Le Refuge du Vivant
En été, les villes suffoquent de chaleur le jour et peinent à refroidir la nuit. Le changement climatique exacerbe la température et génère des îlots de chaleur urbains. Ce faisant, il fragilise la santé des plus vulnérables : enfants, personnes âgées et personnes vulnérables. Face à l’implacable progression de ce phénomène, Géoconfluences invite les urbanistes à penser l’aménagement d’espaces ciblés : « Les villes doivent (…) mieux s’adapter aux variations à venir et favoriser les îlots de fraîcheur : végétalisation, espaces aquatiques, matériaux réfléchissants…». Créer des sanctuaires végétaux rafraîchissants et apaisants devient une urgence vitale.

Le Refuge du Vivant © City Design Lab
Deux îlots de chaleur à apaiser
Des espaces désertés en cœur de ville
Ce projet a été pensé par les designer Lou Jouve, Yasmine Levivier et Emma Ekalle Mbongo, toutes trois étudiantes au City Design Lab de L’École de design Nantes Atlantique. Ce laboratoire de recherche explore par le design les différents enjeux liés aux territoires et aux villes, en particulier leur transformation et leur régénération spatiale, sociale, environnementale et économique. Il aborde différents thèmes, sujets et questions par le prisme des limites planétaires pour favoriser les conditions d’habitabilité de la planète, notamment sociales, climatiques, de biodiversité, de ressources et d’énergie dans une dimension d’intérêt général et de justice sociale et spatiale.
Les designers ont identifié deux espaces urbains nantais : le Square Pilleux et la Place Canclaux, actuellement exposés à ce phénomène d’îlot de chaleur. De plus, les citoyens interrogés sur place évoquent des nuisances sonores et des tensions sociales : dans ces espaces, les bancs sont rares, l’ombre inexistante et les jeux pour enfants abandonnés. Les enfants, personnes âgées, jeunes adultes et parents poursuivent donc leur quête de fraîcheur et de convivialité ailleurs.

Le Refuge du Vivant © City Design Lab
Une scénographie poétique et pédagogique
Les objectifs du Refuge du Vivant sont multiples :
- transformer ces lieux de passage surchauffés en espaces de fraîcheur, de détente et de bien-être ;
- créer davantage d’ombre, d’assises et de jeux dans ces zones passantes ;
- éviter l’usage de technologies énergivores en favorisant des solutions naturelles telles que la climatisation par la terre cuite ;
- dérouler une médiation ludique et pédagogique autour des impacts du réchauffement climatiqu : bruit, chaleur, biodiversité en souffrance ;
Les étudiantes ont bénéficié d’un formidable partenariat avec Nantes Métropole. En outre, leur concept invite à nouer des liens avec le Muséum d’histoire naturelle de Nantes, les associations Gueules de Bois et Bambousol et enfin le Low Tech Lab de Bordeaux pour mener à bien ce projet.
Le héros de l’histoire : un ver de terre nommé Gaston
Refuge dans les entrailles d’un colosse
« Avec le réchauffement climatique, Gaston, un gigantesque ver de terre sensible aux vibrations de la planète, a senti que quelque chose ne tournait plus rond là-haut. D’un mouvement lent mais puissant, il a remonté la surface, traversant la terre nantaise.
Gaston est si long qu’il a surgi dans plusieurs parcs de la ville, formant d’étranges dômes et tunnels, ses entrailles sont exposées à l’air libre. Gaston a retourné la terre en remontant à la surface, ramenant avec lui des champignons géants dont il se nourrit. »

Le Refuge du Vivant © City Design Lab
Les tunnels et arches faits de bambou et terre cuite offrent une expérience sensorielle de fraîcheur, de silence et de ralentissement au cœur de l’agitation urbaine. Des champignons monumentaux surgissent dans le ventre de Gaston et à l’extérieur, offrant des capsules insonorisées aux citadins désireux de reposer leurs tympans.
La raison d’être de Gaston
Pourquoi avoir fait le choix d’un ver de terre géant ? D’une part, car le rôle de ce champion de la biodiversité est souvent sous-estimé. En se déplaçant, celui-ci crée des galeries qui améliorent la qualité du sol. Néanmoins, il souffre énormément des vagues de chaleur. La sécheresse du sol ralentit ses activités et rend son environnement invivable.
D’autre part, les designers ont souhaité nourrir l’imaginaire fantastique qui enveloppe la ville de Nantes. Gaston s’inscrit dans la pure tradition des univers de Jules Verne, “père de la science-fiction”, des pas vert fluo tatoués sur les trottoirs de la ville et des créatures démesurées peuplant l’Île de Nantes.
« Aujourd’hui, nous vous invitons à pénétrer dans le ventre du ver, un tunnel à l’abri de la chaleur, où le temps ralentit. On y entre comme on rétrécit, comme si la ville se taisait. En traversant ses courbes, on découvre à travers ses parois les transformations du parc environnant. On explore les effets du réchauffement climatique sur les organismes vivants, on visualise la fragilité de minuscules créatures. Ce n’est plus seulement un lieu à regarder : c’est un corps à écouter. »
Alors que les villes chauffent et que les esprits s’échauffent, le Refuge du Vivant propose un contre-rythme pour mieux ralentir, écouter, se rafraîchir et se réapproprier l’espace commun. Les arches de Gaston représentent plus qu’un simple aménagement urbain. Elles constituent une véritable expérience sensorielle et politique. Car se promener dans un ver de terre géant permet de cultiver une prise de conscience : nos villes aussi, ont grand besoin de respirer.