L’écoquartier poétique des Capucins à Brest fédère les citoyens autour de leur patrimoine

photo ecoquatiers les capucins
5 Avr 2018

Au cœur de la ville de Brest dans le Finistère, entre la rivière de la Penfeld et le centre historique de la ville, le plateau des Capucins domine les environs. Tirant son nom d’un ancien couvent de moines capucins, le site a ensuite été investi par la Marine qui y a installé des casernements puis construit au milieu du 19è  siècle les bâtiments industriels des Ateliers. Aujourd’hui cédé à la métropole, le quartier des Capucins se construit une toute nouvelle identité, pleine de poésie.

Jusqu’alors source de curiosité, de fantasmes voire de légendes urbaines, le quartier est désormais accessible aux brestois qui s’y plaisent à alimenter leur imagination en se rendant sur ce perchoir urbain. C’est d’ailleurs dans ce cadre que depuis 2016, les citadins sont invités à réfléchir conjointement à des projets urbains pour redonner une nouvelle vie au plateau. Raphaële Masure, du Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public de Brest, autrement appelé le « Fourneau », nous explique la manière dont l’art et la culture peuvent permettre de reconquérir l’écoquartier des Capucins, véritable organe patrimonial d’une cité presque entièrement ravagée par les flammes de la guerre.

Par le biais de l’art, de la poésie et de la rencontre, découvrons ce qu’est aujourd’hui devenu ce territoire, nouveau théâtre brestois de l’imaginaire urbain…

 

photo ecoquatiers les capucins

Les fantasmes transmis par les ateliers des Capucins prennent aujourd’hui une autre dimension

 

Le quartier des Capucins a longtemps été interdit d’accès aux civils. Quelle est aujourd’hui sa place dans le contexte urbain de Brest ?

L’ancien couvent qui a donné son nom au plateau a été attribué à la Marine après la révolution. S’y sont implantés  des casernements pour apprentis canonniers puis des infrastructures de l’arsenal, réparties le long de la rivière de la Penfeld. Il était évidemment proscrit de s’y rendre, c’était un genre de cité interdite, entourée de grands murs qui alimentaient énormément de fantasmes aux yeux des habitants de la ville… Dans ce secteur de la rive droite, c’était vraiment le quartier des marins, avec l’ambiance nocturne qui va de pair. En fin de compte, les activités de l’armée et de la Marine ont évolué et les Ateliers des Capucins ont finalement fermé leurs portes en 2004. L’ensemble du secteur a donc été rétrocédé à la métropole et l’occasion se présente alors d’aménager cet espace d’une façon innovante.

De l’autre côté de la rivière dans le port de commerce, une enclave militaire avait déjà été rétrocédée quelques années plus tôt : elle est aujourd’hui devenue depuis 2009 ce que l’on appelle le port de plaisance « du château », à proximité du cœur historique de la ville et de ses grands axes marchands.

Aujourd’hui, les Ateliers et le centre-ville, qui se font face par-delà la Penfeld sont reliés par un téléphérique urbain flambant neuf : en quelques minutes seulement, il est possible de se rendre depuis le centre commerçant de la ville jusqu’à l’écoquartier des Capucins et ses Ateliers. Aujourd’hui, il est important que le quartier des Capucins puisse être plus accessible que ce qu’il n’a été jusqu’à présent. Avec la reconquête progressive des rives de la Penfeld, le visage du centre de la ville de Brest va se transformer dans les prochaines décennies.

 

photo du telepherique ecoquartier des capucins a brest

Sur les hauteurs de la Penfeld, le quartier est aujourd’hui accessible en téléphérique © Brest-bma.fr

 

Quelle place offrez vous aux citoyens dans ce projet d’aménagement et quel est leur rôle ?

L’objectif avec ce nouvel écoquartier est d’offrir aux citadins une vraie mixité d’usages. On y trouvera en effet des logements, des espaces de bureaux, une cité internationale à destination des chercheurs et des étudiants, un hôtel et plein d’autres activités diverses. Au sein-même des ateliers se trouveront un pôle de culture et de loisirs mais également des activités privées comme des commerces, des cafés, des restaurants, un cinéma… même une salle d’escalade ainsi qu’un pôle d’innovation accueillant l’équipe French Tech Brest +, des espaces de coworking numériques et un accélérateur de start-up « Village by CA », mais aussi le pôle des excellences maritimes, vitrine ludique de la recherche et de l’innovation maritimes dans les domaines techniques et technologiques ! La volonté est vraiment de construire un écoquartier ainsi qu’un pôle économique et innovant qui puisse vivre à toutes les heures de la journée.

En ce qui concerne les espaces publics, l’aménageur (BMa) et la Ville ont lancé une démarche participative artistique expérimentale pour imaginer les nouveaux usages autour des Ateliers et du nouveau quartier. Les usages de ces espaces sont imaginés avec des artistes et avec les habitants, usagers d’aujourd’hui et de demain de ce quartier. Dès 2011, le Fourneau avait déjà engagé avec la Ville un projet que l’on avait appelé « la Marche des Capucins » et qui a permis à plusieurs centaines de personnes d’accéder aux Ateliers. C’était la deuxième ouverture des portes des anciens ateliers de la Marine qui se trouvaient encore « dans leur jus ». Puis en 2014 nous avons organisé une marche autour des Capucins dans le but de reconnecter encore plus fortement cet espace avec les habitants de Brest.

