Habitat démontable en zone agricole, vers plus de souplesse et de reconnaissance pour les agriculteurs

20 Oct 2025 | Lecture 3 Min

La récente Loi de simplification de la vie économique adoptée le 17 juin 2025 apporte, entre autres, de nouveaux éléments dans le code de l’urbanisme relatifs à l’habitat démontable pour le logement des agriculteurs. Avec une unanimité quasi totale (50 pour, 2 contre), l’amendement voté à l’assemblée nationale devrait permettre l’installation en zones agricoles, naturelles et forestières “d’une résidence démontable constituant l’habitat permanent de ses utilisateurs lorsqu’elle constitue le domicile d’un exploitant agricole et qu’elle accueille le siège de son exploitation”.

Cela représente une réelle avancée législative pour valoriser et déployer l’habitat léger en zone agricole. Ce caractère modulable et réversible représente-t-il pour autant une solution viable pour loger nos agriculteurs ? Quels risques et perspectives d’avenir offrent ce type de logement ? Décryptage dans cet article.

Un tournant pour le droit de l’habiter en milieu rural

L’adoption en juin 2025 d’un amendement autorisant l’implantation d’habitats légers en zone agricole marque une étape majeure dans l’évolution du droit de l’urbanisme rural. Longtemps absents des cadres réglementaires ou tolérés à la marge, les habitats dits réversibles (yourtes, tiny houses, caravanes, constructions démontables) trouvent désormais un ancrage juridique dès lors qu’ils accueillent conjointement le domicile et l’activité d’un exploitant agricole.

Cette disposition vient répondre à un double besoin : d’une part, la volonté de nombreux jeunes paysans de s’installer sans artificialiser les sols ni recourir à un bâti traditionnel coûteux ; d’autre part, la nécessité pour les territoires ruraux de mieux articuler agriculture vivante et droit au logement.

Une évolution législative attendue : reconnaissance de l’habitat réversible comme forme légitime

L’article L.151‑12 du Code de l’urbanisme a été complété par une disposition claire : une résidence démontable peut désormais être autorisée en zone agricole si l’exploitant l’habite de manière permanente et s’en sert comme siège pour son activité principale.

Jusqu’ici, l’implantation d’un habitat léger sur les terres agricoles relevait du parcours du combattant – entre illisibilité des règles, refus administratifs et contentieux coûteux. Le nouveau texte opère donc une reconnaissance explicite de la légitimité de ces formes d’habitat, dès lors qu’elles s’inscrivent dans un projet agricole cohérent et localisé.

Mais cette avancée n’est pas une autorisation générale. L’autorisation reste conditionnée à une nécessité fonctionnelle, par exemple le besoin de présence continue sur site pour l’élevage ou la culture. Les critères de réversibilité eux aussi sont relativement stricts : l’habitat doit être démontable, non fondé sur une dalle en béton, et ne pas nuire à l’usage agricole du sol.

 

© Architiny

Cette reconnaissance fait suite à une série d’alertes de terrain, relayées depuis plusieurs années par des associations de paysans, des élus ruraux et des collectifs pour le droit à l’habitat léger, qui dénonçaient l’absurdité d’un encadrement empêchant les agriculteurs de vivre sur leur lieu de travail.

Conditions de vie et accès à la terre : des enjeux concrets pour une nouvelle génération d’agriculteurs

Derrière cet ajustement juridique se joue une réalité sociale : de nombreux projets d’installation agricole échouent faute de logement abordable. Face au prix du foncier, à la rareté du bâti disponible, à la rigidité des règles de constructibilité en zone A (agricole) ou N (naturelle), l’habitat léger s’est imposé comme une solution pragmatique.

Ce mode d’habiter offre plusieurs avantages indéniables. Tout d’abord, il est peu onéreux, ce qui permet à de jeunes agriculteurs ou des néo-ruraux de s’installer sans s’endetter lourdement après l’achat de l’exploitation. Il s’adapte également aux logiques de saisonnalité ou de mobilité (ex. transhumance, maraîchage itinérant). Enfin, il répond aux aspirations d’un mode de vie sobre, ancré localement, souvent autogéré.

Mais sans statut légal, ces habitats restaient précaires, soumis à des expulsions ou à des refus de raccordement aux services publics (eau, électricité). En leur donnant un cadre, la loi ouvre la voie à une stabilisation des conditions de vie, sans renoncer à la vocation agricole des terres concernées.

L’amendement voté offre ainsi une première brèche dans une doctrine d’urbanisme longtemps fondée sur la dissociation stricte entre « construire » et « cultiver ». Il reconnaît qu’habiter autrement est parfois une condition pour produire durablement.

© Getty images Unsplash

Un impact écologique et social structurant

Ce changement législatif dépasse le simple cadre administratif. Il ouvre des perspectives nouvelles à la croisée de plusieurs enjeux contemporains. Sur le plan écologique, il favorise des formes d’habitat à faible impact, sans artificialisation, en lien avec la terre, et souvent auto-construites ou pensées en matériaux biosourcés. Sur le plan social, il permet à des agriculteurs souvent isolés ou précarisés de vivre dignement sur leur lieu d’exploitation, de renforcer leur autonomie, et de tisser un lien direct entre habitat et activité. Sur le plan territorial, il participe à une redéfinition de l’aménagement rural, plus souple, plus inclusif, plus attentif aux usages et aux initiatives locales.

Il est à présent temps pour les préfets et services instructeurs de s’en emparer activement, pour les porteurs de projets de se former à ces nouveaux droits et pour nos agents publics de faire évoluer les PLU pour accompagner et appliquer durablement cette loi.

En reconnaissant la légitimité d’un habitat sobre, réversible et adapté aux réalités agricoles, cette disposition marque peut-être le début d’un changement culturel profond : penser l’habiter comme un outil d’émancipation et non comme une menace d’urbanisation.

 

LDV Studio Urbain
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