Beatriz Ramo : « Imaginer une ville résiliente, c’est la penser à sa plus petite échelle, l’habitat »

Beatriz Ramo pense un habitat évolutif en fonction des besoins des occupants.
24 Fév 2016

Et si le développement des modèles urbains de demain prenait en compte la dimension intérieure de nos logements ? C’est le scénario que propose Beatriz Ramo, architecte urbaniste espagnole et fondatrice de l’agence STAR strategies + architecture, qui élabore avec son équipe un programme d’habitation de 330 logements à Ivry Confluences (Ivry-sur-Seine) pour la SADEV94. Ce dernier est fondé sur une approche des nouveaux modes de vie des gens. La méthode envisagée par Djamel Aït-Aïssa, directeur opérationnel de SADEV94 pour la conception de ce projet constitue une démarche unique qui a mis le projet au cœur d’un processus de création, autour de 4 promoteurs en concurrence. Dans le cadre des auditions de l’Observatoire de la Ville sur la « Réver(cités), Villes recyclables et résilientes », nous sommes allés à la rencontre de Beatriz Ramo.

Logement coopératif : interview de Beatriz Ramo

Beatriz Ramo

« Le logement est à la fois un morceau de territoire et le territoire le plus petit. Et c’est au quotidien que nous le « vivons ». Standardisé et perçu sous ses dimensions normatives et quantitatives, il devient une sorte de container impersonnel de chiffres habillé par des façades plus ou moins photogéniques. Son intérieur n’est plus interrogé.

A l’opposé de ce constat, c’est précisément l’intérieur, ce que l’on voit quand on enlève la façade, qui m’intéresse. J’aime bien la coupe de Bertall de 1845, cette illustration d’un bâtiment sans sa façade qui illustre « les cinq étages de la vie parisienne », où les étages représentaient les classes sociales, l’escalier les sociabilités et rencontres possibles.

Coupe de Bertall - 1845

Coupe de Bertall – 1845

L’habitat est aujourd’hui standardisé du fait des contraintes du marché et de l’empilement des réglementations. Du T1 au T5, tous les appartements suivent la même organisation : « jour/nuit », « bande humide » en fond d’appartements…

Or, en enlevant la façade, nous découvrons un univers fascinant de modes de vie tous différents et changeants, qui témoignent de la grande mutation de la société actuelle. Que voit-on aujourd’hui dans ces appartements ?  Des familles monoparentales (3 enfants sur 10 vivent avec 1 seul de leurs parents), des divorcés, des colocations (dont 30 à 35 % correspondent à la classe d’âge des 40 ans), des jeunes chômeurs retournant chez leurs parents… Il devient difficile de cohabiter et de retrouver de l’intimité à l’heure où nous semblons entrer dans l’ère du partage !

De même, l’habitat est touché par les mutations et contradictions propres à la ville : la densification urbaine face à des espaces sous-peuplés et sous-optimisés, des impératifs écologiques, des configurations imprévues… Autant de facteurs qui appellent à l’émergence d’un logement résilient.

Logement coopératif : habitat évolutif

Beatriz Ramo pense un habitat évolutif en fonction des besoins des occupants.

Logement coopératif et nouveaux modes de vie

Il s’agit ainsi de revoir l’habitat au prisme de ces nouveaux modes de vie, de réviser les typologies classiques dans la production de logements et d’optimiser l’existant. Chez STAR strategies + architecture, nous parlons d’évolutivité des appartements neufs : le logement doit pouvoir évoluer en fonction des besoins d’espace de ses habitants. Un T5 doit pouvoir être divisé demain en T1 et T3, pour un habitat coopératif. Il faut aussi générer des typologies intermédiaires ou « PLUS » (T1+, T2+), c’est-à-dire par exemple un T2 de 50m² pouvant temporairement cloisonner un espace de 6-7 m2 – ce qui est notamment très adapté pour les familles monoparentales. Il faut enfin penser aux logements coopératifs familiaux et préparer les T3 pour les accueillir vertueusement, voire même générer des typologies spécialement conçues pour les cohabitation/colocations, à l’image de la Co-résidence1 – un appartement qui compte 3-5 unités privés autour d’une cuisine, d’un séjour et d’une salle à manager communs, etc. Ces typologies adaptées aux modes de vie permettent ainsi de penser la véritable durabilité des logement coopératifs. Ceux-ci seront moins touchés par les changements rapides de nos cadres de vie.

Logement coopératif : T5

D’une situation actuelle où une personne âgée occupe un T5 sous-peuplé…

Logement coopératif : T1

…à une situation idéale où l’ex-T5 accueille la personne âgée et un étudiant dans un T1 tout neuf.

La résilience du logement invite donc à revenir sur une sociologie de l’habitat et à remettre au cœur de l’architecture les mœurs de notre temps. »

 

1 Co-résidence – Concept d’appartement conçu par STAR en 2012 dans le cadre de l’AIGP – https://www.youtube.com/watch?v=7betd1F10Fk&index=2&list=PL0QGMtA8eKD-o4GZzQMwahczi18kEuowx

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