Swimmable Cities

26 Nov 2025 | Lecture 3 Min

Cela semblait loufoque il y a quelques années encore : à Paris, on se baigne enfin dans la Seine tandis que de Bruxelles à New-York, un nombre croissant de villes entreprennent des travaux pour restaurer la baignade urbaine. Le concept des Swimmable cities vise à reconsidérer non seulement la place de l’eau dans les villes mais aussi la possibilité de s’y baigner, dans des conditions sanitaires, sécuritaires et paysagères acceptables. Les défis ne sont pas seulement techniques, ils sont aussi culturels, réglementaires et politiques. Quels sont-ils, et quelles solutions mettent en œuvre les villes pionnières ? La serviette de plage sera-t-elle l’accessoire phare du citadin de 2040 ?

L’actualité récente donne un élan particulier à cette notion: le premier sommet Swimmable Cities a eu lieu cet été, du 22 au 24 juin 2025, à Rotterdam. Cet événement international a rassemblé plus de 200 délégués issus d’une vingtaine de pays, autour de débats sur le droit à la baignade, les droits de la nature, la résilience climatique, les innovations en qualité de l’eau et les stratégies de financement pour permettre aux villes de devenir “baignables”. Pour marquer l’ouverture de ce sommet, des nageurs ont plongé dans le bassin du Rijnhaven, lui-même aménagé comme zone de baignade flottante dans le centre de Rotterdam, soulignant que l’eau urbaine peut redevenir un lieu de vie partagée. Ce sommet n’était pas seulement symbolique mais il a été conçu comme un moment de convergence pour les villes, associations, chercheurs et acteurs de l’eau, afin d’échanger des expériences, dessiner des feuilles de route et décrypter des projets concrets.

La ville de Paris a rejoint l’alliance Swimmable Cities le 28 septembre dernier, s’inscrivant ainsi dans une dynamique mondiale. Cette adhésion s’appuie sur une expérience forte, celle de la dépollution de la Seine, menée pour rendre le fleuve baignable à l’occasion des Jeux Olympiques de 2024.

Redonner sa place à l’eau dans la ville

Longtemps considérée comme un élément à maîtriser, à canaliser ou à gérer, l’eau revient au centre des réflexions urbaines. La hausse des températures, la montée des eaux, la nécessité de repenser la gestion des eaux pluviales et le désir de nature en ville redonnent de l’importance à considérer l’eau comme un élément qui fait partie intégrante du développement urbain.

C’est dans ce contexte qu’est né le mouvement des Swimmable Cities, un réseau international de villes, associations et experts qui œuvrent pour rendre les cours d’eau urbains baignables. Le mouvement Swimmable Cities passe ainsi d’initiatives isolées pour une aménité considérée désirable, à une réelle structuration d’un réseau d’acteurs qui a pour ambition de faire de la baignade un standard de la ville durable de demain. L’alliance réunit plus de 100 villes dans 34 pays, de Rotterdam à Melbourne en passant par Séoul ou Montréal. Le mouvement défend une ambition claire : faire de la baignade un indicateur de santé écologique et de qualité de vie urbaine. Une ville où l’on peut se baigner est une ville où l’eau est propre, les berges sont accessibles, et où l’on partage un lien sensible avec son environnement.

Derrière le concept, une vision politique et écologique

Lancée en 2023 à l’initiative du collectif Regeneration Projects, l’alliance Swimmable Cities s’appuie sur plusieurs principes fondamentaux :

  • Le droit à la baignade pour tous : l’accès à une eau saine et sûre comme un droit urbain essentiel;
  • Les droits de la nature : protéger les milieux aquatiques pour leur valeur écologique;
  • Le développement d’une culture de la baignade urbaine;
  • La transmission : faire de la baignade un levier d’éducation environnementale.

Tous ces principes, pour être mis en action, ont fait l’objet de la création d’une boîte à outils (le Swimmable Cities Handbook) à destination des collectivités. Pour les promoteurs de la baignade urbaine, il s’agit de voir l’eau comme une véritable boussole de transformation pour les villes. Une ville où l’on peut nager est une ville qui soigne ses eaux, désimperméabilise ses sols et retisse du lien entre ses habitants et avec le vivant.

Diverses pistes d’action émergent donc :

  1. Expérimenter avant d’aménager
    La mise en place de “zones-pilotes” de baignade ou d’événements temporaires pour tester la qualité de l’eau, susciter l’adhésion et construire un imaginaire collectif autour de la baignade.
  2. Réaménager les berges et ouvrir les rivières
    L’objectif est de faciliter l’accès à l’eau, en installant des rampes ou des pontons et d’accentuer la revégétalisation et le développement de la biodiversité en ville.
  3. Associer les habitants à la reconquête de l’eau
    Le mouvement souhaite créer des collectifs, les “gardiens de rivière” pour fédérer les acteurs locaux et faire de la baignade un moteur de citoyenneté environnementale.
  4. Innover sur la gestion de l’eau
    Swimmable Cities encourage l’innovation pour l’assainissement et la gestion de l’eau, et propose d’expérimenter des solutions naturelles, comme technologiques (zones humides, bio-filtration, capteurs).
  5. Intégrer la baignade dans les politiques urbaines
    Être une ville baignable suppose un engagement politique fort autour de problématiques comme la désimperméabilisation, la récupération des eaux pluviales et plus largement l’adaptation au changement climatique. La baignade devient ainsi un indicateur de transition écologique.

Londres : se réapproprier la Tamise, une révolution urbaine et culturelle

À Londres, le projet Thames Baths imagine depuis plusieurs années déjà la réintroduction de la baignade au cœur de la capitale britannique. Conçu par les architectes du studio Studio Octopi, le dispositif prend la forme de piscines flottantes installées sur la Tamise, directement alimentées par l’eau du fleuve. L’eau y serait naturellement filtrée via une technologie de biofiltration (composée de plantes aquatiques et des micro-organismes) avant d’arriver dans des bassins où la baignade serait autorisée.

Le projet, soutenu par la Greater London Authority, a suscité un fort engouement citoyen et une campagne de financement participatif réussie, ce qui a une fois de plus démontré une réelle envie pour les habitants de se réapproprier les espaces naturels proches de leur lieu de vie.

Thames Baths applique ainsi un des principes clés du mouvement: expérimenter avant d’aménager durablement. Sans attendre que la rivière soit parfaitement propre, le projet permet déjà de renouer le contact avec elle, en créant des espaces de baignades sûrs et propres, qui redonnent aux habitants le goût de l’eau et la conscience de sa fragilité.

 

© Sander Crombach sur Unsplash

Malgré des défis réglementaires et techniques importants, le projet a déjà en partie changé la manière dont la ville pense sa relation à l’eau : la Tamise n’est plus un obstacle, mais un cœur vivant du centre urbain.

Le chemin pour rendre les cours d’eau propres et sûrs pour la baignade est encore long, et les initiatives, bien qu’innovantes et engageantes dans les villes où elles sont déployées restent rares à l’échelle mondiale. Mais le mouvement Swimmable Cities peut se targuer d’être pionnier dans la reconnexion des habitants avec le monde vivant qui les entoure, et la construction de villes plus inclusives et écologiquement viables.

LDV Studio Urbain
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