Tourisme quel avenir pour les greeters ?

Tant de belles choses à voir sur nos territoires. Crédits : Lawrence OP sur Flickr
25 Sep 2015

Au fil des années, le phénomène des greeters a su trouver son public de niche, notamment dans l’hexagone où il connaît aujourd’hui un succès continu. Qu’en deviendra-t-il ?

Qu’est-ce que les greeters ?

Le phénomène remonte officiellement à 1992, dans les rues de New York, créé par une native de la Big Apple convaincue que les habitants d’une ville soucieux de la faire découvrir seraient les meilleurs ambassadeurs possibles. De là est né le concept de « greeter », du terme anglais signifiant « hôte d’accueil » : il désigne ainsi une personne bénévole offrant de son temps et de son expérience à des étrangers venus visiter sa ville ou sa région. Dans un climat chaleureux, bien que balisé de quelques règles rudimentaires, greeter et touristes décident ensemble de l’itinéraire qu’ils prendront, en fonction des attentes et des goûts des visiteurs. Les inscriptions se font via un site web, avec un questionnaire pour définir ses envies au préalable. Dans la veine de la dynamique collaborative croissante ces dernières années, le mouvement est porté par internet et traverse les frontières au gré des vents.

Annie vous montre le chemin ! Crédits : Meurthe et Moselle tourisme sur Flickr

Annie vous montre le chemin ! Crédits : Meurthe et Moselle tourisme sur Flickr

On peut dès lors s’interroger sur la personnalité de ces greeters, qui pourrait nous en dire plus sur le phénomène. Il est vrai qu’on remarque, notamment en France, plusieurs similitudes dans les profils : la plupart ont entamé, voire dépassé la cinquantaine, et ont longtemps été au contact d’étrangers dans leur vie professionnelle (offices du tourisme, compagnies aériennes, commerce international…). Mais les greeters sont avant tout de grands amoureux de leurs villes, et des philanthropes ravis de faire découvrir leurs trésors aux âmes prêtes à s’en laisser séduire.

Quels avantages pour un tel modèle ?

Le modèle du greeting, c’est un moment de convivialité – prolongé selon les affinités -, une visite à la fois atypique et authentique, personnalisée, et qui se caractérise par une gratuité intégrale. Couplé au couchsurfing et au covoiturage, le service permet de reconsidérer de façon avantageuse le budget des vacanciers. Mais les apports ne se limitent pas aux simples touristes ; en effet, ces citadins bénévoles semblent se forger au fil des visites des idées précises d’aménagement du territoire, notamment en matière de mobilités. Comme rapporté dans les colonnes de la Voix du Nord, Solange, greeter dans le Nord-Pas-de-Calais « préconise d’installer à Ardres des vélos-remorques afin de transporter des personnes âgées ou handicapées ». Elle encourage en outre de « mettre en valeur la campagne à proximité de Calais. Ce qui permettrait de découvrir des métiers anciens. »

Car loin de l’idée préconçue que le greeting se cantonne aux grandes agglomérations, son succès s’avère tout aussi important sur l’ensemble du territoire. Dans le Nord-Pas-de-Calais, mais aussi les Ardennes, le Centre et une grande partie du Midi, des associations de greeters se développent un peu partout avec le soutien des offices de tourisme, lorsque ceux-là ne sont pas directement à l’initiative. Beaucoup espèrent ainsi mettre en valeur leur secteur et leur mode de vie, en s’appuyant notamment sur les aspects chaleureux et typiques de ces excursions.

Guides & greeters partiront-ils en vacances ensemble ?

Si le modèle a de quoi convaincre certains de se laisser tenter, il faut toutefois indiquer qu’il reste en marge des activités touristiques traditionnelles. Certes, la France est aujourd’hui le pays où le phénomène s’est le plus développé avec quarante-trois villes d’accueil, la capitale en tête. Mais le nombre de visites de Paris en format greeting ne se chiffre qu’en milliers, soit quelques aiguilles dans une meule de trente millions de touristes. Il n’en fallait pourtant pas plus pour inquiéter certains guides professionnels, qui ne savent pas encore s’il faut y voir une menace pour l’avenir. Un questionnement compréhensible pour ces professionnels certifiés, qui voient déambuler leurs clients potentiels au côté d’un autochtone quelconque riant à leur narrer son anecdote préférée.

Tant de belles choses à voir sur nos territoires. Crédits : Lawrence OP sur Flickr

Tant de belles choses à voir sur nos territoires. Crédits : Lawrence OP sur Flickr

Si l’exercice de sa profession peut paraître plus austère (et accessoirement payant), le guide attesté garantit à son auditoire une présentation précise des lieux, en délivrant toutes les informations spécifiques à ces derniers (historiques, architecturales…). C’est la raison pour laquelle la loi française réclame sa présence dans toutes villes ou communes pourvues du label « Ville d’art et d’histoire ». Les offices du tourisme, d’où fleurissent nombres d’associations de greeters ces temps-ci, tentent donc de tempérer les appréhensions des guides, parlant davantage de complémentarité dans l’offre de découverte que de réelle concurrence.

Et maintenant, vers où va-t-on ?

Complémentarité plus que concurrence, l’affirmation se vérifie aussi lorsque l’on observe l’évolution du phénomène dans sa globalité. Car depuis 1992, ou même 2007 à son arrivée en France, les chiffres sont en hausse, mais ils ne laissent pas pour autant présager un boum imminent comme ce fut le cas pour Airbnb ou d’autres services issus de cette économie dite collaborative. Ajoutez à cela ces similitudes de profil relevées plus haut, et la déduction d’une communauté de niche se précise.

Il est vrai que l’on pourrait facilement se laisser penser le contraire. Twitter, Uber, makers, et à présent greeters, cela ne ferait que démontrer la tendance émergente du moment, à savoir l’effondrement des barrières de la professionnalisation. Avantages : une plus grosse quantité d’informations, de produits, de services ; inconvénients : le niveau zéro de standardisation, autrement dit la pertinence de l’objet n’est accréditée par rien ni personne, si ce n’est le sujet. C’est du fait de cette fragilité inhérente au modèle que le site internet Yelp, pourtant à vocation intégralement participative, a fait appel à du personnel qualifié afin de donner un avis d’experts sur telle ou telle visite guidée (professionnelle). Une brasse à contre-courant qui démontre un besoin fécond de pertinence dans cette marée de goûts et de couleurs.

En outre, encore aujourd’hui, beaucoup s’accordent à penser que l’avenir du guide se situe dans notre smartphone. Même si là aussi, on peut imaginer que des limites ne tarderont pas à apparaître. C’est un marché parallèle qui semble se développer, à en croire la multiplicité des applications qui affleurent, saisons après saisons, régions après régions. Toutefois, le marché le plus impacté restera le guide papier, du fait de ses défauts chroniques (onéreux, non actualisé, sans GPS ni boussole intégrées). Nos bons vieux guides sur pattes peuvent ainsi partir en vacances l’esprit léger quand viendra la basse saison, toute la question sera alors de savoir si là où ils atterriront, ils oseront se laisser promener par un simple citadin…

Pour aller plus loin :

{pop-up} urbain
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