Enquêtes sensibles : désirs d’habiter Nantes – Saint-Nazaire

Trajectoire 2050 est le “nom de code” d’une exploration tracée par le Pôle métropolitain Nantes Saint-Nazaire autour d’un fil directeur précis : interroger la vision commune du désir d’habiter, des trajectoires de vie des habitants à la formulation d’une intensité urbaine désirable et possible dans nos communes. Un groupe de dix-huit étudiants de L’École de design Nantes Atlantique a intégré cette nouvelle expérimentation 2024/2025 – Désirs d’habiter. Auprès des habitants des différentes communes, ils ont réalisé une série d’enquêtes sensibles et collecté une matière nourrie des besoins et aspirations en matière d’habitat.
Trajectoire 2050 : cartographie d’une vision transformatrice
Vision, animation, transformation
Selon le Pôle métropolitain Nantes Saint-Nazaire : « Face à une équation à résoudre de plus en plus complexe, notre fabrique du territoire doit se donner les moyens de réinterroger la vision commune, avant d’identifier les grands enjeux d’aménagement pour demain, articulés entre robustesse, interdépendances et habitabilité.”
Il ne s’agit pas de nous poser la question « que va-t-il advenir ? » mais bien « que voulons-nous ? À l’échelle de notre grand territoire de Nantes à Saint-Nazaire, le Pôle métropolitain doit être ce lieu de l’expression démocratique, où (…) redéfinir, solidairement, l’habitabilité de nos bassins de vie et de travail. »

Crédit photo ©Nantes Saint-Nazaire Développement
Les explorateurs concernés
Cette mise en mouvement a concerné une typologie d’acteurs variés :
- 4 communes parties prenantes : Saint-Etienne-de-Montluc, Saint-Mars-du-Désert, Rezé et Trignac, lauréates de l’appel à candidatures du Pôle métropolitain Nantes Saint-Nazaire ;
- des habitants volontaires des zones concernées ;
- 7 encadrants, chercheurs en “résidence pas très académique” et enseignants ;
- 2 laboratoires de recherche / pédagogie ;
- ;18 étudiants du City Design Lab et du Media Design Lab ;
Les étudiants ont créé des protocoles d’enquêtes sensibles autour de questions clés : comment assurer une qualité de vie harmonieuse entre anciens et nouveaux habitants ? Comment conjuguer intensité urbaine et abondance d’espaces naturels au service de l’intensité de vie ? Comment continuer d’accueillir d’autres habitants tout en garantissant les conditions d’un « vivre bien » ? Quelle perception ont-ils de leur lieu de vie ?

Photo : Ouest France
Ce travail de terrain, en partenariat avec le Laboratoire des déviations écologiques, a suscité la création d’outils d’enquêtes sur mesure pour pour questionner l’intime et libérer la parole. Ces protocoles d’enquête ont aussi permis d’enregistrer avec le plus de justesse possible les perceptions et souhaits des habitants du territoire.
Outils ludiques et participatifs pour enquêtes sensibles
2 types de cadres
Afin de collecter au mieux les vécus et ressentis des citoyens, les étudiants ont réfléchi au type d’enquête à réaliser et aux effets produits par ceux-ci. Ils ont convenu d’enquêter grâce à 2 cadres :
- Le face-à-face : une fois le climat de confiance installé, la parole devient plus libre et le recueil de l’expérience vécue, plus riche. On peut entrer davantage dans l’expérience sensible.
- Le focus group ou enquête au sein d’un petit groupe : les échanges entre habitant·es peuvent révéler des avis contradictoires qui constituent autant d’éléments d’analyses précieux pour confronter les imaginaires.
L’enquête sensible, processus long et exploratoire, ne cherche ni l’exhaustivité ni la représentativité. Elle livre un aperçu, un échantillon in situ et en temps réel d’expériences de vies. Faire varier les temporalités (semaines, week-ends) et les espaces (café, bibliothèque, supermarchés) permet de s’assurer d’un large panel “d’enquêtés”.
6 protocoles d’enquêtes sensibles
Jeu de cartes “cap ou pas cap”, cartographie sensible, thermostat social, photolangage, jeux de rôles ou “cadre de vie” ont constitué autant de supports à partir desquels nos étudiants en design ont pu mener leurs investigations.
Par exemple le photolangage utilise des images concrètes ou imaginaires pour faire parler et réagir.

Projet Désirs d’habiter ©City Design Lab
De son côté, la cartographie sensible enregistre les ressentis à partir de la question : “que mettez-vous dans votre cadre de vie” ?

Projet Désirs d’habiter ©City Design Lab
Chaque outil permet de varier les angles et les formats afin de collecter les expériences et souhaits des citoyens. Autre exemple : le “thermostat social”, formidable générateur de discussions et de débats.

Projet Désirs d’habiter ©City Design Lab
Globalement les étudiants ont questionné des groupes d’habitants autour de 4 thèmes principaux :
- Liens sociaux et “vivre ensemble”
-
Habitat et cadre de vie
- Parcours résidentiel
- Représentations
Collecte de ressentis, vécus en vrac
On se fait des amis grâce au sport
Fait étonnant, la synthèse des données fait ressortir que pour la majorité des citoyens, les liens sociaux se tissent plutôt au sein d’activités (salle de sport par exemple) qu’avec leurs voisins lors d’interactions quotidiennes.
On cherche un cadre de vie “nature”
Dans les espaces périurbains, la qualité de vie s’associe immédiatement au respect de la biodiversité.
On veut voir loin et large
La notion d’horizon revient aussi fortement dans les entretiens : que voit-on depuis sa fenêtre ? Quels espaces cela ouvre-t-il dans la tête ?

Projet Désirs d’habiter ©City Design Lab
On aime les petits commerces de proximité
Selon certains habitants de Rezé, zone périurbaine de Nantes : « Les petits commerces, on s’y croise, on y passe beaucoup de temps (…) Alors que le Leclerc, ils reconnaissent plus notre carte bleue que nous.»
On veut partager, mais avec “une chambre à soi”
La dualité entre souhait de partager un espace collectif et celui de garder un refuge intime infuse les échanges. À Trignac, les jardins collectifs sont perçus de manière positive, mais avec quelques réserves. Un jeune homme évoque la nécessité d’un « coin à soi », même sans être propriétaire de ces jardins. Ainsi, il révèle son attachement à la notion d’intimité plutôt qu’à celle de la propriété. Cela fait écho à l’intérêt croissant de notre société pour les modes de vie partagés et collaboratifs, tout en respectant l’individualité de chacun.e.
On veut plus de toits pour les jeunes travailleurs
Enfin, le manque d’offres de location pour les jeunes actifs se fait sentir dans toutes les communes.
On envisage de troquer un espace contre des services rendus
Un retraité à Rezé nous informe que : « J’ai fait un studio dans mon garage, donc un jour ou l’autre, je vais trouver un étudiant à qui je le louerai gratuitement. En échange il m’emmènera faire mes courses, c’est prévu pour moi. »
En conclusion, interroger l’habitat et plus particulièrement l’habitat dans une logique d’intensité de ville, de vie et de nature, c’est interroger bien plus que le logement : le logement et la vie qui va avec.