Urbanisme temporaire : Paris montre l’exemple

La signalétique et le mobilier donnent de nouvelles couleurs à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul Photo : Jasmine Léonardon
8 Déc 2016

Autrefois décrié, l’urbanisme temporaire a désormais le vent en poupe. La ville de Paris veut « massifier » cette démarche d’occupation passagère des espaces urbains délaissés. Comment l’urbanisme temporaire s’est-il imposé auprès des acteurs de la ville ? Eléments de réponses.

Pavillon de l’Arsenal, mercredi 24 novembre : la salle est comble. Jeunes ou plus âgés, venant d’entreprises, d’associations ou des collectivités, tous n’ont qu’un mot à la bouche : l’urbanisme temporaire. Il s’agit de l’occupation provisoire, de quelques mois à plusieurs années, d’un lieu urbain inoccupé. Les sites privilégiés sont souvent d’anciens locaux industriels, des bâtiments publics ou des immeubles de bureaux vacants.

Longtemps assimilée au squat, cette démarche n’a pas toujours été au goût des municipalités. Mais la tendance a basculé lorsque les acteurs de la ville ont réalisé les avantages de ces pratiques lorsqu’elles sont encadrées et organisées.

La signalétique et le mobilier donnent de nouvelles couleurs à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul Photo : Jasmine Léonardon

La signalétique et le mobilier donnent de nouvelles couleurs à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul
Photo : Jasmine Léonardon

Une occupation passagère qui fait du bien à la ville

Les grands projets d’aménagement urbain s’écoulent sur plusieurs années et il est parfois difficile d’y associer les populations locales. L’urbanisme temporaire permet d’ouvrir les lieux et d’y développer des activités qui attirent et intègrent les habitants du quartier. Le site acquiert ainsi une identité et devient un espace de vie. C’est le cas de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, où les associations Aurore, Plateau Urbain et Yes We Camp animent le projet des Grands Voisins. En attendant sa transformation en écoquartier à partir de 2017, cet ancien hôpital est investi par des centres d’hébergement, des associations, des artistes, des entreprises, etc. Le projet permet notamment de tisser et entretenir un lien avec le voisinage qui profite des activités organisées sur place. « Le public que nous visons est plutôt familial et de proximité », confirmait Jean-Baptiste Roussat, secrétaire de l’association Plateau Urbain dans un article publié sur notre blog en juin. Preuve de son succès, le site accueille aujourd’hui près de 1 000 personnes par jour.

L’urbanisme temporaire permet ainsi de proposer des locaux à des coûts accessibles à des porteurs de projets qui en ont besoin. Du côté des propriétaires, c’est une manière de rentabiliser des sites inexploités, dont les frais de gardiennage mensuels sont estimés à au moins 15 000 euros par mois. Cela permet également d’éviter le squat de lieux vacants en attendant un projet d’urbanisme.

Les propriétaires privés et publics l’ont bien compris. Habitat ou Gecina ont mis des bâtiments inexploités à la disposition d’artistes pour le premier et du Welcome City Lab, plateforme d’innovation touristique de l’incubateur Paris & Co, pour le second. A Nanterre, le squat d’un bâtiment classé appelé Pavillon du Docteur Pierre a poussé la SEMNA (Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion de la ville de Nanterre) à formaliser une occupation du lieu. L’association Soukmachines y a animé pendant dix mois un espace d’expression artistique temporaire. Pour la première fois, les Nanterriens ont eu la possibilité de visiter et profiter de ce site.

Enfin, l’urbanisme temporaire permet de tester de nouvelles idées, qui pourront même être pérennisées sous une forme ou une autre après la fin de l’occupation du lieu.

Vers une généralisation de l’urbanisme temporaire ?

Consciente de ces avantages, la Mairie de Paris souhaite développer l’urbanisme temporaire. « Avec 140 hectares de friches industrielles en Ile-de-France, le potentiel de l’urbanisme temporaire est considérable. Il faut massifier et systématiser cette démarche », indique Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris chargé de l’urbanisme. Il va développer une procédure d’appel à candidature souple pour faciliter l’occupation temporaire dans le cadre des grands projets d’aménagement parisiens. Il réfléchit également à une charte des bons usages en matière d’économie sociale et solidaire.  De son côté, l’association Plateau Urbain vient de lancer une plateforme numérique pour « faciliter l’accès des porteurs de projets aux locaux disponibles en Ile-de-France ».

Marqué par la désindustrialisation, le département de la Seine-Saint-Denis a également été pionnier dans l’urbanisme temporaire, avec le 6B, lieu de création artistique ouvert depuis 2010. Pour Patrick Braouezec, président de Plaine Commune, « subies au départ, les friches industrielles de Seine Saint-Denis sont devenues un atout ». Il évoque 60 à 70 % de terrains mutables sur son territoire, ce qui laisse imaginer de nombreux projets d’occupations à l’avenir.

Au-delà des freins psychologiques qui empêchent certains propriétaires de se lancer dans l’urbanisme temporaire, des freins juridiques ou administratifs (liés aux assurances des lieux par exemple) existent encore. Mais assurément, comme l’affirme Paul Citron, directeur du développement de Plateau Urbain, « en ce début de 21e siècle, l’urbanisme temporaire s’impose comme une évidence ».

Fabienne Bouloc

Demain la Ville
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