Aux bennes citoyens !

Une femme jetant des ordures dans un camion benne
6 Juil 2017

Dans un premier billet consacré à la question des déchets, nous nous intéressions à l’institutionnalisation de la transition écologique, et à l’historicité des pratiques de tri et recyclage en tant qu’enjeu politique contemporain majeur. Aujourd’hui, place à la question – très sociologique – du rôle des citoyens dans ce processus complexe…

photo de poubelle qui sont a l envers a san francisco

Poubelles la tête à l’envers – © torbakhopper sur Flickr

Les déchets : un imaginaire à démocratiser

Des études de psychologie sociale[1] ont démontré la portée performatrice de la sémantique, en analysant la différence de représentation entre les déchets – perçus négativement – et le tri sélectif – perçu positivement dans la pensée collective dominante. Ainsi, de nombreux facteurs psychosociaux affecteraient les pratiques de tri, dont notamment le contrôle social[2], la perception des contraintes (temps, espace, coût financier) mais également le degré de connaissances relatives aux modalités de collectes et la croyance en l’efficacité du tri sélectif.

Si les non trieurs sont mal informés pour la grande majorité, les personnes averties et démontrant un intérêt pour l’environnement ne sont pas celles qui ont les comportements pro-environnementaux les plus irréprochables [3]! Ce décalage entre idées et actions s’explique par le fait que « les attitudes sont essentiellement orientées par les pratiques habituelles et les valeurs personnelles »[4] . L’apprentissage de la pratique du tri sélectif dans un contexte relativement stable est donc déterminant pour transformer des comportements ponctuels en habitudes, qui viendront alors amoindrir les contraintes perçues par les individus.

Sociologie des pratiques environnementales citoyennes

En outre, la dimension sociale affecterait sensiblement les comportements de tri et de récupération des déchets… Ainsi, le sentiment d’appartenance à une communauté dans laquelle un individu trouve une cohérence avec ses valeurs personnelles permet de stabiliser dans la durée les comportements pro-environnementaux. Des réseaux tels que Zero écoimpact ou Recyclope – centré sur la création de communautés au travers d’événements participatifs de ramassage collectif de mégots, par exemple -, visent notamment à faire connaître des solutions écologiques simples aux personnes intéressées.

Une femme jetant des ordures dans un camion benne


Montrer la voie – © Birmingham News Room sur Flickr

Les stratégies de communication à la fois physique (visibilité et présence des ramasseurs dans l’espace public, qui provoquent généralement un échange avec des passants interloqués) et numérique (en récompensant certains engagements environnementaux via des concours lancés sur différents réseaux sociaux spécialisés) mettent ainsi en exergue la capacité de ces acteurs engagés dans la transition à apporter une réponse ludique ou simplement plus tangible pour faire changer les comportements sur la question des déchets.

Nonobstant, ne serait-ce pas toujours les mêmes profils de « convaincus-convaincants », qui participent à ce type d’action ?

Vers une pédagogie du recyclage citoyen

Comment atteindre des publics qui, par manque de temps, d’argent, ou de renseignements restent en marge de ces questions ? Certes, il est nécessaire d’améliorer l’accès à l’information sur ce qui est recyclable, récupérable, ou réparable (via la généralisation de guide du tri, ou encore la géolocalisation de point de collecte). Mais cela passe aussi par la valorisation des initiatives citoyennes locales, qui montrent le fait que chacun, à la hauteur de ces moyens, peut contribuer à la réduction des déchets. Devenez ainsi un Trash Heroes en répertoriant les actions que vous connaissez, ou dans lesquelles vous êtes engagées…

 

Un ourson devant des poubelles

Ordures émotives – © gildas_f sur Flickr

Sensibiliser les individus sur la nécessité de réduire leurs déchets nécessite de comprendre leur sensibilité et de redonner du sens à ces gestes écocitoyens. Certains seront attentifs aux bénéfices économiques que leur apporte la récupération de palettes pour construire soi-même ses propres meubles au lieu d’aller chez le grand magasin suédois ; d’autres le bénéfice social qu’ils pourront réaliser en transformant du pain sec en gaufres pour le plus grand plaisir de leurs chérubins (recette de Récup & Gamelles à tester de toute urgence) ; d’autres encore lorsqu’ils discuteront avec un voisin de leur dernier coup de cœur littéraire devant la boîte à livres du quartier !

L’économie circulaire pour un futur plus vertueux ?

La gestion des déchets, parce qu’elle articule espaces public et privé, enjeux local et global, valeurs individuelle et collective, nécessite une approche transversale et souple pour s’adapter aux mutations urbaines et sociales en cours. Le glissement, ces dernières années, d’un traitement curatif à un traitement préventif des déchets interpelle quant à la place et au rôle des citoyens, que l’on somme d’adopter des comportements vertueux pour rendre les lendemains (collectifs) plus heureux.

Réintroduire les déchets dans une économie circulaire ; rompre avec la logique de silos qui a contribué à institutionnaliser des injonctions stériles pour nous pousser à recycler notre verre au profit de la recherche contre le cancer ; créer de nouveaux emplois valorisés et brisant les préjugés pesant sur la figure des cantonniers ; et mener des démarches collaboratives pour expérimenter de nouvelles manières d’appréhender les déchets en impliquant les citoyens dans des actions qui seront porteuses de sens pour eux : voilà les véritables enjeux !

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » comme nous le disait ce cher Antoine Lavoisier.

Diane Devau

 

[1]Dupré M., « Représentations sociales du tri sélectif et des déchets en fonction des pratiques de tri », Les cahiers internationaux de la psychologie sociale, 2013/2, numéro 98

[2] Carrus, G., Passafaro, P. et Bonnes, M., « Emotions, habits and rational choices in ecological behaviors: The case of recycling and use of public transportation », Journal of Environmental Psychology, n°28, 51-62, 2007

[3] Eckes, T. et Six, B., « Fakten und fiktionen in der einstellungs-verhaltens-forschung : Eine meta-analyse », Revue Zeitschchrist Für Sozialpsychologie, n°25, 253-27, 1994

[4] Thogersen, J. et Grunert-Beckmann, S.C. , « Values and Attitude Formation Towards Emerging Attitude Objects: From Recycling to General, Waste Minimizing Behavior », Revue Consumer Research, n°24, 182-189, 1997

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