Les déchets ménagers, une espèce en voie de disparition?

Le Conseil de Paris a récemment révisé son Plan Local de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés (PLPDMA). Le plan réglementaire comprend des mesures pour réduire de 100 000 tonnes les déchets ménagers et assimilés parisiens d’ici 2030. Paris souhaite ainsi devenir exemplaire grâce à ces actions. La capitale n’est naturellement pas la seule à mettre en place de telles mesures. Peut-on s’inspirer de nos pays voisins pour réduire nos déchets?
En France, chaque habitant produit en moyenne 476 kg de déchets ménagers par an (donnée ORDIF 2022). Un poids important qu’il s’agit de diminuer, dont une large part pourrait être évitée, triée ou valorisée. Les déchets résiduels – ceux qui ne sont ni recyclés ni compostés – représentent encore en effet environ 250 kg par personne. La réduction de ces déchets est un enjeu majeur pour limiter l’impact environnemental (l’incinération des déchets ménagers rejette chaque année de fortes émissions de gaz à effet de serre), mais aussi maîtriser les coûts de traitement, et préserver les ressources naturelles.
De quoi s’agit-il exactement ?
Le PLPDMA, Plan Local de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés, est un outil utilisé par les collectivité visant à la réduction des déchets ménagers à travers de nombreuses actions. À Paris, il est pensé en lien avec les ambitions du Plan Climat parisien de réduction de 100 000 tonnes de DMA, c’est-à-dire à la fois des déchets des ménages et ceux des petites entreprises ou administrations collectés par le service public d’élimination des déchets. Afin de définir les actions du PLPDMA, la ville de Paris à l’été 2024 a lancé une démarche de concertation, qui portait sur 6 thèmes : le réemploi, le tri chez soi, l’accompagnement des commerçants et professionnels dans la réduction de leurs déchets, le tri des déchets alimentaires et la lutte contre le gaspillage, et le tri dans l’espace public. Les résultats de cette concertation ont permis à la Ville de Paris, gestionnaire de la compétence “déchets, de définir des mesures ambitieuses du PLPDMA pour réduire au maximum ses déchets. Ces ambitions ont été définies pour répondre à la règle des 3R: réduire, réemployer, recycler.
- RÉDUIRE : La priorité est de réduire les déchets à la source, c’est-à-dire éviter de les produire, en sortant de l’habitude du tout-jetable ou des emballages inutiles au profit d’une consommation plus sobre et responsable. C’est dans cet esprit que la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire), adoptée en 2020, a été mise en place. Elle fixe des objectifs ambitieux, comme la réduction de 100 000 tonnes de DMA , soit une baisse de 20% visée initialement. Parmi les mesures votées, la fin progressive du plastique à usage unique d’ici 2040, l’obligation du tri à la source des biodéchets pour tous dès 2024, ou encore le développement de la consigne pour réemploi.
- RÉEMPLOYER : Le réemploi est fortement encouragé car il constitue un levier pour lutter contre l’obsolescence programmée, en favorisant l’économie circulaire. Le PLPDMA parisien comprend plusieurs mesures dans ce sens. On peut citer la mise en place de ressourceries, qui prolongent la vie des objets, considérés pour certaines personnes comme inutiles, mais répondant aux besoins d’autres. Dans le 17ème arrondissement par exemple, une ressourcerie de matériel sportif a vu le jour. Elle permet aux habitants de s’équiper à bas prix, sans acheter de neuf, et propose également un atelier de réparation de vélos. Dans un autre registre, les collectes préservantes sont réalisées sans bennes compactantes, mais plutôt par dépôt en centres de tri ou en déchetterie mobile ou par porte-à-porte. Cela permet d’optimiser la collecte de déchets, notamment de l’électroménager en bon état pouvant être réemployé. Des repair cafés, lieux de réparation et d’entraide qui visent à réduire les déchets, qu’ils soient ménagers ou issus du bâtiment, voient aussi le jour. Même s’ ils sont de plus en plus nombreux dans la capitale française, nous sommes encore loin des résultats de la ville d’Amsterdam, dont chaque quartier est doté de repair café !
- RECYCLER : Enfin, le recyclage, qui consiste à transformer des matériaux usagés pour leur donner une nouvelle vie sous une autre forme. Le plan du conseil de Paris vise à tripler le taux de valorisation des déchets, c’est-à-dire à augmenter leur recyclage ou leur transformation en énergie via l’incinération. Cet objectif ambitieux repose sur une optimisation des collectes pour mieux trier et utiliser les ressources contenues dans nos déchets.
Dans cette optique, le Programme Local de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés (PLPDMA) parisien met en œuvre plusieurs initiatives concrètes. Il encourage le tri à la source des biodéchets, la réduction des emballages plastiques, et le développement de points de collecte spécifiques pour les matériaux recyclables. De plus, des campagnes de sensibilisation sont menées pour inciter les habitants à adopter des éco-gestes au quotidien, renforçant ainsi l’efficacité du recyclage à l’échelle locale.

