la pédagogie. La commune de Romainville, au nord de Paris, présentera sa Cité maraîchère au printemps 2019 : un projet réalisé par l’équipe Ilimelgo (architectes), Secousses (architectes associés), Scoping (bureau d’études techniques), Étamine (BET HQE), Terreauciel (agronomes) et Land’Act (paysagistes). Innovante dans sa verticalité, elle est hébergée dans deux tours dont la plus haute atteint 24 m. Ces deux serres agricoles représentent une surface de 1 000 m² dédiée à la culture de légumes, champignons, fleurs comestibles, plants et semences, ainsi qu’à un laboratoire de germination, des espaces de stockage, un composteur et une petite serre et un jardin pédagogiques. Des espaces de vente en circuit court, de restauration et d’accueil d’événements complètent cet ensemble qui doit valoriser des filières de production et de consommation raisonnées. Outre l’emploi de personnes en réinsertion, le lieu revendique aussi une vocation pédagogique : il organise ainsi des actions de sensibilisation auprès des habitants de la ville (ateliers, formations, balades urbaines…).
Sous toutes ses formes – individuel, partagé, associatif ou à but économique –, le maraîchage en coeur de ville et dans les zones périurbaines doit devenir un complément à l’agriculture traditionnelle. Et son succès dépend des espaces où il pourra se développer… verticalement ou horizontalement.

Cité maraîchère

Cité maraîchère © ilimelgo architectes mandataires/atelier secousses associé /Poltred Studio

Eléments initialement présentés dans l’exposition « Décloisonnons la ville ! » à la Cité de l’architecture & du patrimoine, du 30 janvier au 11 mars 2019. Plus d’informations dans le catalogue de l’exposition.

Demain la ville le lab
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