Quelle place pour les équipements sportifs dans la ville de demain ?

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10 Mai 2017

La ville est-elle «un gymnase comme les autres» ? En 2013, nous posions ici-même cette question ; nous rebondissions alors sur un certain nombre de tendances, observées au détour de notre veille, qui toutes convergeaient vers une transformation de l’espace public en gigantesque terrain de jeu pour sportifs urbains. Qu’en est-il aujourd’hui, près de quatre ans après ce premier jet ?

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Crédits : “Playground” (Palerme, Sicile) – par Never Edit

En quatre ans, les tendances alors émergentes ont évidemment eu le temps de s’institutionnaliser… et les acteurs urbains «traditionnels» de prendre acte de cette transformation. En septembre dernier, l’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) publiait d’ailleurs une passionnante étude pour rendre compte de ces pratiques urbaines, et surtout de l’impérieuse nécessité de les incarner dans la pratique urbanistique :

«Le développement des pratiques dites « libres » (hors club) et la fréquentation croissante de l’espace public par les sportifs posent la question des conditions de cette pratique, pour rendre le sport plus présent, plus accessible, et en faire un vecteur d’échange pour tous.»

Certes focalisée sur le contexte parisien, cette étude prospective a eu le mérite de mettre le doigt sur une série d’enjeux relatifs à l’ancrage du sport «libre» dans l’espace urbain. Et bien évidemment, comme souvent dans la fabrique de la ville, les acteurs tiers et non-institutionnels ont été les plus prompts à répondre à ces tendances urbaines, de manières diverses et variées… Panorama de quelques initiatives observées à travers le monde, qui témoignent de la capacité des acteurs urbains, mais aussi des artistes et des marques, à inventer la ville comme stade à ciel ouvert !

Remettre le sport en coeur de ville

Longtemps relégués aux bans des villes, faute d’espace disponible, les «city-stades» retrouvent aujourd’hui une certaine désirabilité en plein coeur de ville. A Atlanta, c’est par exemple à proximité de la plus grande station de métro de la ville que s’est installée le plus grand «playground» de la ville, entièrement dédié au football. Dans un pays où le ballon rond reste encore largement dénigré, cette érection est évidemment un geste fort. Entièrement financé par une association de promotion du football et le club de la ville, l’ancrage particulièrement central du stade est un signal non-négligeable.

Celui-ci se rapproche ainsi du modèle des city-stades observées dans certaines mégalopoles du Sud-Est asiatique (Hong Kong, Tokyo, Séoul, etc.), où les stades urbains s’inscrivent dans les centralités denses, au lieu d’être reléguées aux périphéries. En France, c’est malheureusement cette logique qui reste aujourd’hui dominante. La multiplication des «Five» (des hangars dédiés au football à 5 contre 5), exclusivement aux frontières de Paris, en est par exemple le plus criant témoignage. Néanmoins, l’émergence de nouveaux projets tels que des «playgrounds» multisports à étages, occupant donc une surface réduite pour un public élargi, pourrait favoriser le retour du sport en coeur de ville. Il en va de même pour la tendance du «street workout», la «musculation de rue», qui requiert assez peu d’équipements publics et dont le succès actuel contribue à redonner vie à certains parcs et interstices urbains ! Reste à savoir si les collectivités souhaiteront ré-investir dans le sport urbain, parfois échaudées par de mauvaises expériences en la matière…

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Crédits : “Crossfit workout behind the old supermarket” – par Robert Couse-Baker

Les marques à l’assaut du sport urbain

Mais pour l’heure, faute d’une véritable prise en charge du sport par les acteurs institutionnels, ce sont évidemment les marques qui tentent de faire entendre leur voix sur le sujet. Cette émergence des marques comme «acteurs urbains» à part entière, si elle n’est pas inédite (cf. «Les marques à la conquête de la ville agile », par l’auteur), prend des formes toutefois surprenantes quand il s’agit de sport. Ainsi, à Bangkok, la société AP Thaï a imaginé des terrains de football s’inscrivant littéralement dans les interstices de cette métropole chaotique. Il en résulte des terrains aux formes biscornues, dont les photographies vues du ciel ont depuis fait le tour du monde. On notera d’ailleurs que celles-ci s’inspirent directement des terrains de sports improvisés dans les favelas, dont nous vous avions déjà parlé en 2013. Preuve que les innovations se diffusent, lentement mais sûrement, d’un bout à l’autre du globe…

Cette campagne n’est évidemment pas anecdotique. On compte aujourd’hui de multiples exemples de city-stades conçus ou simplement redécorés par les marques, à l’instar du très fameux terrain de basket parisien repeint par la marque de vêtement Pigalle, qui fait depuis le bonheur des photographes de mode. De même, à New York, c’est Nike qui a initié une série de collaboration avec les street-artistes locaux, pour des terrains de baskets aux couleurs psychédéliques. Les artistes viennent ainsi se greffer aux marques pour redonner une visibilité à ces «playgrounds» souvent oubliés par les citadins qui les longent chaque jour.

Quels modèles pour les sportivités de demain ?

En l’absence de prise en charge par les acteurs urbains et les collectivités, dont les finances exsangues ne permettent plus d’investir autant qu’avant dans les infrastructures sportives, ce sont donc les marques qui se taillent pour l’instant la part du lion. Ces collaborations semblent appelées à se multiplier dans les années à venir, au point que nos cousins de The Pop-Up City en ont fait l’une de leurs tendances-phare pour 2017. Reste à savoir si celles-ci resteront cosmétiques, ou si elles répondent véritablement aux besoins des citadins.

D’autant que cette «privatisation» du sport pose évidemment question. Prenons par exemple le cas de cette marque de biscuits brésilien, qui a installé sur certaines places un mobilier proposant des ballons en libre-service à destination des enfants du quartier. Si l’idée semble louable sur le papier, et fait d’ailleurs écho à une tendance plus générale sur «la ville en libre-service» , elle soulève néanmoins quelques interrogations quant à l’équité d’accès aux équipements. Comme on le voit dans la publicité, les enfants doivent utiliser une clé pour accéder au ballon. Certes, ce n’est là qu’une publicité a priori inoffensive… mais si ce type de dispositifs venait à se généraliser, portés par des acteurs privés, comment serait garantie l’égalité d’accès aux sportivités urbaines ? Nous sommes bien entendu curieux de connaître votre avis sur la question. Selon vous, quelle place accorder au sport dans la ville de demain ?

 

Pour aller plus loin :

 

{pop-up} urbain
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