Pyramide des “3R”, Crédits: PLPDMA Paris 2018
Quels types de mesures chez nos voisins européens?
L’Union européenne (UE) vote également de nombreuses mesures dans le but de réduire les déchets à la source, encourager leur réutilisation, améliorer leur recyclage et limiter leur enfouissement ou incinération: on peut citer le Règlement sur les emballages et les déchets d’emballages (“Packaging and Packaging Waste Regulation”) voté en décembre 2024, qui harmonise les règles relatives aux emballages en Europe entre 2025 et 2040, ainsi que l’interdiction de certains plastiques à usage unique en 2019. Aussi, le Plan d’action pour l’économie circulaire (2020) prévoit une obligation pour les fabricants de concevoir des biens réparables, réutilisables et recyclables: il prévoit par exemple un droit à la réparation pour éviter de jeter des objets abîmés.
Individuellement, les pays et villes qui possèdent la compétence des déchets ont mis en place des mesures inspirantes en termes de réduction de déchets ménagers. Parmi les mesures qui sont bien installées dans le quotidien des habitants, les consignes de contenants ont fait leur preuve dans certains pays. On pense notamment au “pfand” en Allemagne, qui consiste à ramener les bouteilles vides estampillées “pfand” (“caution”) pour récupérer une caution de quelques centimes comptée à l’achat du produit. Cela permet d’inciter à ramener les contenants en verre et en plastique directement en magasin.
Certaines villes ont mis en place des incitations financières pour encourager leurs habitants à réduire ou à trier leurs déchets plus consciencieusement. La ville de Bologne en Italie a opté pour une tarification au poids des déchets. Le système PAYT (Pay-As-You-Throw) que l’on peut traduire par “paye autant que tu jettes” fait payer les citoyens en fonction des déchets qu’ils génèrent, basés sur le poids ou le volume. Ce modèle a montré des résultats positifs en termes de réduction des déchets envoyés à la décharge, tout en augmentant la part des déchets recyclés. La ville de Besançon est la plus grande ville de France à avoir mis en place un système incitatif de la sorte dès 2012, avec un système de pesée pour la poubelle grise (le bac jaune pour le plastique et carton n’est pas facturé). Ce procédé possède cependant des limites: sa mise en place s’avère coûteuse, et il a été remarqué à Besançon que, dans les collectifs où le bailleur reçoit directement la facture, les habitants n’étaient pas incités à mieux trier. Au-delà des incitations financières, ce sont donc les mentalités qu’il faut faire évoluer à la nécessité de réduire et de trier ses déchets.

Une poubelle à Berlin /Crédits: C.Demay
Et ce changement de mentalités peut passer par une facilitation et une standardisation des consignes de tri. En Allemagne, des villes comme Berlin ont introduit un système de « tri sémantique ». Chaque point de collecte de déchets est accompagné de panneaux explicatifs visuels qui montrent non seulement ce qui peut être recyclé mais aussi des exemples de produits concrets (comme des boîtes de conserve, des bouteilles en plastique, etc…). Cela permet de rendre le processus de tri plus intuitif et plus clair afin d’éviter la confusion.
Et demain ?
Le traitement des déchets ménagers s’est donc nettement amélioré grâce aux politiques nationales et européennes couplées aux mesures locales. Il reste encore du chemin à parcourir avant d’atteindre le zéro déchet: aujourd’hui, en France, 30% des déchets ménagers sont brûlés, et la quantité de déchets ménagers et assimilés (DMA) recyclables par rapport au total n’était que de 19,4% en 2021.
Il s’agit alors de développer des modes de collectes plus intelligents pour les gros producteurs de déchets, comme le secteur de la construction par exemple: en Île-de-France, cela commence à voir le jour avec le développement de plateformes comme Cycle-Up ou Backacia pour collecter, stocker et redistribuer des matériaux de chantier réutilisables.