Angoisse sur la ville : réduire le stress urbain

Panneau angoisse

Déambuler dans l’espace public d’une ville. Si pour la plupart d’entre nous cela se fait naturellement, sans encombre, et parfois même avec plaisir, pour d’autres cette même action relève du parcours du combattant, allant jusqu’à considérer l’espace public comme le lieu anxiogène par excellence. Et ces angoissés de la ville sont bien plus nombreux qu’on le croit puisque 27% de la population mondiale est affectée par ce mal. Ce qui peut sembler contradictoire avec le fait que les villes sont et plus en plus attractives et qu’aujourd’hui près d’un habitant de la planète sur deux vit en ville. Alors à quoi ce sentiment d’angoisse est-il lié ? Comment cela se manifeste-t-il ? Et comment peut-on imaginer avoir un rapport plus apaisé avec notre environnement urbain ?

Panneau angoisse

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La ville : un concentré d’anxiété

Si l’on s’intéresse aux représentations de la ville dans le domaine de la peinture, on peut voir que le caractère anxiogène ressort régulièrement. C’est notamment dans l’expressionnisme allemand que l’on peut voir cette angoisse exacerbée. Par exemple, dans le tableau de Kirchner Potzdamer Platz qui offre une vue de la célèbre place berlinoise, tout est fait pour rendre le specateur mal à l’aise face au spectacle offert par cette scène de rue : les couleurs criardes, l’usage des formes géométriques et ces gens qui co-habitent sans jamais se croiser. Car pour ces peintres, anxiété rime avec modernité, la ville moderne étant considérée comme génératrice de stress urbain. Car la ville moderne entraîne d’inéluctables dérives et un paradoxal sentiment d’isolement, alors même que nous sommes sans cesse cernés dans l’espace public.

Le tableau Potzdamer Platz de Kirchner montre l'espace urbain comme un concentré d'anxiété

Le tableau Potzdamer Platz de Kirchner montre l’espace urbain comme un concentré d’anxiété

Une ville déconnectée de ses usagers

Mais comment expliquer, presque deux siècles après la modernisation des villes qui a fait suite à la révolution industrielle, que ce sentiment d’anxiété puisse perdurer ? La faute à nos modes de vie ? Plus exposés au stress social, la plupart des citadins vivent seuls, dans un appartement qui facilite l’anonymat des personnes vivant dans la même zone. Les citadins vivent également davantage de situations stressantes et oppressantes : le bruit, la pollution, la densité sociale, les expériences sensorielles très fortes… Le citadin a donc tendance à se sentir plus seul, à être plus introverti et moins empathique. Une autre réponse à la persistance de l’angoisse urbaine pourrait résider dans le lien perdu entre la ville et ses habitants, une ville qui apparaît de plus en plus déconnectée de ses usagers. Et si l’architecture était en partie responsable de ce sentiment d’angoisse ? En effet, la façon dont nous concevons la ville influence les interactions sociales, le bien-être, et donc la santé mentale. Réintroduire l’échelle humaine dans une ville souvent considérée comme déshumanisée pourrait donc alléger cette perception.

Réintroduire l'échelle humaine pour reconnecter la ville et ses usagers et diminuer l'anxiété ? (c) Cécile Roger

Réintroduire l’échelle humaine pour reconnecter la ville et ses usagers et diminuer l’anxiété ? (c) Cécile Roger

Pour une nouvelle conception de l’espace public

Est-il possible d’imaginer une ville autrement, une ville qui permettrait de mieux vivre ses angoisses, voire de les réduire ? C’est le challenge que s’est lancée Cécile Roger, étudiante en deuxième année de cycle master Ville Durable à L’École de design Nantes Atlantique pour son Projet de Fin d’Études. Et pour elle le designer a un véritable rôle à jouer dans la diminution de l’anxiété urbaine, et ce parce qu’il a plusieurs compétences qu’il va pouvoir mobiliser en fonction des besoins. Le designer peut dans un premier temps jouer sur la perception globale d’un lieu en utilisant le design sensoriel. Il peut également travailler sur la notion d’empowerment pour donner aux citadins l’opportunité d’influencer leur milieu de vie. Pour cela, il peut favoriser la participation des usagers à la création d’un projet commun qui leur ressemble. Enfin, le designer peut tenter de recréer une interaction entre les usagers et leur espace. Cécile a essayé de relever les facteurs de bien-être (lumière naturelle, nature, aération…) et les facteurs de mal-être (bruit, odeurs, congestion…) afin d’identifier les points forts et les points faibles de plusieurs espaces nantais et surtout de voir sur quel axe agir pour améliorer la perception des espaces. Elle a ainsi pu identifier trois leviers d’action : créer une transition plus douce entre le moment où l’usager est isolé et le moment où il est dans un environnement urbain bondé en utilisant le design sensoriel ; agir sur la compréhension de la sémotique de la ville en transformant un lieu sans âme en une zone significative pour ses habitants ; créer une nouvelle façon de sentir la ville en travaillant sur la donnée invisible. Cécile propose donc trois axes de recherches permettant de concevoir l’espace urbain différemment afin que celui-ci soit davantage synonyme de bien-être que d’angoisse.

Cécile Roger travaille a une nouvelle conception de l'espace urbain afin de diminuer le sentiment anxiogène qu'il peut provoquer (c) Cécile Roger

Cécile Roger travaille sur une nouvelle conception de l’espace urbain afin de diminuer le sentiment anxiogène qu’il peut provoquer (c) Cécile Roger

Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique

L'École de design Nantes Atlantique
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Vos réactions

LAVEAUD Michel-Jean
24 octobre 2017

« Urbanité », vous avez dit « urbanité » comme « Le droit à… » nous voila en plein remake d’une journée mémorable du début des années 80, à Bron.
Dans cette bonne ville du Grand-Lyon, hôte du maire de Bron – M.Jean-Jacques Queyrane – en compagnie de l’architecte Roland Castro (Banlieue 89) – François Mitterrand dévolie une plaque mémorable , celle du droit à l’urbanité.

http://ceramac.univ-bpclermont.fr/article101.html

Le retour à ce « concept – outil  » semble oublier une probable étiologie des angoisses urbaines , la mise hors-champ des « Représentations et transformations sociales des mondes ruraux et périurbains ». Sénat décembre 2012.
« Le bonheur est dans le pré. » ou dns la ville?

http://ceramac.univ-bpclermont.fr/article101.html

Cordialement

MJL @JeanJacqueries

Bernard Cornut
24 octobre 2017

extrait: …. leviers d’action : créer une transition plus douce entre le moment où l’usager est isolé et le moment où il est dans un environnement urbain bondé …
C’est bien ce qui règne dans les cités ouvrières de Belleville par ex. : des maisons R+2 ou 3 en bande, rangées des 2 côtés d’une ruelle intérieure privée, fleurie, bruissant tantôt des jeux d’enfants, sans crainte ni angoisse, ouvrant par un porche sur la rue de Belleville. Ah si on avait su alors réaliser une bonne conception thermique…. et une petite boucle de réseau de chaleur…

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