Pourquoi l’eau des villes est-elle invisible ? (1/2)

1 Août 2013

L’eau du robinet ne représente que 3% de notre consommation d’eau, rappelle le biophysicien Yann Olivaux. Pour limiter le gâchis de cette ressource précieuse, il faut donc surtout réduire notre consommation « d’eau virtuelle », celle contenue dans nos aliments et dans les objets que nous utilisons tous les jours.

Une ville comme Paris dispose uniquement d’un réseau d’eau potable. Serait-il pertinent, d’un point de vue écologique, d’installer un second réseau d’eau non potable pour certains usages domestiques (vaisselle, toilettes, etc.) ?

Dans les années 1990, les chercheurs de l’Institut français de l’environnement (IFEN) envisageaient une telle solution. Certaines réserves hydriques locales étaient tellement dégradées que le double réseau apparaissait comme une évolution possible. Aujourd’hui, cette idée n’est plus très à la mode. On a préféré renforcer les contrôles en amont. On trouve couramment sur internet qu’un citadin consomme 150 litres d’eau par jour. C’est faux : il consomme en réalité environ 5000 litres d’eau par jour. L’eau du robinet ne représente en effet que 3% de cette consommation quotidienne. Le reste, c’est ce qu’on appelle « l’eau virtuelle », un concept d’économistes qui désigne l’eau invisible nécessaire à la fabrication d’un bien, que ce soit un ordinateur ou un aliment. Savez-vous qu’il faut de l’ordre de 20 000 litres d’eau pour produire un kilo de viande de bœuf ? C’est dix fois plus que pour produire un kilo de blé… Donc couper l’eau du lavabo quand on se brosse les dents, c’est bien ; installer des dispositifs domestiques de réduction de consommation (réducteurs de pression, mousseurs…)  est bien sûr important et utile ; mais si on veut vraiment faire des économies d’eau, il faudrait avant tout, réduire notre consommation de viande. Cela dit, les messages pédagogiques sur l’utilité des gestes écologiques du quotidien semblent porter leurs fruits puisque la consommation domestique d’eau ne cesse de baisser depuis une dizaine d’années.

Comment faire pour changer l’image de l’eau auprès des citadins ? Pour leur faire comprendre qu’elle est une ressource précieuse ?

Les fluctuations climatiques désormais récurrentes entre périodes d’inondation et de sécheresse commencent à nous faire prendre conscience de l’importance de mieux prendre soin de l’eau. En France, on a détourné des cours d’eau, comblé des zones humides, construit en zone inondable, installé des retenues artificielles et imperméabilisé les sols urbains. Quand les médias nous relatent régulièrement les dégâts causés par les inondations, ils restent dans l’évènementiel sans en analyser les causes, ni promouvoir une gestion globale et durable des eaux de ruissellement par un réseau complémentaire des cours d’eau, constitué principalement de biefs et de réservoirs tampons.
En Allemagne, la gestion de l’eau est beaucoup plus évoluée. Les urbanistes font notamment en sorte que les citadins voient l’eau dans la ville tandis qu’ici on a plutôt tendance à la cacher. Résultat : les Français n’ont pas vraiment conscience du caractère précieux de l’eau. Historiquement, son statut s’est profondément modifié au fil des siècles. Au temps d’Aristote, l’eau était considérée comme l’un des quatre éléments avec le feu, l’air et la terre. Puis, au temps des Lumières, Lavoisier a prouvé qu’elle était faite de molécules. Or une molécule, c’est tout de même beaucoup moins respectable qu’un élément ! Et aujourd’hui, l’eau a quasiment disparu de nos vies. Elle n’y surgit brutalement qu’en temps de sécheresse et sous forme de contrainte, avec les interdictions d’arroser les pelouses ou d’assainir les piscines. Dans les salons consacrés à l’éco-habitat ou à la santé, l’eau est aussi la grande oubliée : on y parle d’économies d’énergie, de matériaux innovants, mais jamais du rôle de l’eau. Là encore, l’Allemagne est en avance : là-bas, cela fait déjà une trentaine d’années que l’on collecte l’eau de pluie pour la valoriser de différentes façons après des filtrations adéquates, notamment pour la boire.

L’eau est-elle une ressource de plus en plus rare ?

Je serais tenté de répondre oui et non. D’un côté, les flux du cycle naturel de l’eau ne varient pas depuis que celui-ci existe. Mais si l’on prend en compte les trois grands besoins hydriques humains (agricoles, industriels et domestiques), alors elle devient rare car la qualité minimale nécessaire pour ces utilisations est de plus en plus insuffisante. Elle est polluée par de nombreuses molécules (pesticides, résidus médicamenteux et hormonaux, métaux lourds, etc.). Depuis la Révolution Industrielle, le monde industriel a créé quelques 100 000 molécules différentes, dont la plupart ont des conséquences inconnues pour la santé. Or, ces molécules peuvent se retrouver dans l’eau que l’on boit, il y en a forcément des traces dans les eaux du robinet et de source.

Lire la suite de l’article : L’eau que nous buvons est-elle dangereuse pour la santé ? (2/2)

 

Usbek & Rica
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Vos réactions

Loic Sallet
30 août 2013

Je crois que c’est evident, nos mode de consommation sont a revoir. Et bien évidemment je pense egalement a la qualité vitale de l’eau, la différence entre l’eau dans les sources et en dehors des sources, toute la thématique de la dynamisation de l’eau dont le film AQUANIME fait écho.

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