Le logement étudiant, vers une sortie de crise ?

22 Oct 2025 | Lecture 2 Min

Alors que la précarité étudiante tend à s’accroître d’années en années, trouver un logement pendant ses études est souvent très compliqué. Entre la saturation des résidences Crous et le développement de nouvelles résidences étudiantes à haut loyer, le modèle du logement étudiant souffre également de la crise du logement en cours.

Des annonces de financement public sont prévues pour les prochains mois pour pallier à l’inadaptation de l’offre actuelle aux enjeux sociaux étudiants. Peut-on encore sauver le logement étudiant ?

En septembre 2024, ce sont près de 3,1 millions d’étudiants qui ont fait leur rentrée en France. Un nombre qui augmente chaque année mais qui fait pourtant face à de plus en plus de difficultés à se loger : entre un marché de la location immobilière de plus en plus tendu dans les principales villes étudiantes du territoire et une crise qui frappe de plein fouet le secteur immobilier.

Trouver un logement dans ces circonstances pour les étudiants révèle souvent d’un long parcours du combattant, où dans une précarité étudiante croissante, peut devenir un élément véritablement bloquant pour ces derniers. En effet, les études récentes révèlent que près de 40% des étudiants rencontrent des difficultés.

Derrière cette réalité alarmante, comment les autorités publiques agissent ? Quelles sont les réponses possibles ? Et comment plus largement peut-on faire de cette crise une question de société ?

L’état des lieux d’une crise qui s’aggrave

À la rentrée 2025, on estime que 2 millions d’étudiants sont à la recherche d’un logement. Pourtant, la France ne compte qu’environ 2 900 résidences étudiantes, soit à peine 400 000 logements dédiés. Un écart immense qui explique en partie les difficultés rencontrées par les étudiants. Ces résidences sont partagées entre le parc public, principalement les Crous, et une part croissante d’opérateurs privés. Leur rôle est crucial : elles devraient offrir des loyers adaptés, des baux simplifiés et un cadre de vie pensé pour les étudiants. Mais faute de places en nombre suffisant, la majorité des jeunes se retrouve exclue de ce système.

Le Crous, acteur historique du logement étudiant, ne dispose actuellement que 175 000 chambres, soit  6 pour 100 étudiants à l’échelle nationale. Avec des loyers plus faibles (entre 250 et 400 euros par mois),  dans un contexte où près d’un étudiant sur deux se déclare en situation de précarité et où beaucoup doivent déjà travailler pour financer leurs études, elles apparaissent comme des solutions à adopter. Mais chaque année, les demandes excèdent largement l’offre et les critères d’attribution sont de plus en plus stricts alors même que certains bâtiments Crous, vieillissants, sont critiqués pour leur état parfois insalubre.

La résidence Crous Tonnellé à Tours. © Wikimedia Commons

Face à cette pénurie, la plupart se tournent vers le parc privé, où les loyers flambent dans les métropoles étudiantes. Les étudiants se heurtent alors à de multiples obstacles : dépôt de garantie élevé, exigence de caution parentale ou bancaire, sélection des dossiers au profit de profils plus stables financièrement. Ceux qui n’ont pas de garant sont souvent contraints d’accepter des logements plus chers ou moins adaptés, parfois éloignés des lieux d’étude.

Dans le même temps, les résidences étudiantes privées « premium » se multiplient, souvent avec des loyers dépassant les 700 ou 800 € mensuels, incluant salle de sport, espaces de coworking ou services hôteliers. Des offres séduisantes mais inaccessibles à la grande majorité. Elles ciblent en réalité surtout les étudiants issus de familles aisées ou les étudiants internationaux.

Résidence étudiante « premium » Campus Rimbaud. © Les Belles Années sur Fickr

Pourquoi le logement étudiant est en panne ?
Le manque de logements étudiants ne tient pas seulement à une pénurie de places mais aussi à des blocages structurels. Dans les grandes villes universitaires, le prix du foncier est devenu si élevé qu’il décourage la construction de résidences dédiées : investir dans du logement familial ou du bureau est souvent jugé plus rentable. Même constat pour les bailleurs : le logement étudiant rapporte peu par rapport à une location classique ou touristique, surtout avec des baux courts et des loyers encadrés.

Résidence A Docks. © Alexandre Prevot sur Flickr

À cela s’ajoute un manque de coordination des politiques publiques. Les aides au logement existent mais restent fragmentées, mal calibrées ou insuffisantes face aux besoins réels. Résultat : le soutien n’atteint pas toujours les étudiants qui en ont le plus besoin. Enfin, pour ceux qui accèdent à un toit, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Une part importante des jeunes, souvent les plus précaires, se loge dans des studios vétustes, énergivores voire indignes, faute d’alternative.

Au croisement de ces facteurs, le logement étudiant reste malheureusement aujourd’hui un angle mort des politiques du logement, alors qu’il conditionne directement la réussite des études supérieures et l’égalité d’accès à l’éducation.

Quelles réponses possibles ?

Face à une crise devenue structurelle, plusieurs pistes s’esquissent. Le plan gouvernemental annoncé en 2025 prévoit un « tour de France du logement étudiant » pour dresser un état des lieux au plus près des territoires. Parmi les mesures avancées figurent la cession gratuite de foncier public pour construire de nouvelles résidences universitaires et la reconversion de bureaux vacants en logements étudiants. L’idée est de lever certains freins structurels, mais la mise en œuvre reste encore à préciser et dépendra fortement de la mobilisation des collectivités locales.

À l’échelle locale, des expérimentations voient le jour. Certaines villes universitaires, comme Lyon ou Bordeaux, ont engagé des programmes de résidences sociales étudiantes avec des loyers inférieurs au marché, gérées par des bailleurs sociaux. D’autres, comme Paris et Lille, s’appuient sur l’encadrement des loyers pour contenir la flambée du marché privé, même si l’efficacité reste discutée. On voit aussi se développer des projets de colocations solidaires, inspirés du modèle KAPS (Kolocations à projets solidaires) porté par l’association AFEV, qui permet à des étudiants de payer un loyer réduit en échange d’un engagement dans la vie de quartier.

Enfin, les associations étudiantes et collectifs jouent un rôle de plus en plus visible pour défendre le droit au logement. L’UNEF publie chaque année son enquête sur le coût de la vie étudiante et alerte sur la flambée des loyers. La FAGE, de son côté, interpelle régulièrement l’État sur la faiblesse de l’offre publique et propose des solutions concrètes. À côté de ces organisations nationales, des collectifs locaux comme “Étudiants sans toit” à Toulouse ou “Étudiants en galère de logement” à Nantes organisent des mobilisations et accompagnent les jeunes dans leurs démarches.

Une question de société

Derrière la question de l’accès au logement pour les jeunes étudiants en France, c’est bien la question de l’égalité des chances et l’accès à l’enseignement supérieur qui sont en jeu. On estime environ chaque année que 12 % d’entre eux doivent renoncer à leurs études faute de trouver un lieu où vivre. Alors peut-on finalement imaginer un “droit au logement étudiant”, en prolongement du droit à l’éducation qui permettrait à toutes et tous de pouvoir se former et dessiner sereinement les contours de la vie ?

 

LDV Studio Urbain
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