Pour un musée du logement populaire du Grand Paris

3 Nov 2023 | Lecture 3 min

Le collectif AMuLoP milite pour la création d’un musée du logement populaire, afin de lutter contre les représentations qui stigmatisent les banlieues. Ça fonctionne comment exactement ?

Comme chaque mois, plongez dans le futur de la ville avec notre série “Habiter 2035”, où l’on vous dresse des scénarios possibles pour la prochaine décennie. Retenez votre souffle, immersion dans 3, 2, 1 …

Appartement témoin

« 12 ! Le compte est bon ! » Large sourire aux lèvres, le guide fait face au groupe. D’un geste, il montre la barre d’immeuble derrière lui et démarre un petit texte de présentation du quartier qu’il connaît sur le bout des doigts. « Ce bâtiment est né d’un programme de rénovation urbaine. Il a remplacé une tour qui datait de 1963. C’est une architecture typique du début 2000. » Incognito, Claire ne dit rien. Elle se fond dans la masse comme si elle était une visiteuse lambda. Mais à mesure que le groupe monte les étages, un mélange d’excitation et d’appréhension l’envahit. « Voici le premier logement, annonce le guide, Madame Paulette a vécu ici jusqu’à son décès il y a deux ans. » Entrant après les autres, Claire reste médusée. L’appartement de sa grand-mère a été reproduit à l’identique, chaque meuble, chaque bibelot, jusqu’au moindre détail. Candide, un visiteur se tourne vers elle, « Hé, on dirait vous sur la photo ! ».

Visite de la barre Grosperrin pendant l'exposition temporaire de l'association AMuLoP - AMuLoP

Visite de la barre Grosperrin pendant l’exposition temporaire de l’association AMuLoP – AMuLoP

Scénario possible ou récit de science-fiction ? Analyse.

Musée in situ temporaire

Depuis 2014, l’association AMuLoP milite pour la création d’un musée du logement populaire. À la manière du Tenement Muséum à New York, le parti pris scénographique serait de reconstituer à l’identique des appartements de personnes ayant vécu. À travers l’intime et les micro-histoires de familles, le musée explorerait les problématiques des quartiers populaires comme la désindustrialisation, les migrations, l’urbanisme, les rapports de genre ou la religion. « Ça permet d’entrer dans une histoire assez fine de l’histoire sociale de la banlieue » résume Gaïd Andro, historienne et membre de l’association. « Pour nous, l’enjeu de la médiation scientifique et culturelle dans les quartiers populaires, ce n’est pas de faire venir les gens dans les institutions de culture légitime mais plutôt d’aller in situ et de créer du culturel et du scientifique avec les gens à l’endroit où ils vivent. »

Si le musée n’existe pas encore, une exposition temporaire a été expérimentée entre octobre 2021 et juillet 2022. Pour l’occasion, l’office HLM d’Aubervilliers avait prêté 4 appartements vides de la barre Grosperrin dans la cité Émile Dubois à Fort d’Aubervilliers. « Comme elle était destinée à la destruction, le bailleur ne relogeait pas quand les locataires partaient » explique la chercheure. Ainsi, l’association a pu monter une exposition reposant sur 4 familles qui habitaient dans la même cage d’escalier de 1957 à 2005. « Ça a été un gros succès public. On a eu 6000 visiteurs sur l’année, par visites guidées de 12 personnes. C’était beaucoup de public scolaire d’Aubervilliers, du 93, et aussi de Paris et même un peu à l’échelle nationale. »

À Lyon, le musée urbain Tony Garnier raconte l'histoire des logements populaires du quartier des États-Unis - Erclairbair/Wikipédia

À Lyon, le musée urbain Tony Garnier raconte l’histoire des logements populaires du quartier des États-Unis – Erclairbair/Wikipédia

Projet émancipateur

Grâce à cette première expérience, AMuLoP signe une convention avec le département de Seine Saint-Denis, qui s’engage à aider l’association à trouver un immeuble pour installer un musée plus pérenne. « Des négociations sont en cours, mais c’est vrai que c’est compliqué de demander un immeuble pour un projet de musée. D’une part à cause de la crise du logement, et d’autre part parce qu’on est sur des territoires en voie de gentrification, avec une forte pression sur le foncier » analyse Gaïd Andro. En tout cas, le projet est stimulant et pourrait se décliner à l’infini, selon les territoires, les populations, les histoires et les cultures. « C’est peut être naïf de notre part, mais on a tendance à croire que le savoir réflexif et le savoir de sciences sociales est émancipateur. C’est un de moyen de lutte contre la ségrégation des quartiers populaires. »

Usbek & Rica
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