Enfin en 2016, Le Fourneau et Passerelle, Centre d’art contemporain de Brest ont répondu à un appel d’offre lancé par la métropole. Jusqu’à présent, nous n’avions jamais travaillé avec eux puisque nos champs d’action artistiques sont très différents. Mais nous sommes deux acteurs culturels largement ancrés dans la ville et reconnus auprès des habitants depuis maintenant une trentaine d’années, ce qui a permis de combiner nos expertises complémentaires. Nous avions alors la capacité d’embarquer dans l’aventure un grand nombre de personnes avec nous.

Dès 2016 donc, la « Fabrique citoyenne et poétique des capucins » a commencé à se développer avec Passerelle et les acteurs du territoire. Tandis que Passerelle a une expertise de médiation plus pointue que nous en matière d’architecture ou de design, nous avons au Fourneau un regard accompli sur l’art dans l’espace public : ce qu’on peut y rêver, y imaginer etc. En combinant nos expertises et en faisant appel à certains artistes, on a initié cette démarche qui dure depuis deux ans durant laquelle nous essayons d’imaginer différents usages d’espaces publics et de créer des mobiliers qui répondent à ces pratiques. Grâce à différents ateliers de réflexion et de fabrication nous avons créé du mobilier pour l’intérieur des Ateliers, où plusieurs milliers de m² sont à la disposition du public. Ce mobilier que nous inventons est modulable, déplaçable et permet à tout le monde de se rencontrer, de se reposer…Il s’agit en effet d’expérimenter des usages au sein d’un nouvel espace à investir. Nous avons par exemple construit des tables à roulettes, ou encore des petites lampes afin que les utilisateurs puissent se construire le petit cocon qu’il souhaitent, où ils le souhaitent.

Sur le belvédère Césaria Évora qui offre une vue imprenable sur le Penfeld, vers la rade et le château, se trouve le premier équipement à avoir ouvert ses portes au sein des Ateliers  : la médiathèque. Devant, 6 modules en bois que l’on a appelés des « jardins de lecture »  viennent compléter cet équipement : ils permettent de s’asseoir pour discuter, pour lire, pour observer la ville, pour prendre le soleil etc. Ces modules aux postures différentes ont été réalisés avec la complicité des « ManufActeurs », un collectif d’architectes designers brestois en collaboration avec de nombreux habitants. En somme, nous laissons vraiment les habitants être maîtres de leur quartier et rêver les usages possibles de leurs espaces publics !

photo des citadins de l ecoquartier a brest

Même les enfants des citadins ont une place dans la construction du projet
© Lefourneau.com

 

 

Quel est aujourd’hui le point de vue des habitants sur ce nouveau territoire qui se construit ?

Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que les habitants se sont clairement approprié le lieu. Heureusement, puisque c’était l’objectif initial de la démarche ! Nous avons ressenti une vraie curiosité de leur part. D’ailleurs, 40 000 personnes sont venues en Janvier à l’inauguration officielle des Ateliers ! Aujourd’hui encore, tout le monde réussit à trouver une place au sein de cette grande structure couverte. Tous les acteurs culturels se sont emparés de ce lieu au cœur de la ville et il s’agit pour nous d’une vraie fierté parce que c’est le patrimoine local qui est mis en valeur pour le bien de tous. Et dans une ville qui a été rasée à 90 % à cause de la guerre, c’est quelque chose qu’il faut savoir apprécier !

D’ailleurs, après un énorme travail de la part de Brest sur la connaissance de son histoire et de son patrimoine, la ville vient d’être labellisée ville d’art et d’histoire. Avec le projet de l’écoquartier des Capucins, c’est une nouvelle preuve que le patrimoine et la culture peuvent agir conjointement en faveur de la ville de demain.

 

 

Pour quelles raisons la construction de la ville de demain doit-elle donc adopter ce genre de démarches citoyennes ?

La ville et ses espaces publics sont des lieux de rencontre, de vivre-ensemble et de partage. Si la ville n’est pas construite avec les usagers et pour les usagers, alors on ne peut que perdre cette possibilité de faire se rencontrer tous les citadins dans ces espaces communs et culturels. Nous sommes convaincus que c’est dans ces espaces que l’on peut aller au plus près des habitants, les toucher et les sensibiliser à une construction commune de la ville. Au-delà d’investir les espaces publics et de les sublimer et de marquer les mémoires avec des émotions fortes, nous avons vraiment la possibilité de fabriquer durablement et collectivement la ville.

Nous sommes persuadés que toute personne est capable de penser l’espace dans lequel elle vit, puisqu’elle en est le premier usager. C’est un droit culturel, de laisser à chacun la possibilité d’être créateur, de faire connaître sa pensée, de réfléchir à son environnement et d’échanger à ce sujet. Nous sommes plus intelligents à plusieurs et cette démarche mérite d’être connue pour pouvoir transmettre une expérience sur le sujet. Enfin, nous pourrons créer une expertise qui ne doit pas être dupliquée, puisqu’elle dépend du contexte urbain, mais qui doit en tous cas inspirer l’ensemble des acteurs d’autres villes. Les artistes apportent un imaginaire et une poésie, et sont les médiateurs qui permettent l’implication de citoyens dans l’aménagement de leur ville.

 

 

LDV Studio Urbain
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